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"Ni élan, ni souffle": pourquoi Macron marque le pas dans les sondages

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Le chef de l'État, tardivement déclaré candidat à sa réélection, a déroulé ses propositions jeudi. Un programme qui, à 42%, est perçu comme étant "ni innovant ni novateur", et dont la présentation a précédé une baisse dans l'opinion.

Avertissement ou simple effet de conjoncture? Pour la deuxième semaine consécutive, Emmanuel Macron enregistre une baisse des intentions de vote au premier tour de l'élection présidentielle, selon le sondage Elabe réalisé pour BFMTV, L'Express et SFR, paru ce mardi.

Récemment entré en campagne, après une officialisation de sa candidature le 3 mars dernier dans une "lettre aux Français", le dirigeant sortant, largement en tête dans toutes les enquêtes d'opinion, enregistre là 27,5% d'intentions de vote, soit une diminution de 3,5 points. La semaine passée, Emmanuel Macron avait déjà accusé une baisse de 2,5 points.

En deux semaines, le chef de l'État-candidat a donc perdu une large partie des 8,5 points acquis lorsqu'il s'était déclaré, avec la guerre en Ukraine en toile de fond.

Progression de Le Pen et Mélenchon

Si Emmanuel Macron reste solidement ancré en tête, ses adversaires progressent. Marine Le Pen gagne elle un point et s'établit à 20% des intentions de vote, et Jean-Luc Mélenchon à 15%. Éric Zemmour et Valérie Pécresse eux ne dépassent guère les 10%, respectivement en baisse de 0,5 et 1,5 point.

En cas d'hypothétique second tour entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron aussi, la victoire serait moins large: la candidate d'extrême droite grignote 3,5% des voix et monte à 44%, face à un sortant qui ne récolterait plus que 56% des voix. En 2017, cette même affiche avait vu l'ancien ministre de l'Économie de François Hollande l'emporter avec 66,1% des voix, soit une différence potentielle de 10 points en comparant avec notre sondage.

"Emmanuel Macron est accaparé par sa fonction présidentielle on le sait, mais son refus des débats passe mal dans l'opinion", note l'éditorialiste politique de BFMTV Matthieu Croissandeau, qui pointe aussi "son choix de ne pas faire pour le moment de grand meeting, de grand rassemblement, alors qu'il trouve le temps de faire des vidéos sur ses réseaux sociaux très léchées".

Un meeting devrait se tenir le 2 avril prochain à Paris, mais le lieu n'est à ce jour pas connu.

Propositions clivantes

Matthieu Croissandeau souligne aussi la "très longue conférence de presse jeudi", au cours de laquelle il a déroulé pendant plus de 4 heures son programme.

"Tout cela n'a pas créé ni d'élan ni de souffle pour cette seconde campagne présidentielle", analyse-t-il.

Selon les enseignements de notre sondage, les électeurs interrogés portent un regard globalement sévère sur le programme d'Emmanuel Macron. Près de sept Français sur dix ne le jugent "ni novateur, ni innovant" et ils sont 61% à estimer qu'il ne correspond pas à leurs attentes ni ne permettra d'améliorer le quotidien de la population. 51% pensent qu'il n'est pas réaliste, 47% qu'il n'est pas clair ni précis.

"Si les électeurs d'Emmanuel Macron ont un jugement beaucoup plus positif, le programme ne rencontre toutefois pas une adhésion unanime: 42% d'entre eux estiment qu'il n'est ni innovant ni novateur", diagnostique Elabe.

Mais plusieurs mesures trouvent largement grâce aux yeux des personnes interrogées: ainsi, 92% sont favorable au recrutement de 50.000 infirmiers et aides-soignants dans les Ehpad, 88% au relèvement du minimum retraite à 1100 euros, 84% à l'exonération de taxes les successions jusqu'à 150.000 euros ou encore 83% à la suppression de la redevance télévisuelle. La réforme du RSA, qui viserait à conditionner son versement à l'exercice d'une activité de 15 à 20 heures par semaine, remporte aussi l'assentiment de 72% des personnes.

Si de nombreuses mesures sont donc perçues d'un bon oeil, l'une suscite une levée de boucliers: le recul de l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans est rejeté à 69%. Autre enseignement, si 50% des Français jugent que le programme défendu n'est ni de droite ni de gauche, 43% l'estiment plutôt de droite.

Risque de démobilisation

Alors que seuls 58% des Français se disent à cette heure "tout à fait certains d'aller voter", ce chiffre de l'abstention potentielle pourrait encore augmenter: selon notre sondage Elabe, 64% des personnes interrogées pronostiquent une victoire d'Emmanuel Macron, "ce qui ne pousse pas tellement à la participation", diagnostique Matthieu Croissandeau.

Un risque qu'Emmanuel Macron avait flairé le 9 mars dernier, lors d'une réunion avec des cadres de sa majorité: "Les semaines qui viennent seront des semaines décisives. La pire des choses serait qu'une forme d'arrogance, et de certitude que tout est joué, s'installe", avait mis en garde le président-candidat. Un sentiment qui semble déjà bien installé dans l'opinion.

Sondage réalisé par l'institut Elabe pour BFMTV, L'Express et SFR. L'interrogation a eu lieu par Internet les 20 et 21 mars 2022 sur un échantillon de 1450 personnes inscrites sur les listes électorales et dont la représentativité a été assurée selon la méthode des quotas. La marge d'erreur est comprise entre 1,1 et 2,5.

Clarisse Martin Journaliste BFMTV