Mort d'al-Baghdadi: une opération militaire réussie et un succès politique bienvenu pour Trump

Donald Trump annonce la mort d'Abou Bakr al-Baghdadi en direct de la Maison Blanche, le 27 octobre 2019 - JIM WATSON / AFP
C'est un succès militaire qui donne un peu d'air à Donald Trump. L'élimination du chef autoproclamé de Daesh Abou Bakr al-Baghdadi constitue une bouffée d'oxygène pour le président américain déstabilisé par une procédure de destitution et violemment critiqué pour le retrait de ses troupes de Syrie.
"C'est une opération qui tombe très bien pour Donald Trump qui va désormais pouvoir dire que le retrait des troupes américaines du nord de la Syrie est encore plus justifié aujourd'hui", analyse Jean-Pierre Cadier, correspondant de BFMTV à Washington. "Tous les leaders de l'opposition ont été obligés de rendre hommage à Donald Trump pour avoir donné le feu vert à cette opération et il utilisera certainement ce succès dans sa campagne, comme Barack Obama avait utilisé la mort de Ben Laden pour la campagne de 2012", ajoute-t-il.
"C'est un grand jour pour notre pays", la plus grande victoire "que l'on puisse avoir". En annonçant dimanche matin depuis la Maison Blanche la mort du chef jihadiste, le milliardaire républicain n'a pas, comme à son habitude, lésiné sur les superlatifs.
L'opération militaire, telle que décrite par les responsables américains, a été un succès remarquable en termes de renseignement, de coopération avec les autres puissances impliquées dans le conflit syrien, et d'exécution par un commando de forces spéciales héliportées. Mais pour Donald Trump, il était aussi urgent politiquement de sortir de la spirale des dernières semaines.
Les Républicains réaffirment leur soutien à Trump
L'opposition démocrate est déterminée à faire avancer la procédure de destitution contre le président, et la solidarité des républicains a semblé tanguer après ses décisions sur la Syrie, vues comme un lâchage des Kurdes qui ont été des alliés indispensables dans le combat contre Daesh.
Dès dimanche matin, le sénateur Lindsey Graham a toutefois donné le ton et battu le rappel des républicains.
"C'est le moment où les critiques les plus sévères du président Trump devraient dire: 'Bien joué'", a-t-il déclaré juste après l'allocution présidentielle. "Ce que je vois se produire en Syrie fait sens pour moi. Maintenant je comprends ce que le président veut faire", a-t-il assuré.
Le 7 octobre, Lindsey Graham avait pourtant dénoncé un choix "porteur de désastre" au lendemain de la décision de retrait des troupes et de l'annonce d'une offensive turque imminente.
Pour le chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, la politique de Trump sur la Syrie était il y a quelques jours un "cauchemar stratégique" mais il a lui aussi loué dimanche "le leadership" du milliardaire républicain.
Un succès nuancé par la presse américaine
Au lendemain de l'annonce de la mort d'Abou Bakr al-Baghdadi, les médias américains ont toutefois regretté le langage "excessif, provocateur et racoleur" du président américain, observe François Durpaire, consultant sur les États-Unis pour BFMTV, qui souligne que la presse avait été beaucoup plus enthousiaste après la mort d'Oussama Ben Laden en 2011.
Des militaires américains ont par ailleurs confié au New York Times que le retrait soudain des troupes américaines du nord de la Syrie annoncé par Donald Trump début octobre aurait pu sérieusement compromettre l'opération de ce week-end. D'après eux, le président américain était à ce moment-là déjà au courant que les forces spéciales tournaient autour d'Abou Bakr al-Baghdadi dans le nord de la Syrie.
"L’ordre brusque de retrait décidé par Donald Trump il y a trois semaines a perturbé la planification méticuleuse de l'opération et contraint les responsables du Pentagone à accélérer la mise en oeuvre du raid nocturne," ont indiqué ces sources.
"La mort du chef de Daesh s’est produite en grande partie en dépit des actes de Donald Trump et non à cause d'eux", estiment-ils.