Syrie: vers un éloignement progressif d'une intervention militaire?

François Hollande et Barack Obama. - -
La proposition russe de démanteler les stocks d'armes chimiques syriens, dont l'emploi constituaient pour Barack Obama une "ligne rouge" à ne pas franchir, va-t-elle tuer dans l'oeuf tout projet d'intervention, fut-elle limitée, contre la Syrie?
Face à la précipitation des événements dans le dossier syrien ces derniers jours rien ne paraît vraiment sûr. Seule certitude, la position des interventionnistes qui oeuvrent à renverser dans leur pays même une opinion publique frileuse, Etats-Unis et France en tête, apparaît de plus en plus compliquée.
> Cette proposition russe qui change la donne
Paradoxalement, l'initiative russe résulte de l'exploitation avisée d'une déclaration d'un des plus fervents partisans d'une intervention en Syrie, à savoir le chef de la diplomatie américaine, John Kerry.
• Kerry émet une hypothèse
A Londres, John Kerry avait lundi, formulé sans trop y croire l'hypothèse suivante: "Bien entendu il (Bachar al-Assad, ndlr) pourrait restituer l'intégralité de son arsenal chimique à la communauté internationale, dans la semaine à venir, tout rendre, tout sans délai (...) Mais il n'est pas prêt à le faire, et il ne le peut pas."
• Le ministre russe Lavrov saisit la balle au bond
Quelques heures plus tard, Sergueï Lavrov, l'alter-ego russe de John Kerry répondait: "Nous appelons les dirigeants syriens à non seulement accepter de placer sous contrôle international leur stock d'armes chimiques, et ensuite à le détruire, mais aussi à rejoindre pleinement l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques."
"Nous avons déjà transmis cette proposition au ministre syrien des Affaires étrangères, M. Mouallem, qui se trouve à Moscou, et espérons une réponse rapide et positive", avait-t-il aussitôt ajouté.
> La communauté internationale dans l'expectative
Première concernée et première à réagir, la Syrie a immédiatement "accueilli favorablement" cette proposition, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Walid Mouallem, tout en se gardant d'être plus explicite sur le fond. A Damas, la capitale, la tension est tombée d'un cran.
Aux Etats-Unis et en France le jeu politique est beaucoup plus compliqué.
• Le vote au Sénat américain reporté
Le président Obama a dit que "cela pourrait consituer une percée imporante". L'administration américaine reconnaît qu'elle se trouve dans une situation de plus en plus difficile face au Congrès. Au Sénat, un premier vote de procédure, initialement prévu mercredi, a été reporté sine die en raison des discussions en cours sur la proposition russe et devant la réticence croissante des élus. Aucun nouveau calendrier n'a été fixé à ce stade. "Je ne dirais pas que je suis confiant" sur l'issue du vote, a concédé lundi le président américain.
• En France, on pause trois conditions
La proposition russe "mérite un examen précis", selon Paris. Laurent Fabieus a estimé qu'elle ne serait "recevable à au moins trois conditions", réclamant "des engagements précis, rapides et vérifiables" de la part de Damas.
• L'ONU s'engouffre dans la brèche
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé à la création de zones supervisées par les Nations unies en Syrie où les armes chimiques du pays pourraient être détruites. "J'étudie la possibilité de demander de manière urgente au Conseil de sécurité d'exiger le transfert immédiat des stocks d'armes et de précurseurs chimiques dans des zones en Syrie où ils pourraient être entreposés en sûreté et détruits", a-t-il précisé, jugeant indispensable de surmonter "l'embarrassante paralysie" du Conseil sur le dossier syrien.
• La Chine en renfort prévisible de la Russie
La Chine, pays fortement opposé à l'éventualité de frappes contre le régime de Damas et membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, a indiqué mardi "saluer" et "soutenir" la proposition russe de placer l'arsenal chimique syrien sous contrôle international.
> Et maintenant?
Que vont faire la France et surtout les Etats-Unis, placés dans une situation politiquement et diplomatiquement délicate par la proposition russe? C'est là, maintenant, toute la question.
• Obama évoque une "pause"
A la chaîne ABC, le président américain a même évoqué la possibilité d'une "pause" s'il était acté, sur le terrain, que les armes chimiques sont sur la voie du démantèlement.
Mais ce mardi encore Barack Obama essaiera de convaincre l'opinion du bien-fondé d'une intervention militaire en Syrie lors d'un discours solennel à la nation à 21h (3h, heure française).
• La France dans l'expectative
François Hollande recevait lundi successivement les présidents du Sénat Jean-Pierre Bel et de l'Assemblée Claude Bartolone sur le dossier syrien. L'Elysée n'avait pas réagi lundi en début de soirée à la proposition russe.
A l'issue de cet entretien, le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, confait à la presse qu'il s'agissait d'"un premier pas". "Maintenant, la Russie doit nous aider à obtenir de la part des autorités syriennes la possibilité d'avoir une réponse à la question de qui les a utilisées" et il faut également "obtenir la destruction immédiate de ces stocks", a-t-il nuancé
Pour Jean-François Copé la proposition russe constitue une "lueur d'espoir". "Pour la première fois, nous avons une initiative diplomatique qui laisse à penser que chacun comprend qu'on ne peut pas laisser totalement impunie l'utilisation d'armes chimiques", a-t-il indiqué sur i>Télé.