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Fête religieuse, hostilité des familles d'otages: pourquoi aucune cérémonie nationale n'est organisée ce 7-Octobre en Israël?

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Les cérémonies mémorielles officielles marquant les deux ans des massacres du 7-Octobre en Israël n'auront pas lieu ce mardi mais dans une semaine. Ce report s'explique par la décision du gouvernement Netanyahu de faire du 16 octobre, une journée de deuil national, après les festivités juives de Soukkot. La décision se lit aussi à la lumière de l'hostilité de société civile à l'égard du Premier ministre.

Benjamin Netanyahu et son camp se tiennent à l'écart des cérémonies de ce deuxième anniversaire du 7-Octobre. Il faudra attendre le 16 octobre pour assister aux commémorations d'État au cimetière national israélien du mont Herzl en présence des dirigeants du pays.

Dès qu'il en a l'occasion, sur la scène internationale comme aux Nations Unies la semaine dernière, le Premier ministre israëlien convoque le souvenir de cette journée meurtrière où des commandos du Hamas ont tué 1.219 personnes et fait 251 otages. Le chef du gouvernement fait l'impasse cette année.

Un calendrier contraint

La date tombe cette année à un moment particulier pour le pays puisque les Juifs ont célébré ce lundi le premier jour de Soukkot, cette semaine qui marque le début de l'Automne et célèbre l'Exode d'Égypte.

"Aujourd'hui, c'un peu comme une sortie du Shabbat. Puis pendant toute la semaine, ce sont des jours de fêtes, les vacances pour les enfants et quelquefois des jours chômés pour certains. Les gens ne travaillant pas, c'est assez difficile d'organiser des événements", précise auprès de BFMTV Frédéric Schillo historienne, spécialiste d'Israël et des relations internationales.

Le 17 mars 2024, le cabinet du Premier ministre annonçait sa décision d'instaurer une journée nationale du souvenir pour les victimes du 7-Octobre et de la guerre contre le Hamas. L'exécutif israélien décidait justement du 16 octobre pour éviter de faire coïncider le jour le plus meurtrier de l'histoire d'Israël avec Soukkot.

L'échec de l'événement d'Ofakim

Le cabinet de Benjamin Netanyahu comptait pourtant organiser de grandes commémorations pour le premier anniversaire du 7-Octobre.

"En plus de cette journée de deuil national qui sera célébré chaque année, une cérémonie nationale sera organisée, pour le première anniversaire seulement, du 7 octobre, la date civile des terribles attaques terroristes, qui restée gravée dans la mémoire des Israéliens et du monde entier", avait justifié le cabinet.

Mais à l'approche de cet anniversaire, les familles des otages et les associations de soutien aux victimes avaient manifesté leur désaccord à voir Benjamin Netanyahu et son ministre Miri Regev, organiser cet événement alors qu'une centaine d'Israéliens étaient encore aux mains du Hamas et que les négociations pour leur libération semblaient au point mort.

L'événement qui devait se dérouler dans la ville d'Ofakim, où des attaques ont été perpétrées par le Hamas, a été boycotté par les familles d'otages des cérémonies officielles.

Le Forum des familles des otages et des disparus, association aussi connue sous le nom "Bring them home now" (ramenez-les à la maison) avait publiquement rejeté l'invitation du gouvernement à cet événement en dénonçant "les citoyens israéliens abandonnés lors de la plus grande catastrophe de leur histoire" et "l'échec retentissant à ramener les otages".

La cérémonie officieuse a supplanté l'officielle

De nombreux artistes sollicités par les organisateurs de cette cérémonie nationale se sont finalement retirés du projet et des familles d'otages ont refusé que les photos de leurs proches, leurs noms ou leurs récits de vie soient utilisés.

Parallèlement à cette cérémonie officielle, de nombreux événements ont été organisés par la société civile autour de cette date symbolique. Une cérémonie officieuse de commémorations a été organisée à Tel-Aviv par les familles dans le parc Hayarkon avec des artistes et des prises de paroles de proches d'otages.

Des participants s'étaient recueillis également dans le kibboutz Réïm, lieu du festival de musique Nova, où au moins 370 personnes avaient été tuées, et dans un kibboutz proche, à Berri.

"C'est la cérémonie alternative des familles des otages et des disparus, qui finalement avait complètement éclipsé la cérémonie officielle. La première embrassait absolument toutes les couches de la société, de Tel-Aviv, de Jérusalem, des laïcs, des religieux et des Arabes aussi. Cette cérémonie avait été retransmise en direct à la télévision avec beaucoup du succès. La cérémonie officielle a été diffusée tard dans la nuit, plus personne ne regardait", se remémore Frédérique Schillo, auteur du livre Sous tes pierres, Jérusalem: Quand l'archéologie fait l'histoire publié aux Éditions Plon cette année.

Une date que s'est appropriée la société civile

Des familles des victimes se sont réunies ce mardi sur les lieux du massacre du festival Nova, près de la bande de Gaza. D'importants rassemblements ont eu lieu ces derniers jours sur la place des Otages de Tel-Aviv, et des événements sont organisés dans les grandes villes israéliennes par des collectifs, des associations et des représentants de la société civile.

"Ce soir, il y a une cérémonie pour les familles des otages et des disparus qui sera retransmise sur trois chaînes de télévision en même temps. C'est la société civile qui vraiment, depuis le 7 octobre, prend le relais et pallie toutes les défaillances de l'État. Les organisateurs ont créé près de 300 rassemblements dans tout Israël pour visionner la cérémonie", retient l'historienne installée à Jérusalem.

Des personnes se rassemblent sur l'ancien site du festival de musique Nova pour commémorer le deuxième anniversaire des attentats du 7 octobre 2025 à Re'im, en Israël.
Des personnes se rassemblent sur l'ancien site du festival de musique Nova pour commémorer le deuxième anniversaire des attentats du 7 octobre 2025 à Re'im, en Israël. © Chris McGrath

Des contre-rassemblements le 16 octobre également

Même en enjambant le 7-Octobre pour ne pas subir les foudres de la rue israélienne, Benjamin Netanyahu et ses soutiens n'est pas à l'abri d'un nouveau flop le 16 octobre lorsqu'il participera aux cérémonies d'États au cimetière du mont Herzl.

La société civile organisera aussi d'autres cérémonies le 16 octobre. "Tout ça traduit un désaveu total du gouvernement. Il a été complètement dépassé par sa base (...) la majorité des Israéliens sont favorables à un arrêt de la guerre. Tsahal a indiqué dès octobre 2024 avoir atteint ses objectifs de terrains. Au printemps dernier, avec l'arrêt du cessez-le-feu décidé par Netanyahu, la population a compris que les otages n'étaient plus une priorité et que seule l'éradication du Hamas est devenu l'objectif", souligne Frédérique Schillo;

Partout dans le monde ont lieu ce 7 octobre des cérémonies officielles, des manifestations et des événements comme en France, en Allemagne, aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Australie.

Florent Bascoul