Rentrée des classes: peut-on exiger de changer son enfant de classe?

La rentrée au collège peut être une source de stress pour les écoliers. Saumur (Maine-et-Loire), le 2 septembre 2024. (Photo d'illustration) - Photo par FREDERIC PETRY / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Ils ont attendu deux mois avant de savoir s'ils étaient, ou non, dans la même classe que leurs camarades préférés. Car qui dit rentrée des classes, ce lundi 1er septembre, dit aussi joie de retrouver ses copains... Ou tristesse d'en être séparé.
Dans les établissements, les effectifs sont groupés en niveaux, sections et classes par les directeurs d'écoles avant le début de chaque année scolaire. Ces derniers tentent de répondre au mieux aux exigences de l'Éducation nationale en garantissant aux élèves les meilleures conditions d'apprentissage possibles: classes moins chargées, diversité de genre, options communes ou choix de langues vivantes.
Parfois, ils font face à des situations personnelles complexes et doivent composer avec celles-ci pour organiser leurs classes: traitement ou soins médicaux, harcèlement, difficultés rencontrées avec un professeur en particulier. Il arrive cependant que le résultat final ne convienne ni aux enfants, ni aux parents.
Mais alors, est-il possible de demander à changer de classe après le premier jour de cours? La réponse théorique est oui. Mais changer de classe est une démarche loin d'être courante, soumise à des conditions très strictes.
Le pouvoir discrétionnaire des établissements
La charge de l'organisation des classes revient aux directeurs pour les maternelles et écoles primaires, et aux chefs d'établissements pour les collèges et lycées. C'est également à eux d'apprécier toute demande de changement, précise le président du Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (SNALC) Jean-Rémi Girard.
Et pour mettre toutes les chances de son côté, mieux vaut s'y prendre le plus tôt possible et opter pour le dialogue.
"Généralement, on anticipe bien en amont de la rentrée, avant que les listes ne soient faites. Si problème il y a, on va voir les professeurs ou les directeurs et on discute", détaille Jean-Rémi Girard.
Cette première étape, la prise de contact en amont, serait donc de loin la plus importante. "Le bien-être des élèves est au cœur des préoccupations des enseignants et des directeurs, sinon, ils ne feraient pas ce métier et c'est plutôt évident", ajoute le syndicaliste. "Après, il ne faut pas que tout le monde commence à demander un changement sans fondement, ce n'est pas comme ça que ça marche, ce n'est pas à la carte."
En effet, les établissements scolaires sont totalement libres de ne pas donner suite à la demande. Rien n'oblige une directrice ou un directeur à intervertir deux élèves, et ce, quand bien même les élèves sont d'accord pour le faire, et les parents aussi. C'est ce que Jean-Rémi Girard appelle "l'autonomie pédagogique".
Au "cas par cas"
Selon l'avocat spécialisé en droit de l'éducation Louis le Foyer de Costil, il n'existe aucun texte officiel sur lequel appuyer sa demande auprès de l'école lors de l'étape dit du 'dialogue'. Les parents de l'élève doivent donc "agir en intelligence" et exposer auprès du chef d'établissement des motifs (ou raisons) valables.
"C'est l'intérêt supérieur de l'enfant qui prime sur le reste, donc sur l'organisation en interne. Mais attention, on parle là de cas exceptionnels relatifs au harcèlement, à la violence, au handicap ou à des soucis médicaux nécessitant des soins à heure exacte", précise le juriste.
Exit donc les arguments "de confort", tels que: "mon enfant n'est pas avec ses copains", "le professeur n'est pas compétent" ou encore "mon fils préfère se lever plus tard le mardi, l'emploi du temps de la 6eB est plus intéressant que celui de la 6eC".
"C'est du cas par cas et si les parents veulent vraiment aller plus loin, ils peuvent communiquer avec le rectorat", ajoute Jean-Rémi Girard. Mais cela ne penche que très rarement en faveur des demandeurs: les établissements demeurent autonomes de prendre les décisions concernant leur fonctionnement interne.
Après le dialogue, le tribunal
En cas de refus de l'établissement de changer l'élève de classe, les parents ont, en dernier recours, la possibilité de saisir la justice. "Généralement, on évite de passer par là, on doit pouvoir trouver une issue différente", confie Louis le Foyer de Costil. Pour lui, à ce nouveau stade de la démarche, il sera nécessaire d'apporter des "preuves en béton" de sa bonne foi.
"Un médecin peut lever des doutes, ou un psychologue. On fait appel à une véritable expertise", détaille l'avocat parisien. "Cela se passe bien dans la majorité des cas, mais c'est plus difficile lorsqu'un adulte est impliqué."
Au sein de son cabinet, Louis le Foyer de Costil voit passer des dizaines demandes de changement de classe chaque année. Paradoxalement, après une première vague peu dense au mois de septembre, c'est surtout en milieu d'année que l'avocat défend le plus de cas. "L'année suit son cours, des litiges naissent et il faut les régler".
De son côté, Jean-Rémi Girard souligne également l'importance du rôle des enseignants dans l'observation et l'analyse de situations graves ou qui pourraient nuire à l'élève. "Il y a une procédure de signalement en cas de suspicion de harcèlement, d'agression ou d'une quelconque violence. C'est aussi important pour l'administration de réfléchir à des mesures adaptées, quand il le faut, comme un changement de classe. Il ne faut pas laisser s'enliser une situation critique", conclut-il.
3020: le numéro national de lutte contre le harcèlement scolaire
Si un enfant ou un adolescent est victime ou témoin de harcèlement scolaire (moral, verbal, physique), lui ou ses proches peuvent contacter le 3020, le numéro national de référence. Il est gratuit et propose une écoute, des conseils et une orientation des personnes. Ce numéro est joignable (hors jours fériés) du lundi au vendredi de 9 heures à 20 heures, et le samedi de 9 heures à 18 heures.