Pourquoi Israël a violé le droit international en arrêtant le bateau humanitaire de Rima Hassan et Greta Thunberg

"Ce que vient de faire le gouvernement israélien est illégal au regard du droit international ", affirme ce lundi sur RMC-BFMTV Manon Aubry, eurodéputée de La France insoumise.
La raison de son indignation: le déroutement par l'armée israélienne d'un bateau humanitaire faisant route en direction de Gaza, avec à son bord plusieurs Français, dont l'eurodéputée Rima Hassan. Pour Jean-Luc Mélenchon, il s'agit tout bonnement d'un "acte de piraterie". "Nous craignons le pire car ceux qui ont procédé à cette arraisonnement sont capables du pire et l'ont montré en toutes circonstances", déclare l'ancien candidat à la présidentielle.
"L'intervention des forces israéliennes sur le navire Madleen (...) alors qu'il naviguait dans les eaux internationales est une violation flagrante du droit international", a également déclaré la Turquie, selon qui il s'agit d'une "attaque odieuse" de la part du gouvernement du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
"Israël n'a aucune souveraineté sur ces eaux-là"
Le bateau sous pavillon britannique, parti depuis l'Italie, devait acheminer jusqu'à la bande de Gaza occupée du matériel humanitaire, et notamment de la nourriture alors que "100% de la population est menacée" de famine selon l'ONU. Mais dans la nuit de dimanche à ce lundi 9 juin, après plusieurs avertissements, Tsahal a "arraisonné" le vaisseau en direction de ses cotes.
Selon un tracker en ligne, le Freedom flotilla se trouvait à ce moment-là au sein des eaux internationales. "Il est prévu que les passagers retournent dans leurs pays", a ensuite expliqué le ministère des Affaires étrangères israélien.
Le bateau a été dérouté vers le port d'Ahsdod, grand port commercial du sud d'Israël non loin de Gaza, où les passagers doivent être débarqués, a indiqué le ministère israélien de la Défense.
Peut-on dire que le déroutement est en contradiction avec le droit international? Sans l'ombre d'un doute, comme l'explique à BFMTV.com Benjamin Fiorini, secrétaire général de l'association des "Juristes pour le respect du droit international" et maître de conférences.
"Ce déroutement il n'est pas du tout conforme au droit international, deux raisons le justifient", explique-t-il. La première est l'absence de souveraineté israélienne dans la zone où a eu lieu l'interception, dans une zone internationale.
"Israël n'a aucune souveraineté sur ces eaux-là, de telle sorte que cette arrestation, par définition, ne peut pas être légale", explique le spécialiste, s'appuyant sur la 4e Convention de Genève (1949).
Sur le plateau de BFMTV, l'ambassadeur de France en Israël, Joshua Zarka, a de son côté affirmé que l'arraisonnement du bateau s'était fait dans les eaux israéliennes, rejettant les accusations de violation du droit international.
Second point, l'obligation de l'État hébreu, dans une position de "puissance occupante de la bande de Gaza", d'assurer l'accès des Gazaouis à l'aide humanitaire. "Israël se soustrait lui-même à cette obligation de respect du droit de la population civile à avoir ses ressources humanitaires pour préserver tout simplement son droit à la vie, son droit à la dignité, son droit à la santé. Sur ce point aussi, ce détournement du navire humanitaire est totalement illégal", appuie Benjamin Fiorini.
En novembre dernier, la Cour pénale internationale a émis un mandat d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour "crimes contre l'humanité et crimes de guerre", des chefs d'accusation notamment retenus en raison du blocus fait à l'aide humanitaire dénoncé par diverses associations et organisations comme l'ONU.
Le non-respect de l'immunité diplomatique?
Autre problématique, la notion d'arrestation, qui pourrait soulever d'autres irrégularités. Les militants sont-ils menottés? Sous surveillance de l'armée? Une communication de l'armée a simplement montré des images les affichant regroupés lors d'une distribution de sandwichs et de bouteilles d'eau.
Enfin, la situation peut aussi être caractérisée par une infraction à l'immunité diplomatique de Rima Hassan, élue du Parlement européen. Il revient ainsi à la France et à l'Europe de prendre la parole pour demander le respect de cette immunité.
"Dès l’arraisonnement du navire, nous avons demandé à pouvoir exercer notre protection consulaire à leur égard. Notre consulat a demandé à pouvoir leur rendre visite dès lors qu’ils auront rejoint le port d’Ashdod, en vue de s’assurer de leur situation et de faciliter leur retour rapide en France. La France appelle le gouvernement israélien à permettre l’accès immédiat, massif et sans entrave de l’aide humanitaire à Gaza", a communiqué le ministère des Affaires étrangères.
Le gouvernement de Benjamin Netanyahu fait face à une forte pression internationale pour mettre fin à la guerre à Gaza, qu'il bombarde quotidiennement, et où, selon l'ONU, la population est menacée de famine du fait du siège imposé par Israël et des fortes limitations sur l'aide humanitaire, selon l'ONU.
L'attaque du 7-Octobre a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP à partir de données officielles. Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 55 restent retenues à Gaza, dont au moins 31 mortes, selon les autorités israéliennes.
Plus de 54.880 Palestiniens, majoritairement des civils, ont été tués dans la campagne militaire israélienne de représailles à Gaza, selon des données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l'ONU.