BFMTV
Police-Justice

Suppression des dispenses, peines minimales... Comment Gérald Darmanin veut "révolutionner" la justice pénale

Le ministre de la Justice Gérald Darmanin le 23 janvier 2025 à l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire, à Agen

Le ministre de la Justice Gérald Darmanin le 23 janvier 2025 à l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire, à Agen - Philippe Lopez

Le ministre de la Justice Gérald Darmanin a esquissé ce lundi les contours de son projet de loi avec l'objectif de restaurer la confiance des citoyens dans la justice.

Il promet une "véritable révolution pénale". Le ministre de la Justice Gérald Darmanin Gérald Darmanin a présenté ce lundi 28 juillet un projet de loi visant à assurer une Sanction Rapide, Utile et Effective (SURE). Les objectifs du texte: restaurer la confiance des citoyens dans la justice et prévoir, à l'avenir, de ne pas engorger les juridictions avec un stock d'affaires trop important.

Selon un sondage Elabe pour BFMTV publié en octobre 2023, 21% disent ne "pas du tout" faire confiance à la justice et 40% ne "pas vraiment" lui faire confiance. Car, selon Gérald Darmanin, la justice fait face à un paradoxe: on prononce plus de peines que par le passé, ces peines sont plus lourdes, mais elles sont moins exécutées.

"Les juges ne sont pas laxistes. Mais le système l'est devenu par sa complexité", indique le garde des Sceaux.

Gérald Darmanin souhaite réserver le sursis à ceux jamais condamnés

Pour illustrer ce constat, le ministre de la Justice note que 93.000 peines ont été prononcées en 2024. Parmi elles, 41% ont été aménagées ou converties avant toute incarcération, contre 33% en 2019.

Autre statistique avancée par Gérald Darmanin, le quantum moyen de peine de prison ferme a augmenté de deux mois et demi depuis 2018. En 1960, le quantum moyen de peine prononcé était de cinq mois. Il était de sept mois dans les années 1980 puis de quasiment onze mois en 2024.

Selon le ministre, on punit donc plus que par le passé, mais les peines ont plus de mal à être exécuté, d'où le sentiment d'une "justice laxiste" de l'opinion publique alors que les magistrats, selon lui, "se désespèrent" de la situation.

Pour y faire face, Gérald Darmanin entend proposer un projet de loi "court et efficace" contenant une dizaine de mesures. Parmi elles, la suppression des dispenses de peine, le sursis réservé uniquement pour les personnes qui n'ont jamais été condamnées, l'instauration de peines minimales ou encore le rétablissement de la possibilité de prononcer des peines inférieures à un mois. Des mesures déjà évoquées sur BFMTV en juin dernier.

"Il y a une peine maximale dans le Code pénal, on est condamné jusqu'à 5 ans de prison et 75.000 euros d'amende, il n'est pas anormal d'avoir une peine minimale. Et entre la peine minimale et la peine maximale, le magistrat sera libre d'individualiser la peine", expliquait-il à notre micro.

Concernant l'idée d'une peine minimale, le garde des Sceaux expliquait alors qu'elle pourrait être mise en place "dans les infractions comme les rodéos urbains, les vols de véhicule, les vols de portefeuille, les agressions physiques, les ports d'arme".

Selon lui, la France manque de prisons

Son idée est donc de restaurer la confiance en la justice en prévoyant des peines réellement exécutées. Selon lui, aujourd'hui, les magistrats prononcent des peines plus lourdes afin d'éviter qu'elles ne soient aménagées. Mais celles-ci ne sont pas exécutées. Mais quelles conséquences ces mesures auraient sur les prisons, qui sont déjà en état de surpopulation carcérale? Le ministre annonce qu'il va réaliser une étude d'impact. Au 1er juin, le nombre de détenus en France était de 84.447 pour 62.556 places, soit une densité carcérale de 135%.

La France figure parmi les mauvais élèves en Europe en termes de surpopulation carcérale, en troisième position derrière Chypre et la Roumanie, selon une étude publiée en juin 2024 par le Conseil de l'Europe.

Pour Gérald Darmanin, ces mesures pourraient réduire le nombre de détenus, car seuls ceux qui sont réellement condamnés iraient en détention. Mais son projet se heurtera forcément à des effets de bords entre l'actuel système et celui qu'il appelle de ses vœux.

Tous les soirs dans Le Titre à la Une, découvrez ce qui se cache derrière les gros titres. Zacharie Legros vous raconte une histoire, un récit de vie, avec aussi le témoignage intime de celles et ceux qui font l'actualité.
Isolement, fouilles intégrales: à quoi vont ressembler les nouvelles prisons de haute sécurité?
13:23

Aux yeux du garde des Sceaux, seuls trois types de faits méritent de la prison ferme: les atteintes aux personnes, le trafic de stupéfiants et les atteintes à l'intégrité de la République, notamment sur les personnes dépositaires de l'autorité publique.

En parallèle, il assure toujours que la France manque de prisons et qu'il faut donc en construire davantage, rappelant son projet de prisons modulaires. Concernant les courtes peines, le ministre de la Justice prévient déjà qu'il expérimentera des établissements pénitentiaires spécifiques dans le ressort de trois cours d'appel pour en mesurer les conséquences. Il assure toujours vouloir "catégoriser" les détenus, selon leur degré de dangerosité.

Un texte présenté à la rentrée

Le ministre de la Justice indique ce lundi avoir largement consulté avant de rédiger son texte. Cet après-midi, il devait recevoir les représentants du Rassemblement national et ceux des Républicains, après avoir déjà reçu les syndicats de magistrats, les syndicats pénitentiaires et les grandes autorités de la chose pénale (contrôleure générale des lieux de privation de la liberté, etc...).

Gérald Darmanin assure avoir l'appui du président de la République et du Premier ministre pour présenter son texte à la rentrée. Ce lundi soir, il doit envoyer une première version de son texte aux groupes politiques, qu'il complétera à la fin de l'été lorsque les articles seront bien rédigés.

"Il y aura encore une phase de négociations possibles entre fin août et début septembre", précise-t-il.

"Être ministre, c'est proposer des choses!", assure le garde des Sceaux. Interrogé sur les chances de voir son texte adopté dans une rentrée très compliquée et avec une Assemblée nationale fragmentée, Gérald Darmanin assure "qu'il prend tout le monde au sérieux" mais souhaite faire avancer le débat.

Même s'il reconnaît, selon son entourage, qu'il y a "un risque" que son texte ne puisse pas être voté, il ne résout pas à rester inactif et voit dans son initiative un moyen de poser les bases d'un débat pour l'élection présidentielle de 2027.

Vincent Vantighem, Mathilde Lemaire, avec Matthieu Heyman