17.000 hectares parcourus, plusieurs blessés... L'incendie dans l'Aude est-il un "mégafeu"?

L’expression "mégafeu" est surtout utilisée dans les pays anglo-saxons, Canada, Australie, États-Unis, où des incendies ravagent parfois des dizaines de milliers d'hectares. Le terme est notamment employé quand un feu est quasiment hors de contrôle.

Le feu est fixé mais le combat continue pour les pompiers. L'incendie le plus important depuis au moins 50 ans sur le pourtour méditerranéen français est fixé. Après avoir parcouru 17.000 hectares de végétation, le feu géant dans l'Aude, qui a fait un mort et 18 blessés, mettra quand même plusieurs jours à être éteint, tant son ampleur est importante.

Si ce feu est bel et bien historique, peut-on parler de "mégafeu" pour le qualifier? Ce terme est notamment employé pour décrire les incendies de forêt qui touchent, par exemple actuellement le Canada, où sept millions d'hectares ont brûlé depuis le début de l'année. Mais pour le ministère de l'Intérieur, non: l'incendie de l'Aude n'est pas un mégafeu.

Pourtant, ce terme avait été employé en 2022 pour qualifier les incendies qui ravageaient la Gironde. Comment expliquer cette différence?

La surface n'est pas l'unique critère

Le feu de Gironde "a une cinétique exceptionnelle, on a plus de dix terrains de football par minute qui partent en fumée", expliquait alors Éric Brocardi, porte-parole de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France.

La définition d'un mégafeu n'est effectivement pas seulement un effet de seuil. Dans sa définition, le Larousse parle de ce phénomène comme d'"un incendie d'ampleur extrême (de 1.000 à 10.000 hectares, au minimum, selon le pays concerné), incontrôlable et dévastateur, favorisé par la sécheresse et les fortes chaleurs, provoquant des orages sans pluie appelés orages de feu".

Les surfaces prises en compte varient, effectivement, énormément en fonction des pays. Ainsi, le Centre national interagences de lutte contre les incendies (National Interagency Fire Center) des États-Unis estime qu'un mégafeu est un incendie qui brûle plus de 40.000 hectares.

Comme l'explique à Ouest-France Pierre Schaller, ancien colonel des sapeurs-pompiers et expert auprès du SDIS des Bouches-du-Rhône, en France, on parle de "grands feux" voire de "très grands feux" à partir de 1.000 hectares parcourus. Le spécialise précise, en effet, que dépasser ce seuil n'est pas si courant, même en été sur le pourtour méditerranéen.

Un feu incontrôlable

Un mégafeu est donc un ensemble de critères. En plus de la superficie parcourue, "il faut expliquer le feu en tant que phénomène et ses conséquences, sa surface détruite, son comportement, sa cinétique, sa puissance radiative", explique à TF1Info Éric Brocardi.

"En 2022, nous étions en limite de rupture capacitaire", ajoute-t-il. Si dans l'Aude, l'incendie a été fixé au bout de quelques jours, il a fallu presque un mois pour parvenir à contenir ceux de Gironde. Plus surprenant encore, le sol de la forêt d'Hostens brûlé pendant deux ans et demi. Le feu couvait dans le sous-sol en raison du lignite présent sous la terre. Cette combustion avait d'ailleurs fait reprendre l'incendie de Landiras en août 2022, après une première extinction un mois auparavant.

Un mégafeu est donc plutôt défini par son caractère hors norme, incontrôlable et qui s'auto-alimente. Il peut ainsi avoir une vitesse de propagation très rapide, qui rend le travail des pompiers extrêmement difficile.

À titre d'illustration, lors des violents incendies qui ont touché l'Australie en 2020, n'ont pu être éteints que grâce à la pluie qui a aidé les pompiers à en venir à bout.

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Sautes de feu et nouveaux départs de feu

En 2022, le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, comparait ainsi les feux de Gironde "à des centrales nucléaires qui se déplacent" en raison de "la puissance dont nous parlons (qui) se mesure en mégawatts".

Les mégafeux "se propagent souvent de façon erratique, sautant de cime en cime, se dispersant parfois sous terre en 'feux zombis' pour réapparaître plus loin, démultipliant les départs de feu", écrit ainsi le Muséum d'histoire naturelle sur son site.

"Le feu entretient aussi les conditions de sa propre combustion. La chaleur dégagée par les flammes crée des mouvements d’air qui les attisent et ces vents transportent des braises des centaines de mètres plus loin où elles allument de nouveaux départs de feu", explique également l'organisme.

L'Inrae parle de son côté de "feu extrême", en le définissant comme un incendie qui "provoque l’effondrement des moyens de lutte contre les feux mis en place par les pompiers pour l'éteindre ainsi que des impacts profonds et durables sur la société, l’économie et l’environnement". En effet, les critères peuvent également comprendre les conséquences comme les évacuations d'habitants ou les axes de circulation coupés.

"On bascule dans l'ère des feux hors normes"

L'expression est donc surtout utilisée dans les pays anglo-saxons, aux États-Unis, au Canada ou encore en Australie.

L'État fédéral américain écrit d'ailleurs sur son site internet que le terme de mégafeu est souvent évité par la science car il reste "ambigu" et ne possède pas de définition claire et précise.

"À mesure que le climat et les écosystèmes de la Terre évoluent, il est important que les scientifiques puissent communiquer clairement les tendances en matière d'occurrence d'incendies plus importants et plus extrêmes", peut-on également lire.

Le dérèglement climatique favorise les conditions propices aux incendies et à leur propagation plus rapide. "On bascule dans l'ère des feux hors normes", a déclaré sur France Inter Christophe Chantepy, expert en défense des forêts contre les incendies pour l'Office national des forêts (ONF).

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Salomé Robles