Le retour du conseil de discipline, la solution pour lutter contre la violence à l’école?

Jean-Michel Blanquer. - Bertrand GUAY / AFP
L’émotion est toujours vive depuis jeudi dernier et l’agression d’une enseignante de Créteil, mis en joue par une arme factice par un élève. Celui-ci a été mis en examen pour "violences aggravées", et il est attendu en Conseil de discipline dès le retour des vacances de la Toussaint. Dans le cadre des violences envers les enseignants, Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Education nationale, a annoncé qu’il allait "mettre en place un comité stratégique" sur le sujet en coordination avec le ministère de l’Intérieur.
Dans le même temps, sur Twitter, de nombreux enseignants témoignent aussi sous le hashtag #PasDeVague de l’attitude de certains chefs d’établissement qui rechigneraient à avoir recours à la convocation d’un conseil de discipline.
Dans une interview au Parisien, Jean-Michel Blanquer a d’ailleurs incité les chefs d’établissements à avoir plus souvent recours à cette procédure, qui peut aller jusqu’à l’exclusion d’un élève fauteur de trouble. "J’indique notamment aux chefs d’établissement que des conseils de discipline doivent avoir lieu dès que nécessaire. Trop longtemps, on a considéré que leur nombre était le reflet de la qualité de l’établissement, au risque de mettre des événements sous le tapis. Je le redis, il n’y a pas de petits ou de non-faits".
"On nous demande de n’en faire qu’à bon escient"
Convoquer moins automatiquement des conseils de discipline fait pourtant partie des consignes reçues en début d'année, indique Florence Delannoy, secrétaire générale adjointe du SNPDEN, le syndicat des chefs d’établissement.
"C’est normal, et c’est notamment les collèges qui sont plus directement concernés, parce qu’on est encore dans l’âge de la scolarité obligatoire. On a un vrai problème avec certains élèves qui vont finir par faire 3, 4, 5 établissements, parce qu’ils sont renvoyés systématiquement. L’idée quand on nous demande de faire moins de conseils de discipline, c’est de dire que ce n’est pas la peine au 1er incident de renvoyer l’élève dans l’établissement voisin. Ce n’est pas ça qui va résoudre le problème. On n’a jamais eu d’interdiction de faire des conseils de discipline, mais on nous demande de n’en faire qu’à bon escient pour des sujets qui le méritent", explique cette proviseur d’un lycée de la région lilloise.
Une situation de temps en temps difficile à accepter pour les membres de la communauté pédagogique parfois victimes de faits plus ou moins grave. "Il y a sans doute moins de conseils de discipline, parce qu’à un moment il y a eu une réflexion sur le fait qu’il fallait essayer de trouver des sanctions alternatives, explique Frédérique Rolet, secrétaire-générale du SNES-FSU. Ce que beaucoup de collègues disent c’est qu’ils ne sont pas assez soutenus par leur hiérarchie, et que quelques fois ils doivent insister pour avoir un conseil de discipline. Mais on ne demande pas ça comme ça, à tort ou à travers. S’il y a une demande en général c’est que c’est justifié. Et c’est vrai que parfois ils ont le sentiment que ça freine un petit peu du côté de l’administration".
"Certains rechignent parce qu'ils ont peur de la réputation que ça va donner à leur établissement"
Pour Frédérique Rolet, qui rejoint en cela le constat de Jean-Michel Blanquer, "certains chefs d’établissement rechignent à accorder un conseil de discipline parce qu’ils ont peur de la réputation que ça va donner à l’établissement".
Un argument que balaie Florence Delannoy. "Pour ma part je n’ai jamais hésité à réunir un et à en faire la publicité. Le conseil de discipline n’est pas annoncé dans la presse, ça n’a pas de grand retentissement sur la réputation de l’établissement. A l’inverse, si on a un incident et pas de conseil de discipline, là clairement on peut retrouver dans la presse locale des enseignants mécontents ou des parents qui s‘étonnent qu’il n’y ait pas eu de conseil de discipline. Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup d’hésitation".
Reste que l’efficacité d’un conseil de discipline qui débouche sur une exclusion définitive est assez aléatoire.
"Parfois on se dit que ce n’est pas la solution parce qu’on ne fait que s’échanger les gamins, ajoute Frédérique Rolet. Mais parfois ça fait du bien de changer de milieu: ils jouent les caïds parce qu’ils sont avec leur copain, donc ça peut avoir un effet positif. Nous avons une position mesurée: le conseil de discipline n’est pas la réponse à tout il ne faut pas les multiplier. Mais il y a des moments où il y a des faits graves, intolérables, où il faut un conseil de discipline. Même si l’effet dissuasif de ce genre de chose, c’est comme la peine de mort, je n’y crois pas trop".
La décision de convoquer ou pas un conseil de discipline appartient en tout cas exclusivement au chef d’établissement. Et la règle s’adapte en fonction du climat qui y règne. "La jauge pour la réunion d’un conseil de discipline est mise plus ou moins haute selon les endroits, assure Florence Delannoy. Il peut y avoir des établissements où, si on prend un cas extrême, on ne veut jamais en réunir. Mais on peut aussi avoir des établissements où on vous demande de réunir un conseil de discipline parce que l’élève n’a pas son cahier. Il y a toujours un équilibre à trouver entre le fait de garder une justice, de ne pas se laisser emporter par l’émotion à chaque incident, et le ressenti d’un collègue enseignant victime d’un incident et qui parfois sur le coup de l’émotion pourrait réclamer quelque chose d’un peu excessif. Mais à chaque fois, on entend le collègue concerné".