
Rupture entre Donald Trump et Elon Musk: récit d'un divorce annoncé après des mois d'idylle
La bromance politique aura pris fin dans un divorce très public. Après plusieurs mois d'une alliance intense, Elon Musk et Donald Trump se sont déchirés en public, par réseaux sociaux interposés, ce jeudi 5 juin, s'accusant de "folie" pour l'un, "d'ingratitude" pour l'autre.
Dès l'entrée tonitruante d'Elon Musk dans la campagne de Donald Trump l'an dernier, les doutes ont surgi sur la longévité de la relation entre ces deux hommes impulsifs. Elle aura finalement mis moins d'un an à exploser.
Des débuts idylliques
En juillet 2024, Elon Musk déclare soutenir la candidature de Donald Trump pour l'élection présidentielle, après la tentative d'assassinat ayant visé le républicain lors d'un meeting. Le patron de Tesla a joué un rôle clé dans la campagne républicaine en 2024, apportant au total plus de 270 millions de dollars, ce qui en fait le plus grand donateur de l'histoire américaine.
Le 5 octobre 2024, Donald Trump est de retour en meeting à Butler, trois mois après l'attaque dont il a fait l'objet dans cette même petite ville de Pennsylvanie. Elon Musk apparaît à ses côtés, sautant de joie et appelant à voter pour le candidat et ancien président républicain.

Il se déclare alors "premier pote" ("first buddy") de Donald Trump et inonde son réseau social X de messages de soutien au candidat. L'un des petits-enfants Trump, Kai Trump, va jusqu'à le photographier sur un golf en Floride en le surnommant "oncle Elon".
Les deux hommes ne lésinent pas sur les compliments et ont parfois recours au lexique amoureux pour parler de l'autre. Dans son discours de victoire après l'élection du 5 novembre, Donald Trump qualifie son allié de "super génie" et de "nouvelle star". Elon Musk le lui rendra bien le jour de l'investiture, le 20 janvier, en saluant le "retour du roi". Puis début février, il fera cette déclaration sur X: "J'aime Donald Trump autant qu'un homme hétérosexuel peut en aimer un autre".
Elon Musk intègre le gouvernement
Elon Musk intègre officiellement l'équipe de Donald Trump en janvier, lorsqu'il est placé à la tête d'une Commission pour l'efficacité gouvernementale (Doge), chargée de sabrer dans les dépenses publiques américaines. En trois mois, le Doge a supprimé des emplois de fonctionnaires fédéraux par milliers et taillé dans les subventions fédérales.
Plusieurs agences du gouvernement américain ont été soit démantelées, soit privées de l'essentiel de leurs capacités d'action, notamment l'Agence d'aide humanitaire USAID. Du jour au lendemain, des programmes humanitaires sont suspendus, les employés trouvent porte close à Washington et leurs collègues expatriés se retrouvent sans ressource à l'autre bout du monde.

Ces coupes dans les services fédéraux entraînent des tensions au sein du gouvernement: en mars, les médias américains rapportent des accrochages entre le patron de SpaceX et le secrétaire d'État Marco Rubio et le ministre des Transports Sean Duffy.
Elles sont également loin d'atteindre les montants annoncés. Elon Musk a reconnu début mai que, jusqu'à présent, la commission avait réduit les dépenses fédérales de 160 milliards de dollars, un chiffre bien inférieur à l'objectif initial, fixé à 2.000 milliards de dollars, puis à 1.000 milliards. Plusieurs experts et médias américains estiment par ailleurs que les réelles économies sont bien moins importantes que celles déclarées.

Et en parallèle, les ventes de Tesla ont chuté au fur et à mesure que son patron devenait l'une des personnalités les plus clivantes du monde. Elon Musk annonce donc fin avril se mettre en retrait pour s'occuper davantage de ses entreprises. L'expérience Doge n'a pas été "très amusante", concède le multimilliardaire début mai.
Désaccord sur une loi économique
Pendant longtemps, Donald Trump a continué de lui déclarer son soutien, allant jusqu'à acheter une voiture Tesla devant les caméras pour soutenir la marque de son allié. Elon Musk "a abordé sa mission en macho de la Silicon Valley, d'une manière destructrice, et cela a monté l'opinion publique contre lui", analyse auprès de l'AFP Elaine Kamarck du centre de réflexion Brookings Institute.


Pour cette experte, ancienne conseillère du président démocrate Bill Clinton, le "coup de grâce" est venu de la défaite le 1er avril d'un candidat conservateur à la Cour suprême du Wisconsin, pour lequel Elon Musk avait fait activement campagne. Le multimilliardaire est désormais vu par Donald Trump comme un "boulet politique", estime Elaine Kamarck, et ce bien que selon elle "les deux hommes s'apprécient réellement".
Fin mai, le patron de Tesla a commencé à émettre des critiques sur le président américain. "J'ai été déçu de voir ce projet de loi de dépenses massives - franchement - qui augmente le déficit budgétaire", a déclaré Elon Musk dans une interview à CBS, en référence à une grande loi économique du président républicain.
Le patron de Tesla et SpaceX a aussi déploré auprès du Washington Post que Doge soit "en passe de devenir le bouc émissaire pour tout". Mais c'est lors d'une réunion dans le Bureau ovale avec le chancelier allemand Friedrich Merz, réduit au rôle de figurant muet, que le président a acté la rupture ce jeudi.
Une décision qui risque de plomber Tesla
Pendant un échange avec les journalistes, retransmis en direct, Donald Trump s'est lui aussi dit "très déçu". "Elon et moi avions une bonne relation. Je ne sais pas si c'est encore le cas", a-t-il lancé à propos de son ancien "conseiller spécial", qui a quitté vendredi dernier la mission de réduction des dépenses publiques qu'il menait à la Maison Blanche.
Puis, le président américain a assuré sur son réseau Truth Social qu'il avait mis fin à la mission budgétaire d'Elon Musk, selon lui "devenu fou" à cause d'une décision défavorable aux véhicules électriques. "Le plus simple pour économiser des milliards et des milliards de dollars dans notre budget serait d'annuler les subventions et contrats gouvernementaux" du patron de Tesla et SpaceX, a-t-il menacé dans un autre message.
Sur son réseau X, Elon Musk a déclaré en réponse que SpaceX "commencera immédiatement à mettre hors service son vaisseau spatial Dragon", utilisé notamment par la Nasa pour acheminer des astronautes vers la Station spatiale internationale (ISS). Il a semblé, quelques heures plus tard, faire marche arrière, écrivant: "Bon, nous n'allons pas mettre Dragon hors service."
Le multimilliardaire a aussi assuré que "Trump aurait perdu l'élection" sans lui et l'a accusé d'"ingratitude". Il est allé jusqu'à affirmer, sans apporter de preuve, que le nom du président se trouvait dans le dossier Jeffrey Epstein, ce financier américain au cœur d'un vaste scandale de crimes et d'exploitation sexuels qui s'est suicidé en prison avant d'être jugé. En réponse, la Maison Blanche s'est contentée de qualifier ces attaques de "regrettables". La joute fait lourdement chuter l'action Tesla, qui a perdu des dizaines de milliards de dollars de capitalisation à Wall Street, clôturant à -14,26%.
Face au caractère imprévisible de ces deux personnalités, les médias américains s'interrogent sur la suite des événements. Interrogé par le média Politico sur cette querelle, Donald Trump a répondu: "Oh, ce n'est pas grave". "Faites-moi signe si vous avez besoin de conseils en matière de rupture", lui a écrit Ashley St. Clair, la mère d'un des enfants d'Elon Musk, sur X.