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Irak

Autodafés, saccages, destructions: l'héritage culturel, nouvelle cible des jihadistes

Des jihadistes de Daesh renversent une statue au musée de Mossoul, dans une vidéo diffusée en février 2015.

Des jihadistes de Daesh renversent une statue au musée de Mossoul, dans une vidéo diffusée en février 2015. - Welayat Nineveh Media Office - AFP

L'attaque du site antique de Nimrud, en Irak, jeudi, en est la dernière preuve: les jihadistes de l'Etat islamique s'en prennent désormais également au patrimoine culturel, sous toutes ses formes, et menacent les précieux vestiges de cette région, berceau des civilisations.

Les deux vidéos montrant la destruction de sites culturels et historiques, diffusées à une semaine d'intervalle par le groupe Etat islamique (EI), envoient un message clair: parallèlement aux massacres de populations civiles, les jihadistes, qui ont fait du pillage et du trafic d'oeuvre d'art l'un de leurs moyens de financement, s'emploient désormais à un nettoyage méthodique des précieux vestiges présents sur le territoire irakien, dont ils contrôlent une large part. Dernier exemple en date: l'attaque, au bulldozer, de la cité historique de Nimrud, joyau archéologique du nord de l'Irak.

Depuis le début de l'année, les jihadistes ont multiplié les saccages culturels, aussi bien en Irak qu'en Libye, où Daesh ne cesse de gagner du terrain. Cet anéantissement de toute trace de culture pré-islamique, qui passe par la destruction d'un patrimoine plus que millénaire, semble aujourd'hui faire partie intégrante de l'action des groupes jihadistes. Retour, en images, sur les récents massacres culturels commis par ces groupes islamistes. 

> Mai et décembre 2012: destruction des mausolées de Tombouctou

En 2012, deux ans avant que Daesh ne commence à faire parler de lui, la destruction des mausolées musulmans de Tombouctou, au Mali, provoque la stupeur du monde entier, qui garde dans l'esprit la destruction des Bouddhas de Bâmiyân, en Afghanistan, par les talibans, en 2001. Ces sanctuaires historiques, et emblématiques de cette ville fondée aux XIe et XIIe siècles et classée au patrimoine mondial de l'humanité, sont tombés sous les coups de pioche des groupes islamistes sévissant dans le nord du pays. 

Capture d'écran d'une vidéo datant de juillet 2012 montrant des islamistes s'attaquant à un mausolée, à Tombouctou, au Mali.
Capture d'écran d'une vidéo datant de juillet 2012 montrant des islamistes s'attaquant à un mausolée, à Tombouctou, au Mali. © AFP

En mai 2012, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), avait entrepris le premier de s'attaquer à ce patrimoine, vénéré par les populations locales, avant que son allié, le groupe Ansar Dine, l'un des principaux groupes armés en jeu dans la guerre au Mali, ne lui emboite le pas pour achever le travail. "Il ne va pas rester un seul mausolée à Tombouctou, Allah n'aime pas ça, nous sommes en train de casser tous les mausolées cachés dans les quartiers", avait alors lancé Abou Dardar, l'un des responsables d'Ansar Dine.

Les islamistes ont également menacé de s'en prendre aux manuscrits anciens de Tombouctou, des textes sacrés datant du XIIIe siècle, mais ceux-ci ont pu être sauvés in extremis, notamment en étant acheminés dans des lieux sûrs, à Bamako. Après des condamnations unanimes, un vaste chantier de reconstruction du site a été amorcé en 2014, sous l'égide de l'Unesco et de Bamako. 

> Janvier 2015: vaste autodafé à Mossoul

Après avoir choqué la planète avec ses vidéos de décapitations et d'exécutions de masse, le groupe Etat islamique, qui s'est emparé de larges pans de territoires en Syrie et en Irak, entreprend, depuis le début de l'année, de multiplier les images de saccages de biens culturels. 

Début février, on apprend ainsi que plus de 2.000 ouvrages issus de la collection de la Bibliothèque centrale de Mossoul, l'une des principales villes d'Irak tombées aux mains de l'EI en 2014, auraient été brûlés au mois de janvier. Parmi les ouvrages antiques ravagés par les flammes se trouveraient des cartes, des manuscrits datant de l'Empire ottoman, des livres traitant d'histoire, de philosophie, de santé ou encore de poésie. Objectif des jihadistes: "assainir" les fonds de la bibliothèque, déjà amplement pillée. Les livres traitant de l'islam, eux, auraient été épargnés.

> Février 2015: des instruments de musique brûlés

Quelques jours plus tard nous parviennent des images d'un autodafé d'un autre genre, également commis par les jihadistes de Daesh. Seule différence: la scène se passe en Libye, où le groupe islamiste gagne du terrain depuis quelques semaines et multiplie et les coups de force. Cette fois-ci, c'est au tour d'instruments de musique, autre symbole culturel, d'être détruits par des flammes. Face à une rangée d'hommes vêtus de noir, cagoulés et armés, tambours, batteries et saxophones partent en fumée.

Des jihadistes de l'Etat islamique brûlent des instruments de musique, en Libye, selon des images de propagande diffusées en février 2015.
Des jihadistes de l'Etat islamique brûlent des instruments de musique, en Libye, selon des images de propagande diffusées en février 2015. © Capture d'écran

> Février 2015: coups de masses au musée de Mossoul

Si ces autodafés sont passés quasiment inaperçus, la vidéo du saccage du musée de Mossoul a, elle, fait le tour du monde, la semaine dernière. On y voit des hommes en noir réduire en miettes, à grands coups de masses et de marteaux-piqueurs, statues et œuvres de l'ère assyrienne et de la période hellénistique, dont un taureau ailé androcéphale datant du 7e siècle avant Jésus-Christ, au motif qu'il s'agit d'"idoles impies adorées il y a des siècles au lieu d'Allah", selon les mots d'un des membres de l'EI. 

Si la plupart des œuvres détruites ou endommagées à Mossoul sont en vérité des copies en plâtre, ce massacre a provoqué la colère de l'Unesco, qui a demandé une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations unies sur la protection de l'héritage culturel en Irak. Les responsables politiques ont, eux, dénoncé un acte de "barbarie"

Les jihadistes de Daesh saccagent le musée de Mossoul dans des images de propagande diffusées fin février.
Les jihadistes de Daesh saccagent le musée de Mossoul dans des images de propagande diffusées fin février. © Capture d'écran

> Mars 2015: le site de Nimrud attaqué au bulldozer

La dernière vidéo, diffusée jeudi par Daesh, se place directement dans la lignée du saccage du musée de Mossoul. Selon les images, les jihadistes ont commencé à détruire, à l'aide de bulldozers, les ruines de Nimrud, une cité antique du XIIIe siècle avant Jésus-Christ, joyau de l'art assyrien, située dans le nord de l'Irak, sur les bords du Tigre.

Pour l'heure, les autorités irakiennes ignorent l'étendue des dégâts, mais l'Unesco a d'ores et déjà dénoncé un "crime de guerre", et a saisi le Conseil de sécurité de l'ONU et la Cour pénale internationale. 

Le groupe Etat islamique a commencé à détruire les ruines assyriennes de Nimrud, en Irak, photographiées ici au cours d'un chantier de restauration, en 2001.
Le groupe Etat islamique a commencé à détruire les ruines assyriennes de Nimrud, en Irak, photographiées ici au cours d'un chantier de restauration, en 2001. © Karim Saheeb - AFP