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Équipe médicale dédiée, suivi psychologique... Comment sont pris en charge les ex-otages israéliens libérés par le Hamas?

Un hélicoptère militaire israélien se prépare à atterrir alors qu'il transporte un otage israélien libéré vers l'hôpital Beilinson du centre médical Rabin à Petah Tikva, dans le centre d'Israël, le 13 octobre 2025.

Un hélicoptère militaire israélien se prépare à atterrir alors qu'il transporte un otage israélien libéré vers l'hôpital Beilinson du centre médical Rabin à Petah Tikva, dans le centre d'Israël, le 13 octobre 2025. - GIL COHEN-MAGEN / AFP

Après 738 jours de captivité, les 20 derniers otages vivants du Hamas ont été libérés ce lundi 13 octobre. S'en suit une prise en charge minutieuse tant de leur santé physique que mentale dans différents centres hospitaliers israéliens.

"Bienvenue à la maison". Sur la place des Otages à Tel-Aviv, des scènes de liesse rassemblant des milliers de personnes ont accueilli les 20 derniers otages vivants enlevés le 7-Octobre par le Hamas.

Après 738 jours de captivité, un premier groupe de sept otages a été remis ce lundi au Comité International de la Croix-Rouge, puis un autre de 13 otages, dans le cadre de la première étape du plan de paix de Donald Trump.

"Redonner une sensation de sécurité"

Tous les otages ont été conduits par la Croix-Rouge à une unité spécialement préparée de l'armée israélienne. Les équipes qui se sont chargées du premier contact "sont des spécialistes dans le domaine psychologique et dans la création d'un sentiment de sécurité", explique au média Ynetnews le coordinateur israélien pour les otages et les personnes disparues, Gal Hirsch.

"C’est une étape très importante: on veille avant tout à leur redonner la sensation qu’ils sont en sécurité. Beaucoup d’entre eux sont extrêmement désorientés", commente de son côté la docteure Cathy Lawi, spécialiste des traumatismes et directrice de l’ONG Emotion Aid auprès de Paris Match.

Des soldats et des médecins israéliens accompagnent Segev Kalfon, anciennement retenu en otage à Gaza depuis octobre 2023, le 13 octobre 2025.
Des soldats et des médecins israéliens accompagnent Segev Kalfon, anciennement retenu en otage à Gaza depuis octobre 2023, le 13 octobre 2025. © AHMAD GHARABLI / AFP

Un hélicoptère se tenait prêt dans la bande de Gaza pour un transfert d'urgence vers l'hôpital de Beer-Sheva pour les cas les plus graves. Les autres otages ont été transférés à la base militaire de Réïm. Ils ont chacun été accueillis dans une pièce séparée afin d'obtenir un premier examen médical. Puis, ils ont pu étreindre leur famille la plus proche qui les attendait.

Cette photo diffusée par l'armée israélienne montre Guy Gilboa-Dalal, l'un des otages israéliens, être embrassé par un membre de sa famille lors de sa libération le 13 octobre 2025.
Cette photo diffusée par l'armée israélienne montre Guy Gilboa-Dalal, l'un des otages israéliens, être embrassé par un membre de sa famille lors de sa libération le 13 octobre 2025. © ISRAELI ARMY / AFP

"L’objectif est de rétablir des liens d’ancrage, car la connexion à l’autre est souvent ce qui permet de rester en vie après un traumatisme aussi extrême", souligne Cathy Lawi.

Les otages ont ensuite été conduits via un hélicoptère de l'armée de l'air dans l'un des trois centres hospitaliers de Tel-Aviv, Sheba, Ichilov et Rabin-Beilinson, choisis pour accueillir les anciens captifs du Hamas.

L'otage israélien Evyatar David, libéré, réagit à son arrivée à l'hôpital Beilinson du centre médical Rabin à Petah Tikva, dans le centre d'Israël, le 13 octobre 2025.
L'otage israélien Evyatar David, libéré, réagit à son arrivée à l'hôpital Beilinson du centre médical Rabin à Petah Tikva, dans le centre d'Israël, le 13 octobre 2025. © MENAHEM KAHANA / AFP

Des chambres "accueillantes", une équipe médicale dédiée...

Une fois dans l'enceinte de l'hôpital, la reconstruction commence. Tant physique que psychologique. "La médecine de captivité n'existe pas, nous sommes en train de l'inventer", déclare à la BBC le Dr Michal Steinman du centre médical Rabin. Le pays a toutefois appris des deux précédentes vagues de rapatriement des otages, en novembre 2023 puis en janvier dernier.

Dans chaque hôpital, les chambres ont été spécialement aménagées pour leur accueil. Chaque otage va séjourner dans une "chambre sécurisée, un espace entièrement clos réservé à la famille et à l'équipe médicale" en charge, déclare le coordinateur Gal Hirsch.

Lena Koren Feldman, directrice des soins infirmiers de l'hôpital Beilinson, assure à Europe 1 que "les chambres sont aussi accueillantes qu'à l'hôtel avec tout ce qui est nécessaire médicalement". "Les familles ont apporté leurs instruments de musique, leurs chaussures préférées, le déodorant qu'ils aiment, des fleurs pour qu'ils se sentent comme à la maison", détaille-t-elle.

Au centre médical Rabin, un lit supplémentaire est prévu pour les proches si les otages ne veulent pas rester seuls pendant la nuit. Les familles disposent également de leur propre chambre, située juste en face de celle de l'otage.

Lors de l'hospitalisation prévue pour durer "au moins quatre jours" selon le ministère de la Santé israélien, une équipe "fixe" de différents médecins et spécialistes est attitré à chacun d'entre eux. Ils se voient attribuer une infirmière de liaison qui coordonne les différents soins ou encore des travailleurs sociaux qui leur apportent "un soutien personnel, notamment en le mettant en contact avec des entités connexes telles que le ministère des Affaires sociales et l'institut national d'assurance".

Chaque otage perçoit en effet une subvention de 60.000 shekels (environ 16.000 euros) à son retour en Israël, à laquelle s'ajoutent d'autres prestations, variables selon les profils.

Des otages particulièrement affaiblis après deux ans de captivité

Après plus de deux ans de captivité, les otages sont physiquement affaiblis. "La réserve physiologique des captifs encore détenus à Gaza, dans les tunnels du Hamas est sans aucun doute bien plus faible que celle de ceux qui ont été libérés il y a quelques mois", prévenait le 10 octobre dernier le Pr Hagaï Levine auprès du Times of Israël.

Evyatar David, 24 ans, aurait perdu plus de 25 kilos, tout comme Rom Breslevski, 21 ans, qui pèserait entre 43 et 47 kilos aujourd'hui. Les deux jeunes hommes, capturés lors du festival Nova, étaient apparus très affaiblis et très amaigris dans une vidéo sordide publiée par le Hamas cet été visant à faire le parallèle avec la situation humanitaire à Gaza, menacée de "famine généralisée" selon l'ONU. Evyatar David, "en train de creuser sa propre tombe" affirmait dans cette vidéo ne pas avoir "mangé depuis trois jours".

Selon un rapport remis en décembre par le gouvernement israélien à la rapporteuse spéciale de l'ONU sur la torture, "la moitié des otages rapatriés ont déclaré avoir été délibérément affamés pendant leur captivité". Ils ont aussi fait état "de passages à tabac, d'isolement, d privation de nourriture et d'eau, de marquage au fer rouge, d'arrachage des cheveux et d'agressions sexuelles".

Ils "se sont vu refuser un traitement médical pour les blessures graves causées le 7 octobre" et pour leurs maladies chroniques, selon ce rapport. Les otages ont également pu être blessés, sans être soignés, par les bombardements intensifs menés par l'armée israélienne qui ont fait plus de 67.800 morts à Gaza en deux ans.

Les otages, retenus en captivité dans les tunnels du Hamas, peuvent présenter des problèmes de vue à cause des mois passés dans l’obscurité. Ou encore "des difficultés respiratoires liées au manque d’air ou aux conditions insalubres de détention", indique le Dr Cathy Lawi.

"On doit les faire manger progressivement"

Différents examens comme des tests de dépistages de maladies infectieuses et diverses consultations sont effectuées. Le Dr Michal Steinman explique à la BBC que les otages relâchés précédemment "présentaient des anomalies dans leurs analyses sanguines, dans leurs enzymes".

Certains problèmes de santé peuvent également être détectés tardivement. "Les gens se disent que, puisque les otages marchent et parlent, la situation n’est peut-être pas si grave", note le Pr. Hagaï Levine. "Mais au fil du temps, nous avons compris qu’il existe des blessures internes, telles que des problèmes rénaux, neurologiques et cardiaques, qui peuvent s’aggraver, y compris un vieillissement accéléré", poursuit-il.

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Une attention particulière est portée sur l'alimentation. Une nutritionniste aide les otages à se réacclimater après des mois de malnutrition. "On doit les faire manger progressivement, pas trop vite, pour éviter des problèmes cardiaques. On leur donne de la nourriture, surtout pour qu'ils reprennent rapidement des muscles. C'est vraiment l'une de nos missions principales", détaille la directrice des soins infirmiers de l'hôpital Beilinson, Lena Koren Feldman.

À l'hôpital d'Ichilov, les éclairages des chambres ont été aménagés afin que les otages, parfois privés pendant des centaines de jours de lumière puissent d'adapter. "On peut augmenter la lumière de façon graduelle pour leur permettre de se réadapter à la lumière du jour", indique à BFMTV le professeur Eli Sprecher, directeur de l'hôpital.

L'importance du suivi psychologique

Au-delà des soins médicaux approfondis, un suivi psychologique est primordial pour faire face au traumatisme du 7-Octobre et de la captivité. Les précédents otages rapatriés ont fait état de graves cauchemars, de troubles du sommeil et d'un état de peur constant. Ils peuvent avoir du mal à s'adapter à la réalité, présenter des troubles de l'humeur.

"Tous présenteront des formes plus ou moins graves de stress post-traumatique", prévient la directrice de l’ONG Emotion Aid, Cathy Lawi. Un psychiatre accompagne donc chaque otage rapatrié et les médecins en charge. Ces derniers doivent par exemple veiller à ne pas entraver la liberté du patient, pour ne pas lui rappeler ses conditions de détention. Les otages libérés doivent parvenir à passer "d’un état de déshumanisation par les terroristes du Hamas à un état d’autonomie et de contrôle, à des individus capables de prendre leurs propres décisions", assure le Pr Hagaï Levine

Au centre médical Rabin, une carte "ne pas déranger" orne la porte de chaque chambre. "Les otages ont besoin d'espace et de temps. Ils ont aussi besoin de calme. Nous devons les écouter. Écouter leur histoire", explique la directrice des services sociaux Karina Shwartz, également chargée d'accompagner les proches des otages dans ces retrouvailles. "Nous ne pouvons pas parler de deux ans en une semaine".

Juliette Brossault