La task force d'Emmanuel Macron contre le terrorisme: la crainte d'un nouveau millefeuille

Des militaires de l'opération Sentinelle au pied de la Tour Eiffel le 20 mai 2017 (photo d'illustration) - Michel Euler-AFP
Emmanuel Macron donne un coup d'accélérateur à sa "task force". Il a répété mardi, à l'ambassade du Royaume-Uni à Paris, sa "volonté de renforcer la coopération européenne" antiterroriste au lendemain de l'attentat de Manchester. Le président de la République a par ailleurs annoncé la tenue d'un nouveau conseil de défense ce mercredi.
Cette réunion "permettra d'avancer sur la constitution d'une task force anti-Daesh sur la plus grande coordination de nos services de renseignement et le renforcement des moyens qui sont d'ores et déjà déployés", a indiqué le chef de l'État.
"J'installerai directement auprès du président de la République un organe de coordination, je l'ai appelé 'task force', capable d'agir 24 heures sur 24 contre Daesh", avait annoncé le 21 avril dernier Emmanuel Macron durant sa campagne, au lendemain de l'attaque qui avait tué un policier sur les Champs-Élysées à Paris.
"Un problème de désorganisation énorme"
Depuis le 1er janvier, sept attentats ont été empêchés en France. Pour lutter contre ces menaces, le président veut donc créer une cellule chargée de la coordination des services de renseignement directement rattachée à l'Élysée, associant les ministères de l'Intérieur, de la Défense avec les Transports et la Santé.
"Il y a un problème de désorganisation énorme au niveau des services de renseignement en France, analyse pour RMC Ghislain Benhessa, avocat au barreau de Strasbourg, auteur de L'État de droit à l'épreuve du terrorisme. Il y a eu un problème de coordination entre les services et Emmanuel Macron choisit certainement de mettre fin à ce problème de coordination en disant que c'est lui qui coordonne au lieu de laisser les autres le faire."
"Une feuille rajoutée au mille-feuille"
Mais selon d'autres spécialistes, elle ne sera efficace que si ses missions sont clairement définies.
"Il y a eu dans l'histoire du renseignement antiterroriste des task forces très efficaces, remarque pour BFMTV Alain Bauer, président du conseil national des activités privées de sécurité. L'une qui s'appelait Alliance contre Al-Qaeda. Si c'est ça, c'est une bonne idée. Si c'est à la place du reste et que c'est un peu plus large, ce n'est plus une task force, c'est un conseil de sécurité national ou un conseil national antiterroriste. Là, il faut redéfinir les périmètres de qui décide de quoi."
C'est également le point de vue de Louis Caprioli, conseiller du groupe Geos, ancien responsable de la lutte anti-terroriste à la Direction de la surveillance du territoire, qui se montre plus sévère.
"Je ne crois pas que la création de la task force va changer grand-chose, indique-t-il à RMC. On voit qu'il y a déjà six organismes au sein du ministère de l'Intérieur qui s'occupent à la fois de la collecte de renseignement et de son exploitation. Je crois qu'il y en a déjà trop, c'est un luxe inutile, c'est une feuille qui va être rajoutée au mille-feuille."
Le cas des "revenants"
Cette task force sera composée de 50 à 100 agents. Et fonctionnera 24 heures sur 24. Concernant les "revenants", ces jihadistes français de retour sur le territoire national après un séjour à l'étranger, le chef de l'État veut créer des centres d'accueil fermés. Pas forcément une bonne idée selon un spécialiste du sujet.
"Les attentats qui sont commis, il ne le sont pas par des extraterrestres, ils ne sont pas commis par des gens qui viennent toujours de l'extérieur, analyse pour BFMTV Jean-Pierre Pochon, ancien directeur des renseignements français. Ils sont commis la plupart du temps par des gens qui sont des Français, qui sont nés sur notre territoire et qui tuent d'autres Français. Il y a un problème, ça ne veut pas dire qu'il est social. Mais il faut s'attaquer à tous les paramètres qui peuvent profiter au terrorisme."
Actuellement, 700 français combattraient dans les rangs de Daesh en Irak et en Syrie.