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Violences sexuelles, Église divisée, place des femmes... Les défis du pape Léon XIV

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Léon XIV hérite des nombreux chantiers entamés par le pape François mais aussi d'une Église fracturée qu'il devra s'attacher à rassembler.

Lutte contre la pédocriminalité, baisse des vocations, guerres... Le pape Léon XIV va devoir affronter de nombreux défis pour l'avenir de l'Église catholique.

Après la mort de son prédécesseur François, celui qui n'était encore que le cardinal Robert Francis Prevost avait affirmé qu'il y avait "encore beaucoup à faire" au sein de l'Église. "Nous ne pouvons pas nous arrêter, nous ne pouvons pas revenir en arrière", avait-il ajouté.

· Ressouder l'Église

Léon XIV devra parvenir à ressouder les différents courants au sein d'une Église où cohabitent des sensibilités culturelles très diverses, après 12 ans de pontificat où le pape François a fait l'objet de critiques internes d'une virulence inédite.

Il devra notamment, sans renier l'héritage de François, composer avec la frange conservatrice irritée par le discours pro-migrants, l'ouverture des bénédictions aux couples homosexuels, ou encore les restrictions sur la messe en latin de l'ancien pape.

Quelques mois seulement après son élection, François avait aussi braqué une partie de la Curie romaine, atteinte selon lui de "maladies" comme "l'Alzheimer spirituel", "la vanité" ou encore la "médisance" et "l’exhibitionnisme mondain".

Léon XIV a lui la réputation d'être un modéré capable de concilier des points de vue divergents. "François avait sa personnalité, très typée", rappelait vendredi le cardinal français François-Xavier Bustillo, en se félicitant d'un Léon XIV "doux et déterminé". La rapidité de son élection - 24 heures à peine - semble augurer d'un large appui du collège cardinalice.

· Lutter contre les violences sexuelles

Malgré ses nombreuses mesures pour lutter contre les violences sexuelles, notamment visant des mineurs, dans l'Église - levée du secret pontifical, obligation de signaler les cas à la hiérarchie, plateformes d'écoute - les associations de victimes se sont dites déçues de l'action du pape François.

Le souverain pontife avait défendu en 2018 un évêque chilien soupçonné d'avoir tu les crimes d'un prêtre et demandé aux victimes présumées des preuves, avant de rétropédaler.

François n'a pas non plus reconnu le caractère systémique de ces violences et n'a jamais reçu la Commission française (Ciase) qui avait publié en 2021 un rapport accablant estimant à 330.000 le nombre de mineurs victimes dans l'Église en France depuis 1950.

Léon XIV sera-t-il à la hauteur? Deux groupes de défense des droits des victimes, SNAP et Bishop Accountability, ont publié des communiqués dans la foulée de son élection jeudi, dénonçant une gestion opaque de ce fléau. En tant que chef de l'ordre des Augustins dans le monde entier, puis en tant qu'évêque du diocèse péruvien de Chiclayo entre 2015 et 2023, "il n'a publié aucun nom" de coupables, a dénoncé Anne Barrett Doyle au nom de Bishop Accountability.

· Porter la voix du Saint-Siège dans le monde

Le pape est aussi un chef d'État et une autorité morale dont la voix porte, dans un contexte de conflits majeurs en Ukraine, au Soudan et dans la bande de Gaza. Léon XIV sera aussi amené à s'exprimer sur la montée des populismes et des discours anti-migrants, comme sur la crise écologique.

Après son premier discours au balcon de la basilique Saint-Pierre, de nombreux dirigeants ont salué son message de "paix" après qu'il a appelé à "construire des ponts" pour favoriser le "dialogue".

Les relations avec l'administration Trump seront particulièrement scrutées, alors que son élection est analysée par certains comme une prise de distance avec le nationalisme chrétien se développant aux États-Unis.

Parmi les autres points d'interrogation, la délicate relation avec la Chine, avec laquelle le Saint-Siège a renouvelé un accord - gardé secret - sur la nomination des évêques dans ce régime autoritaire.

· Réformer la gouvernance de l'Église

La question de la synodalité - implication des acteurs de l'Église à tous les niveaux - sera également centrale dans ce nouveau pontificat. Le pape François avait voulu lancer une vaste réforme en convoquant un "synode sur la synodalité". Le but? Établir un mode de gouvernance plus collégial avec davantage d'implication des prêtres, diacres et laïcs.

Deux sessions se sont déroulées en octobre 2023 et 2024, sans qu'aucune conclusion définitive n'en soit tirée. En mars, le pape François a prolongé ces travaux jusqu'en 2028, confiant de fait ce chantier à son successeur.

Ancien préfet (ministre) de François, Léon XIV devrait s'engager dans les pas de son prédécesseur. "Nous voulons être une Église synodale", a-t-il assuré dans sa première prise de parole sur la place Saint-Pierre jeudi.

· Définir la place des femmes dans l'Église

François a ouvert la voie à une plus grande implication des femmes dans les structures de l'Église. Sous son pontificat, la sœur Simona Brambilla est devenue la première femme à diriger un dicastère (ministère) au Vatican.

Dans l'Église, les femmes occupent de plus en plus de postes laïcs importants, la mixité s'étant accrue sous le pontificat du pape François. Toutefois, elles sont toujours exclues du sacerdoce, et seuls les prêtres occupent les rôles de direction les plus élevés.

Dans un document publié en octobre, l'Église catholique a reconnu le manque de visibilité des femmes dans sa gouvernance. Mais elle a laissé en suspens la question de leur ordination comme diacres, une déception pour les militantes qui déplorent la marginalisation des femmes par un système jugé patriarcal, malgré leur rôle central dans les paroisses du monde entier.

· Accompagner les personnes LGBT

Léon XIV devrait également se positionner sur la question des personnes LGBT. En 2023, François avait provoqué un tollé dans le camp conservateur en autorisant la bénédiction des couples homosexuels.

"Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger?", avait-il déclaré dix ans plus tôt, alors que le catéchisme de l'église catholique considère toujours les pratiques homosexuelles comme "désordonnées".

Sur le sujet des bénédictions des couples homosexuels, le cardinal Robert Francis Prevost avait exprimé en 2024 une nuance en insistant sur la nécessité d'une prise en compte des différences culturelles à travers le monde, l'homosexualité étant encore criminalisée dans certains pays, note le site College of Cardinals Report.

Le New York Times rapporte par ailleurs qu'en 2012, Robert Francis Prevost avait affiché sa préoccupation face à "une certaine complaisance" de la part de médias occidentaux à l'égard de pratiques et de convictions jugées incompatibles avec l'Évangile. Il pointait notamment du doigt le "mode de vie homosexuel" et les "familles alternatives composées de partenaires de même sexe et de leurs enfants adoptés".

· Enrayer la baisse des vocations

Le 267e pape hérite d'une Église de 1,4 milliard de fidèles, en expansion dans l'hémisphère Sud mais en déclin continu en Europe. Fin 2023, l'Église comptait 406.996 prêtres à travers le monde, un chiffre en repli de 0,2% par rapport à 2022. Le nombre de prêtres était en hausse en Afrique et en Asie, mais en baisse ailleurs.

Léon XIV devra composer avec ces dynamiques pour relancer la fréquentation des Églises et les vocations. Il devra aussi faire face à la concurrence des Églises évangéliques, notamment en Afrique et en Amérique du Sud.

Lors de sa première messe en tant que pape, l'ancien pasteur augustinien a déploré le recul de la foi au profit "d'autres certitudes comme la technologie, l'argent, le succès, le pouvoir, le plaisir".

· Favoriser le dialogue interreligieux

Léon XIV sera aussi attendu sur le dialogue avec l'islam, l'un des piliers du pontificat de François, mais aussi avec le judaïsme, alors que les relations avec Israël sont tendues depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas en octobre 2023.

Le climat est également tendu avec l'Église orthodoxe russe de Moscou, dont le chef est un proche de de Vladimir Poutine, du fait de la guerre en Ukraine.

Enfin, une interrogation demeure sur un voyage en Turquie, où François avait espéré se rendre fin mai pour le 1.700e anniversaire du Concile de Nicée, un important événement œcuménique.

François Blanchard