Avortement, place des femmes, homosexualité... Le pape François était-il conservateur?

"Réformateur". C'est sans doute le qualificatif le plus utilisé pour décrire le pape François qui est mort d'un AVC ce lundi 21 avril à 88 ans après douze ans de pontificat. Le règne de Jorge Bergoglio, premier pape sud-américain de l'Histoire et jésuite, à la tête de l'Église catholique, a tranché avec ces prédécesseurs. Il a fait de la défense des migrants et des plus démunis sa première cause, tout en appelant à lutter contre la crise climatique.
François est resté fidèle à certaines positions conservatrices sur plusieurs sujets de société. S'il a dénoté par son ouverture relative sur l'homosexualité ou la place des femmes dans l'Église, il lui est reproché de ne pas avoir concrétisé un changement de dogme.
• L'avortement
Depuis sa prise de fonction en 2013, le pape François n'a pas changé de position sur l'avortement. Il avait suscité l'indignation en 2018 lorsqu'il avait comparé les médecins qui le pratiquent à des "tueurs à gages". Le souverain pontife avait également condamné la "dépréciation de la vie humaine" ainsi que "la violence et le refus de la vie", selon Le Figaro.
La même année, il était allé plus loin en qualifiant "d'éugénisme" l'avortement pratiqué sur des enfants atteints d'un handicap. "Au siècle dernier, tout le monde était scandalisé par ce que faisaient les nazis pour veiller à la pureté de la race. Aujourd'hui, nous faisons la même chose en gants blancs", avait alors déclaré le pontife argentin.
• La place des femmes dans l'Église
Le pape François a agité le pied près de la fourmilière en nommant une vingtaine de femmes à des niveaux de responsabilité inédits jusqu'ici au Vatican. En 2016, année où il a loué "le génie féminin", il a par exemple nommé l'historienne de l'art, Barbara Jatta, directrice des musées du Vatican.
En 2020, Francesca di Giovanni, une laïque, est devenue la première femme à être nommée numéro 3 de la secrétairerie d'État, une sorte de ministère de l'Intérieur du Vatican. Ou encore en janvier dernier, la religieuse italienne, Simona Brambilla, est devenue la première femme préfète au Vatican.
Selon le média officiel du Vatican, Vatican News, la proportion de femmes nommée à des fonctions au Saint-Siège et dans l'administration de l'État du Vatican sous le mandat de François est passée de 19,2% à 23,4%.
"François a enclenché un nouveau regard sur les femmes, qui sont désormais beaucoup plus visibles au sein du Vatican", commente Bénédicte Lutaud, journaliste spécialiste de l'Église catholique et autrice de Femmes de papes, dans un entretien à TV5Monde.
Mais "ceux qui avaient beaucoup d'attentes, peuvent être déçus et penser que le pape s'est contenté de nommer des femmes un peu sages à des postes clés", ajoute-t-elle.
"On reste dans le fonctionnel, sans toucher au liturgique", précise la spécialiste du Vatican.
Les femmes ne peuvent en effet toujours pas être ordonnées prêtre ou diacre. Et par conséquent, il leur est impossible d’accéder aux fonctions d’évêque, de cardinal ou de pape. Elles restent exclues de nombreuses responsabilités ecclésiales.
• L'homosexualité
"Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour le juger?". Avec cette phrase prononcée à l'occasion de sa première conférence de presse, en mars 2013, le pape François avait suscité l'espoir de certains fidèles et la foudre des plus conservateurs.
"Cette phrase très forte, venant d'un pape, venant de l'Église catholique, invite à changer de regard sur les personnes homosexuelles", constate Bénédicte Lutaud.
En décembre 2023, le Vatican avait également autorisé la bénédiction des couples de même sexe et "en situation "irrégulière" aux yeux de l’Église, à condition qu’elle soit effectuée en dehors des rituels liturgiques.
Mais le pape François est resté ferme sur son opposition au mariage homosexuel. En 2021, le Vatican avait réaffirmé considérer l'homosexualité comme un "péché".
• La prêtrise des hommes mariés
Le pape François s'est refusé à ouvrir la prêtrise à des hommes mariés. S'il a réfléchi à la question après le synode des évêques sur l’Amazonie en 2019, il n'a jamais franchi le pas. Les membres de ce synode avaient voté en faveur de l’expérimentation de l’ordination d’hommes mariés dans cette région du monde qui peine à recruter. François n'a finalement jamais expliqué la raison de son refus.
La position du Vatican sur ces questions sociétales est désormais entre les mains du futur pape. Les plus critiques des paroles progressistes de François souhaitent le retour d'un conservateur qui remettra les traditions catholiques au coeur de ses préoccupations. Quand d'autres appellent à ce que le prochain souverain pontife continue de creuser le sillon réformateur entamé par François.