Allemagne: qui est le conservateur Friedrich Merz, vainqueur des élections et pressenti pour devenir chancelier?

Le leader de CDU Friedrich Merz, candidat aux élections fédérales, pose en amont d'un débat télévisé à Berlin (Allemagne), le 17 février 2025. - RALF HIRSCHBERGER / AFP / MONTAGE PIERRE-OSCAR BRUNET
Un coup de barre à droite pour l'Allemagne? Le conservateur Friedrich Merz est arrivé ce dimanche 23 février en tête des élections fédérales allemandes qui ont vu le parti d'extrême droite AfD réaliser une percée historique.
Le chef de file de l'union des conservateurs CDU/CSU doit maintenant trouver un accord de coalition pour former un gouvernement "aussi vite que possible". Il devrait ensuite prendre la place à la Chancellerie du social-démocrate Olaf Scholz, dont la formation SPD a été sévèrement battue.
Conservateur vieille école
Cette victoire est pour Friedrich Merz l'aboutissement de sa carrière politique. Juriste de formation, il est élu eurodéputé en 1989, puis député au Bundestag en 1994. Il s'affirme très vite comme un rival d'Angela Merkel au sein de la droite allemande, mais cette dernière l'écarte en 2002 du poste stratégique de président du groupe parlementaire CDU. Ostracisé, il se reconvertit en 2009 dans la finance, notamment chez BlackRock, l'un des plus gros gestionnaires d'actifs au monde.
Friedrich Merz fait son retour en politique une dizaine d'années plus tard. Après deux tentatives infructueuses de prendre la tête de son parti, il profite du revers des conservateurs aux élections fédérales de 2021 pour se faire élire président de la CDU l'année suivante.

Conservateur de la vieille école, Friedrich Merz a cherché durant la campagne des législatives à se défaire de son image de millionnaire hautain et austère. Lors d'un "petit déjeuner" dans sa ville natale de Brilon, bière à la main, on l'a vu s'enflammer pour sa région du Haut-Sauerland dans l'ouest de l'Allemagne. Sur ses réseaux sociaux, il se montre attablé dans un McDonald's, pour dit-il, "prendre des forces" avant un duel télévisé avec le chancelier Olaf Scholz.
Le député de 69 ans, pilote amateur et propriétaire d'un jet privé, reste malgré tout peu populaire et pointe derrière le chef de file des écologistes et même derrière son allié bavarois Markus Söder dans le baromètre de popularité de la télévision publique ZDF.
Ferme sur l'immigration
Il n'en reste pas moins que son camp chrétien-démocrate domine nettement les élections de ce dimanche avec près de 30% des voix, devant l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) d'Alice Weidel.
Avec pour slogan de campagne "Une Allemagne dont nous pouvons de nouveau être fiers", le chef des conservateurs prêche un retour aux "valeurs traditionnelles".
Pour un meilleur "contrôle" de l'immigration légale et contre toute immigration clandestine, il prône un renversement complet de la politique d'ouverture héritée de l'ancienne chancelière Angela Merkel (2005-2021), au moment où plusieurs attaques mortelles impliquant des étrangers ont endeuillé le pays.
Il a parfois usé d'une rhétorique similaire à celle de l'AfD, qualifiant notamment de "petits pachas" originaires de "l'espace arabe" les auteurs présumés d'échauffourées à Berlin en 2022 ou accusant certains migrants déboutés du droit d'asile de "se refaire les dents" aux frais du contribuable allemand. Il s'est aussi excusé, en 2022, après avoir parlé de "tourisme aux allocs" au sujet des Ukrainiens fuyant la guerre.
Fin janvier, Friedrich Merz a brisé un tabou d'après-guerre en Allemagne en faisant adopter avec les voix de l'AfD une résolution non contraignante sur le droit d'asile. Il n'en martèle pas moins exclure toute coopération gouvernementale avec l'extrême-droite.
Soutien de l'Ukraine
Atlantiste convaincu, il s'est engagé à ouvrir "un nouveau chapitre" avec les États-Unis de Donald Trump, tout en plaidant pour une "Europe unie" face au président américain et pour un soutien à l'Ukraine contre l'invasion russe.
Pro-européen, il lorgne autant vers la Pologne que vers la France pour faire avancer l'UE, persuadé que l'équilibre des forces en Europe s'est déplacé vers l'Est. Une position qui pourrait marquer une inflexion avec ses prédécesseurs à la chancellerie.
Ce catholique, marié à une juriste et père de trois enfants, s'est prononcé contre la parité entre femmes et hommes dans un gouvernement sous sa direction. Son parti a dit vouloir annuler la récente loi visant à faciliter le changement de genre.
Ces positions sont "la réponse de la CDU au succès de l'AfD", qui séduit avec ses positions "anti-woke" et hostiles aux étrangers, analyse l'hebdomadaire Die Zeit.
Côté économie, Friedrich Merz, libéral convaincu, veut réduire les impôts des entreprises et la bureaucratie et durcir les conditions de l'aide sociale. "Le travail doit redevenir un plaisir", plaide-t-il sans relâche, tout en excluant la moindre augmentation du salaire minimum.
"Nous devrons résoudre deux grands problèmes de ce pays, la migration et l'économie", a-t-il résumé lors de son dernier duel avec Olaf Scholz avant le scrutin. "Si nous ne parvenons pas à résoudre ces deux problèmes, alors ils nous dépasseront, nous et tous les partis démocratiques du centre politique", a-t-il prévenu en parlant de l'extrême droite.