Prérequis à l'université: qui est pour, qui est contre

Le gouvernement veut notamment répondre à la hausse démographique et au haut niveau d'échec à l'université. - FRED DUFOUR / AFP
C’est le sujet qui alimente les discussions dans le monde de l’enseignement supérieur. À quoi ressembleront les "contrats de réussite étudiante" censés indiquer les prérequis conditionnant l’accès des bacheliers à l’université dès la rentrée 2018? Inscrite dans le programme d’Emmanuel Macron et confirmée par le Premier ministre Edouard Philippe à l’occasion de son discours de politique générale, cette réforme de l’université vise à remplacer la sélection par tirage au sort par une sélection davantage axée sur "le mérite et la motivation". Le tout en instaurant "une plus grande cohérence entre le parcours du secondaire et du supérieur".
Seulement voilà, les contours de la réforme demeurent imprécis. Les prérequis seront-ils contraignants ou simplement indicatifs? Pour l’heure, les syndicats sont dans le flou. Les différentes organisations se réuniront le 17 juillet pour une "large concertation" à l'initiative la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal. Laquelle explique dans une lettre adressée aux présidents d’université et relayée par Les Échos que le contrat de réussite étudiante "reposera sur un triptyque: les souhaits exprimés par les futurs étudiants, les exigences propres à chaque cursus diplômant et les capacités d'accueil des formations". Reste à convaincre l’ensemble des syndicats d’étudiants et d’enseignants du supérieur sur un sujet qui peine déjà à faire l’unanimité.
Ils sont pour:
À l’UNI (Union nationale Inter-universitaires), qui se présente comme la "Fédération de la droite dans l'éducation", la réforme annoncée par le gouvernement semble être accueillie d’un bon œil. Interrogé sur RMC, son président Olivier Vial s’explique: "On a toujours été favorable à une forme de sélection qui soit organisée et transparente. Il y a toujours eu une sélection à l’université: soit par l’échec, soit par tirage au sort". Selon lui, la sélection est inévitable dans le cursus scolaire. C’est pourquoi il préconise qu’elle "soit organisée au bon moment et dans de bonnes conditions".
Et de poursuivre: "L’objectif de l’université n’est pas d’accueillir tout le monde. L’objectif c’est que tous ceux qui entre à l’université puissent avoir un diplôme pour se diriger vers des carrières de recherche, ou trouver un emploi à la fin".
Ils sont plutôt pour:
De son côté, l’Unsa Sup’Recherche, syndicat des enseignants-chercheurs ancré dans le pôle réformiste, la patience est de mise. Dans Les Échos, l’organisation assure ne pas avoir "d'a priori négatifs sur les prérequis", si l’étudiant peut effectivement acquérir ces derniers. Le cadre de la réforme reste néanmoins "imprécis", selon son secrétaire général Stéphane Leymarie. "Le maître-mot, ce sera l'expérimentation, explique ce dernier. Elle est vue comme un moyen d'avancer sans mettre tout le monde dans la rue".
Ils sont partagés:
En réponse aux annonces du gouvernement, la FAGE (Fédération des associations générales étudiantes), organisation qui se veut apolitique, s’est fendue d’un communiqué dans lequel son président Jimmy Losfeld explique que "derrière ces prérequis, peuvent se cacher de très bonnes comme de très mauvaises choses. S'ils sont coercitifs et mettent des jeunes hors du système, on sera dans la rue à la rentrée".
Pour sa part, le président du PDE (Promotion de Défense des Étudiants) Quentin Panissod regrette qu’Edouard Philippe "parle de contrats de réussite autour des prérequis pour réformer l’admission post-bac avant que la consultation ait eu lieu".
Ils sont plutôt contre:
Le Sgen CFDT (syndicat général de l’Éducation nationale) émet quant à lui quelques réserves sur les prérequis envisagés par le gouvernement: "Formulée ainsi, cette notion de ‘prérequis’ laisse à penser que tous les élèves titulaires du bac n’ont pas leur place dans les formations de l’ESR (Enseignement Supérieur et Recherche, ndlr). Nous nous élevons contre cette vision malthusienne! Tout élève doit pouvoir continuer à mettre en œuvre son projet", indique l’organisation dans un communiqué.
Le syndicat reconnaît néanmoins que "le tirage au sort actuel est la pire des solution" car il ne repose "sur aucun critère de motivation ou de capacité du futur étudiant". Mais la "sélection sur dossier, sur la base de la série du bac et des notes de terminale", qui pourrait être l’un des prérequis, "n’est pas acceptable" pour le Sgen qui privilégie la piste d’une "orientation active" priorisant "les inscriptions dans une filière à partir d’une analyse fine du dossier de chaque candidat, ce qui n’est pas le cas actuellement". "Il s’agit en effet d’éviter un décalage entre compétences acquises des élèves et compétences nécessaires à la réussite dans la formation choisie", poursuit le syndicat.
- Ils sont contre:
Enfin, deux syndicats ont déjà fait savoir leur opposition au projet. "Nous sommes opposés à tout dispositif qui viserait à écarter ou trier des étudiants à l’entrée de l’université. Cela dédouanerait l'université de sa responsabilité de faire réussir chaque étudiant, dont c'est en partie la mission", soulignait Lilâ Le Bas, présidente de l’UNEF (Union Nationale des Étudiants de France), syndicat plutôt marqué à gauche, sur RMC. "La sélection n'a jamais fait réussir personne, à part peut-être toujours les mêmes. […] Avec la sélection, on ne prendra que ceux qui ont déjà le capital social, les éléments culturels et les codes de l'université pour y réussir. Ce n'est pas, selon moi, le rôle du service public de l'enseignement supérieur", a-t-elle ajouté.
Le syndicat des enseignants SNESUP-FSU parle de son côté de "pseudo contrat de réussite" composé de prérequis "qui s’inscrivent dans une logique de compétition entre individus et de productivité des études". Selon l’organisation, "le bac donne l’accès de droit en licence car c’est le premier grade de l’enseignement supérieur et la licence doit rester un diplôme national accessible sans sélection".
"Les souhaits de poursuite d’études exprimés par les futur.e.s étudiant.e.s doivent s'accompagner d'une orientation librement choisie, construite sur le long terme, à la fois pré-bac et post-bac, avec des possibilités de passerelles entre les formations de l’université et/ou celles relevant d’autres établissements. […] Pour le SNESUP-FSU, l’ESR n'a pas pour mission principale de répondre au marché de l'emploi et aux besoins économiques à court terme au travers des capacités d’accueil", conclut le syndicat.