Benalla convoqué par la justice: les questions qui intéressent les juges

"Nous ne poserons aucune question sur des décisions qui relèveraient de la justice." Le 19 septembre dernier, Philippe Bas, président de la commission d'enquête du Sénat, avait établi les règles: aux sénateurs, les missions d'Alexandre Benalla à l'Elysée, à la justice, sa présence et son rôle lors de la manifestation du 1er-Mai à Paris. L'ancien chargé de mission de l'Elysée, mis en examen le 22 juillet, a été entendu ce vendredi pendant 5 heures par les juges d'instruction afin de s'expliquer sur les violences commises place de la Contrescarpe. Il s'agit du premier mis en examen dans ce dossier à être interrogé sur le fond.
"C'est un homme qui a toujours répondu aux questions qui lui étaient posées dans la limite de ce qu'il pouvait faire juridiquement. Devant les enquêteurs, il a été prolixe", assurait fin septembre sur BFMTV son ancien avocat Me Laurent-Franck Lienard.
> Pourquoi était-il présent le 1er mai?
Afin d'étayer leur dossier, les magistrats instructeurs en charge de ce dossier qui porte sur des "violences en réunion" et "immixtion dans l'exercice d'une fonction publique", notamment, pourraient interroger l'ancien responsable sécurité et sûreté d'Emmanuel Macron lors de sa campagne sur sa présence en qualité d'observateur aux côtés des forces de maintien de l'ordre à Paris le 1er mai. Lors de son audition devant le Sénat, Pierre Leleu, commandant de l'unité de CRS présent ce jour-là, a indiqué ne pas avoir été informé de sa venue.
"J'ai appris à 9 heures que M. Benalla sera présent comme observateur", a assuré Maxence Creusat, commissaire à la Direction de l'ordre public et de la circulation de la préfecture de police de Paris, également mis en examen dans ce dossier. "Je l’ai appris de la bouche du numéro 3 du DOPC, c’est un contrôleur général parce qu’il a son bureau à côté du mien. Il se trouve que le major de police qui était le tuteur de M. Benalla a son bureau en face (...)."
> Pourquoi portait-il un équipement de policier lors de la manifestation du 1er mai?
Des images filmées lors de la manifestation du 1er mai montrent Alexandre Benalla muni d'un casque, d'une radio et d'un brassard police. Autant d'éléments qui intriguent la justice pour celui qui a assuré devant les sénateurs n'avoir "jamais été policier".
"La mission d'observation s'était pour mieux appréhender, mieux comprendre", a-t-il encore expliqué. "Ce n'est pas une mission quotidienne, on ne me demande pas d'aller observer les manifestants, je n'ai jamais été présent à une manifestation depuis que je suis entré en fonction."
Le commissaire Creusat a lui aussi apporté des éléments sur cette question: "Il est courant, voire même permanent, en tout cas je le fais à chaque fois quand j’ai un observateur avec moi, je lui donne un casque de maintien de l’ordre pour que ce dernier puisse se protéger. (...) Cela ne me choque pas qu’un observateur ait un poste Acropol pour écouter la radio. Parce que c’est également lié à sa sécurité." Idem pour le brassard. "Il faut qu’il puisse être identifié comme appartenant aux professionnels de l'ordre public", a précisé le policier.
> Pourquoi Alexandre Benalla est intervenu place de la Contrescarpe?
Depuis le début de cette affaire, les arguments de la défense d'Alexandre Benalla reposent sur l'acte citoyen.
"Ce qui se passe le 1er-Mai, c’est véritablement un non-événement. L’acte de contrainte de M. Benalla sur le manifestant pour l’amener devant un officier de police est inscrit dans un acte légal", estimait Me Laurent-Franck Lienard.
En garde à vue, l'ancien chargé de mission de l'Elysée a indiqué qu'"à aucun moment je ne lui ai porté un coup".
Une version contredite par les images mais aussi par le récit du couple molesté place de la Contrescarpe. "Il l’étrangle avant de le relever puis de le jeter par terre et de lui asséner un coup extrêmement violent", a tenu à rappeler Me Sahand Saber, l'avocat du couple. Il pensait que c’était un policier, il voit un homme avec un casque, avec un brassard de policier, à aucun moment il pensait qu’il y avait un chargé de mission de l’Elysée sur les lieux."
> La récupération des images de vidéosurveillance?
Comment et pourquoi Alexandre Benalla s'est-il retrouvé avec les images de vidéosurveillance de la manifestation du 1er-Mai? La justice va s'interroger sur ce fameux 18 juillet au soir, jour des révélations du Monde sur l'existence d'une vidéo. Le commissaire Creusat se serait déplacé auprès des services de vidéosurveillance de la préfecture pour vérifier l'existence d'une vidéo des faits. Il aurait alors prévenu Laurent Simonin (contrôleur général à la DOPC) qui, lui-même, aurait averti Alexandre Benalla, avant de lui proposer de lui transmettre les images. Les deux policiers ont été mis en examen dans ce dossier.
Les juges vont également chercher à savoir qui, à l'Elysée, a eu les images entre les mains.
> Les événements du jardin des Plantes
Le 10 août, l'instruction a été élargie aux faits qui se sont déroulés au jardin des Plantes, toujours le 1er mai. Deux jeunes de 23 et 24 ans ont porté plainte affirmant avoir été victimes d'une interpellation musclée au jardin des Plantes après avoir croisé Vincent Crase et Alexandre Benalla. Un troisième plaignant s'est constitué dans ce pan du dossier, un homme de 36 ans qui raconte avoir été violenté ce jour-là. C'est la première fois qu'il sera interrogé sur ces faits. Il pourrait être mis en examen dans cette affaire.