La Libye, nouvelle base de l'Etat islamique?

Capture de la vidéo de l'exécution de chrétiens d'Egypte, revendiquée par l'Etat islamique et filmée dans la province de Tripoli, en Libye. - Al Hayat - AFP
L'Etat islamique (EI) étend sa présence hors des frontières du "califat". Le groupe jihadiste établi en Irak et en Syrie, où il commet de nombreux massacres, a démontré sa présence avérée en Libye, à travers la vidéo publiée sur Internet dimanche, et qui montre la décapitation de chrétiens d'Egypte enlevés en janvier dans la ville libyenne de Syrte. Des groupuscules présents sur le territoire libyen lui ont prêté allégeance.
Avec la même mise en scène macabre, les mêmes méthodes d'exécution, et une technique de diffusion similaire, la branche libyenne de Daesh (l'acronyme arabe de l'Etat islamique, NDLR) emploi des canaux de communication identiques à ceux de sa grande sœur. Multiplication des actions, villes sous contrôle, l'EI semble ainsi étendre son influence en Libye, en proie depuis 2014 à une guerre civile entre milices, sur fond de montée d'un islamisme extrémiste.
Multiplication des actions revendiquées
Si les cellules liées à l'Etat islamique restent relativement isolées en Libye, la multiplication de leurs actions depuis quelques semaines témoigne de leur montée en puissance. Le 27 janvier dernier, l'EI revendiquait l'attaque du luxueux hôtel Corinthia, en plein cœur de la capitale libyenne, Tripoli, qui a fait neuf morts dont cinq étrangers.
Le groupe est également soupçonné d'être derrière deux récentes attaques de sites pétroliers du centre de la Libye. Enfin, le 13 février, des jihadistes se réclamant de Daesh ont pris le contrôle d'une radio locale dans la ville de Syrte, à 500 kilomètres à l'est de Tripoli, et y ont diffusé des messages du chef de l'EI, Abou Bakr al-Baghdadi.
Présence de camps d'entraînement?
Selon le général David Rodriguez, le chef du commandement de l'armée américaine pour l'Afrique, le groupe jihadiste aurait installé des camps d'entraînement dans l'Est libyen, au sein desquels se trouveraient jusqu'à 200 combattants. "L'Etat islamique a commencé ses initiatives dans l'Est en introduisant des gens. Nous devons juste continuer à surveiller et à regarder cela de près à l'avenir pour voir ce qui se passe et si ça se développe toujours", expliquait ainsi ce responsable militaire, début décembre, précisant que, contrairement à de nombreux combattants de Daesh en Syrie, les membres du groupe EI présents en Libye ne sont pas des étrangers mais d'anciens miliciens ayant prêté allégeance à l'Etat islamique.
Une ville aux mains des jihadistes
A l'heure où l'EI a multiplié le nombre de villes sous son joug en Irak et en Syrie, le groupe ne contrôlerait pour le moment qu'une seule ville libyenne: Derna. Située dans la province de Cyrénaïque, dans l'Est du pays, cette ville est tombée dans les mains des islamistes depuis 2011, année de la chute du régime de Mouammar Kadhafi. La brigade Ansar al-Charia, affiliée à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), et présente sur la liste des organisations terroristes établie par le Conseil de sécurité de l'ONU en novembre 2014, en a notamment fait l'un de ses bastions.
Mais depuis quelques mois, les jihadistes de Daesh y ont renforcé leur influence, après que le groupe Majlis Choura Chabab Al-Islam (Conseil consultatif de la jeunesse islamique) a officiellement prêté allégeance à l'EI. Dès lors, de nombreux membres d'Ansar al-Charia ont déserté la brigade pour rejoindre les rangs de Daesh.
"Il y a des signes que les membres d’Ansar Al-Charia font défection vers Daesh, depuis un mois ou deux, spécialement dans la région de Syrte, mais aussi dans des poches à Benghazi et Derna", explique ainsi Aaron Zelin, chercheur au Washington Institute for Near East Policy, cité par Le Monde. "C’est comparable avec ce qui est arrivé aux membres du Front Al-Nosra en Syrie, ce qui explique pourquoi nous devrions voir une expansion plus rapide de Daesh en Libye qu’on ne le suspecte en général", estime-t-il.
Un terreau fertile
La situation de chaos politique laissée après la chute de Kadhafi, et la deuxième guerre civile commencée en 2014, ont constitué un terrain idéal au développement de groupuscules jihadistes. La Libye est en effet passée sous la coupe de milices d'ex-rebelles qui se disputent les territoires et la manne pétrolière.
La situation s'est aggravée ces derniers mois avec l'établissement de deux gouvernements et deux parlements parallèles, et les deux plus grandes villes du pays, Tripoli et Benghazi, sont tombées entièrement ou partiellement aux mains de milices, exposant un peu plus la Libye à la percée jihadiste.