Réforme des retraites: entre Macron et Berger, un conflit qui s'installe dans la durée

Une relation sous haute tension, entre deux hommes qui détiennent sans doute les clefs de la sortie de crise. Le ton est encore monté ces dernières heures entre Emmanuel Macron et Laurent Berger, le numéro 1 de la CFDT, alors que l'intersyndicale a défilé ce jeudi pour la 11e fois contre la réforme des retraites voulue par le président de la République.
Depuis son déplacement en Chine, l'entourage d'Emmanuel Macron a regretté ce mercredi après-midi que "pour la première fois de son histoire", le syndicat "n'ait pas présenté un autre projet" pour la réforme des retraites.
"La seule réponse, c'était rien", estime-t-on auprès du chef de l'État.
Berger appelle Macron à "calmer ses nerfs"
Pas question non plus de parler de "crise démocratique" comme l'a avancé le syndicaliste, après l'adoption par 49.3 de la réforme des retraites et le rejet par l'opinion publique du recul de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans. "On ne peut pas parler de crise démocratique quand le projet a été porté, expliqué et assumé", a répondu l'entourage du président de la République.
Autant dire que quelques heures à peine après une brève réunion à Matignon, la première depuis la présentation du projet de loi mi-janvier, l'Élysée n'a pas vraiment arrondi les angles.
"J'appelle le président de la République à ne pas balancer des petites phrases. Sinon il va finir par se mettre à dos l'ensemble des organisations syndicales", a estimé Laurent Berger mercredi soir sur BFMTV, demandant à Emmanuel Macron de "calmer ses nerfs".
"On a sous-estimé l'opposition de la CFDT"
Cette passe d'armes est loin d'être la première. Lors de son interview sur TF1 et France 2 mi-mars, le chef de l'État avait accusé - sans le nommer - le syndicat réformiste de n'avoir "proposé aucun compromis" et affirmé que Laurent Berger était "allé devant son congrès en proposant d'augmenter les durées (de cotisation)".
Le leader de la CFDT l'avait alors accusé de "déni" et de "mensonge", estimant qu'il voulait là "masquer son incapacité à trouver une majorité pour voter sa réforme injuste".
"Je pense qu'on a sous-estimé l'opposition de la CFDT à la réforme. On ne nous avait pas vraiment habitué à ça", remarque un député macroniste auprès de BFMTV.com.
Sous le précédent quinquennat Macron, le syndicat avait ainsi accompagné les ordonnances travail de Muriel Pénicaud, pourtant très contestées par une partie des syndicats. La centrale n'avait pas non plus hésité à tendre la main à l'exécutif pendant la crise des Gilets jaunes.
Cap sur la décision du Conseil constitutionnel
Laurent Berger a d'ailleurs bien proposé une sortie de crise à l'exécutif en l'appelant à mettre "sur pause" la réforme et en permettant une médiation, avec une stratégie assez proche de celle du précédent quinquennat.
Après l'adoption de la réforme de la retraite à points par 49.3, malgré des mobilisations d'ampleur, Édouard Philippe, alors à Matignon, avait accepté de suspendre l’âge pivot à 64 ans et d'organiser une "conférence de financement" pour remettre à plat la réforme.
Mais l'Élysée reste, elle, déterminée à faire appliquer son projet. La présidence juge encore que la réforme est déjà suspendue, en attendant la décision du Conseil constitutionnel le 14 avril prochain. Et d'espérer que la réforme sera validée en grande partie par les Sages pour pouvoir ensuite la promulguer et l'appliquer d'ici la fin de l'été, comme souhaitée par la présidence.
"Ils doivent se parler"
Emmanuel Macron s'est d'ailleurs dit prêt à rencontrer les syndicats dans "les semaines à venir", après le verdict de l'institution donc. Autant dire que le président devrait écarter la question des retraites pour parler d'une future loi travail.
La CFDT a déjà laissé entendre que "tant que la loi n'est pas promulguée, la mobilisation reste possible", a assuré de son côté Marylise Léon, la secrétaire générale adjointe du syndicat.
Pourtant, nombreux sont ceux dans les rangs de la majorité présidentielle à espérer qu'Emmanuel Macron renoue le fil des discussions avec Laurent Berger.
"La question n’est pas: peuvent-ils se parler? Évidemment, ils doivent se parler!", avance ainsi le député Renaissance Gilles Legendre dans les colonnes du Parisien.
"Les conflits trouvent des solutions quand chacun fait un pas vers l'autre", juge encore le député Modem Erwan Balanant sur notre antenne.
Le député Renaissance Louis Margueritte, proche de Bruno Le Maire, met de son côté en avant les discussions entre la CFDT et les élus macronistes sur l'intéressement des salariés dans leurs entreprises pour expliquer que le dialogue n'est pas rompu. En attendant, l'intersyndicale appelle d'ores et déjà à une nouvelle journée de mobilisation le 13 avril prochain. À la veille de l'annonce de la décision du Conseil constitutionnel.