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Immigration: quand Macron disait le contraire des propos de Bayrou sur le "sentiment de submersion"

François Bayrou et Emmanuel Macron au Palais Beaumont à Pau (Pyrénées-Atlantique), le 18 mars 2022.

François Bayrou et Emmanuel Macron au Palais Beaumont à Pau (Pyrénées-Atlantique), le 18 mars 2022. - Ludovic MARIN / AFP

Un an et demi avant les propos de François Bayrou, le chef de l'État jugeait "faux de dire" que la France était "submergé par l'immigration". Du côté de Matignon, on persiste et signe, assurant se faire l'écho d'un "sentiment des Français".

Des propos qui agacent jusque dans son propre camp et qui contredisent Emmanuel Macron. En affirmant ce lundi soir que la France "approche" d'un "sentiment de submersion" migratoire, François Bayrou a pris à rebours le chef de l'État.

"Est-ce qu'on est submergés par l'immigration? Non. C'est faux de dire cela", jugeait en août 2023 le locataire de l'Élysée dans les colonnes du Point.

"Cela dit, la situation que nous connaissons n'est pas tenable et nous devons réduire significativement l'immigration, à commencer par l'immigration illégale. Nous avons une obligation de résultat", avançait encore le président.

Emmanuel Macron annonçait notamment souhaiter avancer sur une loi immigration, votée finalement dans la douleur quelques mois plus tard. Lors de sa réélection en 2022, il avait estimé avoir été élu pour "faire barrage à l'extrême droite".

Les mots du chef de l'État auprès du Point apportent de l'eau au moulin à la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet.

"Je n'aurais jamais tenu ces propos et ils me gênent", a jugé la députée macroniste ce mardi sur BFMTV.

Applaudissements de Retailleau et Darmanin

Selon l'Insee, en 2023, la population étrangère vivant en France s'élevait à 5,6 millions de personnes, soit 8,2% de la population totale, contre 6,5% en 1975.

Du côté du gouvernement, certains ont applaudi François Bayrou. En disant "que tout est une affaire de proportion", le Premier ministre "a justifié la politique que je souhaite mener", s'est réjoui le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau de son côté sur France 2.

Il faut dire que l'ancien patron des sénateurs LR a fait de la lutte contre l'immigration irrégulière son cheval de bataille ces dernières années. Elle n'est "pas une chance", avait-il encore asséné en septembre.

Gérald Darmanin, désormais ministre de la Justice, s'est félicité de son côté "qu'un homme centriste" comme François Bayrou "puisse dire" "qu'il y a une proportion d'étrangers qui ne doit pas être dépassée sur le sol national" sur CNews.

La présidente des députés RN Marine Le Pen a réclamé de son côté "des actes" au Premier ministre à notre micro.

"Sortir de ce parisianisme"

Du côté de Matignon, on persiste et signe. François Bayrou "perçoit ce sentiment des Français, ce n’est pas ce qu’il pense lui mais c’est ce qu’on lui dit sur le terrain", avance l'un de ses proches auprès de BFMTV.

"Il faut sortir de ce parisianisme, c’est ce que les gens ressentent", juge encore son entourage.

"Les mots et les fantasmes d'extrême droite"

Mais le Premier ministre qui tente manifestement de contenter l'aile droite de son gouvernement a-t-il trop tiré sur la corde? Alors que les socialistes n'ont pas voté une motion de censure pour le renverser mi-janvier, le parti à la rose n'apprécie guère ses propos.

"On n'emprunte ni les mots ni les fantasmes de l'extrême droite", a réagi le patron des députés socialistes Boris Vallaud sur X.

Cela pourra-t-il influencer la décision de son groupe de voter la censure du gouvernement sur le budget qui pourrait être soumis à un 49.3 dès la semaine prochaine?

"À l'évidence, ce sujet ne pourra que peser dans la décision du groupe", a reconnu lors d'une conférence de presse le député PS Emmanuel Grégoire.

Les insoumis, eux, y voient l'occasion de pousser les socialistes à censurer François Bayrou lors du vote du budget de la sécurité sociale qui devrait alors lieu lundi prochain en cas d'accord entre l'Assemblée et le Sénat.

"Un Premier ministre ne devrait jamais dire ça", a jugé la présidente des députés La France insoumise, accusant François Bayrou "d'utiliser directement les mots d'Éric Zemmour".

Marie-Pierre Bourgeois