TOUT COMPRENDRE. Gaza: pourquoi la trêve entre Israël et le Hamas est-elle dans l'impasse?

Un marché au milieu des ruines de Jabalia, ville du nord de Gaza dévastée par les bombardements israéliens, le 27 février 2025 - Omar AL-QATTAA / AFP
La situation bloquée à Gaza. Après l'expiration ce samedi 1er mars de la première phase de la trêve entre Israël et le Hamas, l'État hébreu et le mouvement islamiste palestinien sont en profond désaccord sur la forme à donner à la suite du processus.
Israël propose en effet des négociations en vue d'une prolongation de la première phase de la trêve, ce que le Hamas refuse. Face à ce rejet, l'État hébreu a ordonné le blocage de l'aide humanitaire à Gaza.
· Que prévoyait initialement l'accord de trêve?
Entré en vigueur le 19 janvier, l'accord pour un cessez-le-feu à Gaza négocié par l'entremise du Qatar de l'Égypte et des États-Unis comporte trois phases.
La première, d'une durée de six semaines, s'est théoriquement terminée ce samedi. Au cours de celle-ci, le Hamas a relâché 25 otages et rendu les corps de huit autres à Israël, qui en échange a libéré environ 1.800 détenus palestiniens. Cette première phase a également permis le retour de l'aide humanitaire dans l'enclave. Sur le plan militaire, l'armée israélienne a évacué le couloir de Netzarim, au centre de Gaza, permettant un retour des habitants dans le nord de l'enclave.
La deuxième phase de la trêve, qui n'a donc pas été appliquée, prévoyait la fin définitive de la guerre, avec la libération de tous les otages restants - il en reste 58, dont 34 sont présumés morts - et un retrait des forces israéliennes de la bande de Gaza sous 42 jours.
Enfin, une troisième et dernière phase de l'accord devrait être consacrée à la reconstruction du territoire palestinien, un chantier gigantesque estimé par l'ONU à plus de 53 milliards de dollars.
· Quelles sont les points de blocage entre Israël et le Hamas?
"La deuxième phase aurait dû être négociée pour ce qui est de ses modalités dès le 16e jour de la première séquence, ce qui n'a pas été le cas", explique David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l'Iris sur BFM2.
Des discussions ont bien lieu, notamment jusqu'à ce week-end au Caire, mais elles n'ont rien donné de concluant. Or selon l'AFP, l'accord de trêve comporte une clause qui prolongerait automatiquement la première phase tant que les négociations pour la deuxième sont en cours.
Et sur le fond, qu'est-ce qui bloque? "Il y a des lignes rouges des deux côtés", explique David Rigoulet-Roze. Les négociations achoppent d'une part sur la présence des troupes israéliennes dans la bande de Gaza, et d'autre part sur le rôle que jouera le Hamas dans l'enclave après la guerre.
À la tête d'un gouvernement formé de partis de droite et d'extrême droite, Benjamin Netanyahu est poussé par ses alliés les plus radicaux à poursuivre la guerre. Le parti Force juive, du ministre Itamar Ben Gvir, a déjà quitté la coalition au pouvoir en janvier après avoir qualifié l'accord de trêve avec le Hamas de "scandaleux".
Alors que l'accord prévoit un retrait progressif de l'armée israélienne, Israël refuse ainsi de quitter le couloir de Philadelphie, une bande de terre le long de la frontière entre l'Egypte et Gaza à l'intérieur de Gaza, dont il a pris le contrôle pendant la guerre.
"Le maintien d'un contrôle absolu sur le couloir de Philadelphie n'est pas négociable du point de vue de la sécurité", notamment pour empêcher la contrebande d'armes à Gaza, a déclaré jeudi Israël Katz, ministre israélien de la Défense.
Israël exige aussi que Gaza soit complètement démilitarisée et le Hamas éliminé. Mais ce dernier, qui a pris le pouvoir dans le territoire en 2007, insiste pour y rester. Si le mouvement s'est dit prêt à confier les questions administratives et civiles à un groupe de technocrates palestiniens, il n'est pas prêt à abandonner le contrôle de la sécurité à Gaza, ce qui est inacceptable pour Israël.
· Que réclame Israël, soutenu par les États-Unis?
Israël a indiqué dimanche avoir accepté une proposition de l'envoyé spécial américain pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, prévoyant une extension de la première phase du cessez-le-feu pendant le ramadan et la Pâque juive, soit jusqu'à la mi-avril.
Le plan stipule, selon Israël, que "la moitié des otages, morts et vivants", seraient rapatriés au premier jour de son entrée en vigueur. Les derniers captifs seraient remis "à la fin, si un accord est trouvé sur un cessez-le-feu permanent".
Le Hamas a rejeté cette option, accusant Israël de vouloir "se soustraire" à ses engagements. En conséquence, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé le blocage dès dimanche de "toute entrée de marchandises et approvisionnements dans Gaza", malgré le risque de graves conséquences humanitaires. L'ONU, l'UE mais aussi le Qatar et l'Égypte, pays médiateurs entre Israël et le Hamas, ont dénoncé cette décision.
· La guerre va-t-elle reprendre?
Depuis le 19 janvier, la trêve a globalement été respectée, même si Israël et le Hamas se sont plusieurs fois mutuellement accusés de l'avoir rompue. L'échec des négociations pour une entrée dans la seconde phase du cessez-le-feu, puis l'annonce du blocage de l'aide humanitaire par Israël risquent désormais de relancer les hostilités.
Si le Hamas semble pour l'instant vouloir maintenir la trêve pendant le mois de Ramadan, "il y a une perspective sous-jacente d'une potentielle reprise des combats entre le deux parties", estime David Rigoulet-Roze.
Le 23 février, l'armée israélienne a annoncé "relever le niveau d'alerte opérationnelle dans la zone entourant la bande de Gaza". Et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a affirmé que son pays était prêt à reprendre les combats "à tout moment" contre le Hamas.