"Lamentable", "cliché", "raciste": des propos attribués à Emmanuel Macron indignent des urgentistes

Un camion de pompiers devant le service d'urgences du CHU de Nantes, en Loire-Atlantique, le 15 mars 2017 (photo d'illustration) - LOIC VENANCE / AFP
"Mamadou? Ça veut dire quoi? C'est qui?" s'indigne auprès de BFMTV.com Jean-François Cibien, président d'Action praticiens hôpital et médecin urgentiste au Samu 47, au sujet des propos attribués à Emmanuel Macron. "On parle de soignants? De patients?"
"Aux urgences, on a affaire à des malades qui viennent consulter et à des soignants au service de la population. Mamadou, c'est de la fiction."
Selon une enquête publiée ce jeudi par Le Monde, le président de la République aurait déclaré à l'automne 2023 que "le problème des urgences" en France tiendrait du fait qu'ils seraient "remplis de Mamadou". Des propos que BFMTV n'a pas pu confirmer, fermement démentis par l'Élysée.
Le quotidien évoque un échange qui serait tenu entre Emmanuel Macron et le ministre de la Santé d'alors, Aurélien Rousseau, lors d'une réunion à l'Élysée au sujet de l'hôpital public et de l'aide médicale d'État aux étrangers en situation irrégulière.
"C'est le degré zéro du débat politique", déplore pour BFMTV.com Christophe Prudhomme, porte-parole de l'Association des médecins urgentistes de France. Pour ce médecin urgentiste au Samu 93, il ne fait aucun doute que ces mots visent les patients des urgences.
"Les urgences ne sont pas remplis de Mamadou"
Tenus ou pas, les propos prêtés au chef de l'État sont ainsi jugés "très éloignés de notre réalité quotidienne", regrette encore le médecin urgentiste Jean-François Cibien, également vice-président de Samu-urgences de France. "Sur le terrain, nous ne sommes pas dans les clichés."
"La déconnexion de notre administration et de certains de nos hommes politiques avec la réalité du terrain interroge. Moi, je suis sur terre et je défends les valeurs de la République."
Pour Christophe Prudhomme, la portée des mots que le président aurait tenus est inquiétante. "Heureusement que l'Élysée a démenti, car ce type de propos racistes tombent sous le coup de la loi."
"Les urgences ne sont pas remplis 'de Mamadou'", s'insurge-t-il.
"Leur médecin traitant, c'est les urgences"
Christophe Prudhomme dénonce ainsi "une rhétorique portée par la droite et l'extrême droite" selon laquelle "si les urgences sont encombrées, ce serait de la faute des patients".
"Donc forcément les immigrés et en particulier les immigrés en situation irrégulière qui bénéficient de l'aide médicale d'État."
Or, selon lui, "toutes les études et l'ensemble du corps médical peuvent vous assurer que ce n'est pas ça le problème des urgences". Pour rappel, si l'aide médicale d'État a concerné 446.000 bénéficiaires en 2023 pour un coût de 1,2 milliards d'euros, ce montant ne représente que 0,5% des dépenses de santé.
Christophe Prudhomme évoque plus précisément la situation dans le département de la Seine-Saint-Denis, où la densité de médecins généralistes et spécialistes est inférieure aux moyennes régionale et nationale. Un département considéré comme le premier désert médical de France. "Les gens vont aux urgences parce qu'ils n'ont pas de médecin traitant. Leur médecin traitant, c'est les urgences."
Une situation qui n'est pas sans conséquences pour les patients et le système de santé. "Les gens consultent quand ça va vraiment mal et arrivent souvent trop tardivement avec des pathologies plus graves qui ont évolué, ce qui a une incidence sur leur état de santé et ce qui coûte forcément plus cher."