Emmanuel Macron propose que Richard Ferrand devienne président du Conseil constitutionnel

Emmanuel Macron et Richard Ferrand, le 5 avril 2022 à Spezet, dans le Finistère - Ludovic MARIN © 2019 AFP
Un nom sans surprise. Emmanuel Macron a levé le voile sur son intention de nommer Richard Ferrand président du Conseil constitutionnel, une décision dans l'air depuis plusieurs semaines.
Le président du Sénat Gérard Larcher a lui désigné le sénateur Les Républicains Philippe Bas comme membre du Conseil, tandis que la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a désigné l'ex-députée MoDem et ancienne magistrate Laurence Vichnievsky.
Après 9 ans de mandat, Laurent Fabius doit quitter l'institution chargée de vérifier notamment la conformité des lois avec la Constitution en mars prochain.
Une audition devant le Parlement à haut risque
Cette nomination a de quoi réjouir l'ex-président de l'Assemblée nationale, officiellement en retrait depuis sa défaite aux législatives en 2022 - une première depuis 1958 pour un locataire du Perchoir.
Mais ce très proche du chef de l'État qui n'a jamais cessé d'échanger avec lui doit encore passer les fourches caudines du Parlement. Il lui faut en effet encore convaincre la commission des lois à l'Assemblée comme au Sénat.
Si les 3/5 des parlementaires qui en sont membres mettent leur veto, l'ancien député qui a commencé sa carrière aux côtés d'Henri Emmanuelli et de Martine Aubry, n'aura d'autre choix que de reculer.
Son audition n'aura d'ailleurs rien d'une formalité. En février 2022, l'audition de la ministre Jacqueline Gourault, pressentie pour devenir membre du Conseil constitutionnel avait été émaillée de chausse-trappes, de questions sur les décisions passées du Conseil constitutionnel ou ses relations avec Emmanuel Macron. Sa nomination avait cependant été bien validée in fine.
Des compétences juridiques plutôt faibles
Il faut dire que le profil de Richard Ferrand, reconverti dans les affaires depuis qu'il a quitté la vie politique, interroge sur plusieurs points, à commencer par son parcours jugé trop peu juridique.
Avec seulement deux petites années de droit au compteur et un passage au Parlement pendant 10 ans marqué par seulement deux propositions de loi portées en son nom, certains doutent de ses compétences techniques.
Autant dire que l'ancien député qui a gagné le surnom de "grognard grognon" en macronie est loin de cocher les cases évoquées par Laurent Fabius en décembre dernier dans un discours sous forme de testament.
L'ancien Premier ministre socialiste espérait que son successeur détienne une "expérience juridique solide", appelant à "la compétence" et à "l'expérience".
Une indépendance à prouver
Sa proximité avec le chef de l'État interpelle également, d'autant plus dans un contexte où le Conseil constitutionnel a été très attaqué ces dernières années.
En pleine réforme des retraites en 2023, Laurent Wauquiez, alors président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, avait accusé le Conseil constitutionnel qui venait de censurer en partie des dispositions de la loi, "d'être sorti de son lit". "Désormais, le juge s'est mis à écarter les lois", avait tempêté l'élu LR.
En cas d'élection de Marine Le Pen ou d'un candidat de droite en 2027, il est possible que la légitimité de l'institution soit remise en cause. La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet avait d'ailleurs appelé lors de ses vœux en janvier dernier à la nomination d'un président qui a montré "son indépendance" et sa "capacité à faire face" aux pressions politiques.
La longue tradition du fait présidentiel
Richard Ferrand pourra cependant rappeler que la tradition veut qu'un président nomme une personnalité dont il est relativement proche, que ce soit Roland Dumas pour François Mitterrand, Jean-Louis Debré pour Jacques Chirac ou Laurent Fabius pour François Hollande.
L'ex-député aura d'autant plus à faire devant les parlementaires pour les convaincre de sa légitimité que sa seule interview après sa défaite aux législatives avait jeté le trouble. Le sexagénaire avait appelé auprès du Figaro à "changer" "la limitation du mandat présidentiel dans le temps". De quoi y voir la main d'Emmanuel Macron qui avait rapidement pris ses distances.
Si sa nomination est validée par les parlementaires, le nouveau président du Conseil constitutionnel sera d'ailleurs rapidement jugé à l'épreuve des faits.
Une première épreuve
Les Sages devraient se pencher dans les prochaines semaines sur une question prioritaire de constitutionnalité liée à l’inéligibilité d’un élu condamné et à l’exécution provisoire de sa peine qui l'empêche de se présenter à nouveau devant les électeurs, même en cas d'appel.
La réponse sera particulièrement suivie par Marine Le Pen pour qui le Parquet de Paris a requis ce type de peine, laissant planer son absence de la ligne de départ pour la présidentielle en 2027.
Deux autres personnes devraient bientôt faire leur arrivée au Conseil constitutionnel pour remplacer deux anciens sages qui achèvent leur mandat de 9 ans rue de Montpensier.
La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet pourrait choisir l'ancienne députée Modem et magistrate Laurence Vichnievsky. Son homologue du Sénat Gérard Larcher pourrait de son côté nommer le sénateur Philippe Bas ou le ministre François-Noël Buffet.