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"Tout est réuni pour stresser": des Français somatisent leur peur du coronavirus

Une consultation médicale.

Une consultation médicale. - PHILIPPE HUGUEN / AFP

La pandémie de Covid-19 inquiète au point de générer chez certains les symptômes de la maladie infectieuse. Mais derrière la toux et la gêne respiratoire se cache parfois une simple crise d'angoisse. Une situation difficile à vivre pour beaucoup de Français.

Toux, maux de gorge, difficultés respiratoires… Autant de symptômes qui renvoient à la pandémie de Covid-19 mais aussi, aux crises d’angoisse. Depuis que le virus s’est exporté de Chine et a infecté le territoire français, les soignants jonglent quotidiennement avec les peurs de leurs patients. 

"On reçoit énormément d’appels de panique, affirmait samedi soir sur le plateau de BFMTV Marcel Ichou, médecin généraliste. Le moindre rhume, la moindre courbature, le moindre état fébrile est assimilé au coronavirus", observe-t-il. 

"Avec cette crise sanitaire, on doit s’attendre à une épidémie d’angoisses, d’insomnies. Ces conséquences psychologiques sont quasiment inévitables", abonde le psychothérapeute Benjamin Lubszynski, interrogé par BFMTV.com.

Confinés pour lutter contre un "ennemi invisible"

Ces états, Léna les connaît bien. A 19 ans, l’étudiante en audiovisuel appréhende chaque hiver le retour des épidémies de gastro et de grippe. "Avec l’arrivée du coronavirus, je n’ai pas eu de répit", lance-t-elle. Très anxieuse, la jeune femme enchaîne la toux et les difficultés à respirer. "J’ai déjà consulté un cardiologue à ce sujet car cette sensation m’arrive fréquemment. Donc je sais que c’est uniquement lié au stress", explique-t-elle. Une anxiété tout à fait normale, selon Benjamin Lubszynski, surtout en ce moment.

"Tous les éléments sont réunis pour stresser: on a un ennemi invisible qui se propage dans le monde entier et le confinement qui aggrave l’angoisse." Les mesures de précaution que l’on prend - "qui sont absolument nécessaires", souligne-t-il - augmentent la peur car on ne peut pas s’y confronter. "Et cela génère artificiellement des phobies."

Terrorisée à l’idée d’avoir attrapé le coronavirus, Emilie*, étudiante à Sciences Po, prend sa température “au moins une fois par jour. Et quand j’ai des sensations de mal de gorge, des frissons ou que je suis essoufflée, je peux la prendre jusqu’à 4 fois par jour”, nous raconte-t-elle.

La peur, "un super pouvoir qui met les sens aux aguets"

Quand la maladie est arrivée en France, elle n’était pourtant pas très inquiète. Mais son asthme, puis la mort d’un proche contaminé au Covid-19, ont eu raison de sa sérénité. "Depuis quelques semaines, j’ai du mal à respirer alors que je ne fais pas d’effort particulier. Je sais que c’est lié au stress car dès que je m’allonge, que je regarde un film, que je pense à autre chose, tout disparaît", tempère la jeune femme, qui ne quitte plus son gel hydroalcoolique. 

"La peur est un super pouvoir qui met tous nos sens aux aguets et crée une somatisation objective. On enregistre tous les micro détails - qu’on ne remarquerait pas en temps normal - et on met le projecteur dessus. Par conséquent, ces sensations deviennent de plus en plus fortes et de plus en plus réelles. Par exemple, le stress entraîne des reflux gastriques qui remontent dans la gorge et l’irritent: on a l’impression d’avoir mal, on peut même avoir une petite toux. Idem pour la respiration: quand on inspire trop fort, on a une sensation d’oppression, on respire plus vite, le sang n’est plus assez oxygéné et on hyperventile", analyse le psychothérapeute et auteur de Bien dormir, ça s’apprend.

Et tout le monde peut être sujet aux crises d’angoisse, "ce n’est pas l’apanage des personnes sensibles", insiste le professionnel. De nature plutôt sereine, Fred, 28 ans, n’appréhendait pas la maladie. Du moins, c’est ce qu’il pensait jusqu’à ce que son médecin lui diagnostique une crise d’angoisse liée à la peur du coronavirus.

"J’ai d’abord eu une légère sensation d’essoufflement. Mais peu à peu elle s’est intensifiée. Pendant plusieurs jours, respirer était un effort, j’avais beau prendre de profondes inspirations, j’avais toujours l’impression de manquer d’air", nous rapporte-t-il. 

Se relaxer pour ne pas somatiser

Alors que plane l’ombre du coronavirus, Fred prend contact avec son médecin, qui comprend très vite que son essoufflement n’est pas symptomatique de la maladie infectieuse mais de son anxiété. “Dès qu’elle m’a expliqué ça, tout a disparu”, assure-t-il. 

Des solutions existent pour savoir si un état de santé relève d’une somatisation ou d’une maladie bien réelle. Le psychothérapeute Benjamin Lubszynski recommande notamment la méthode de relaxation Jacobson: "Il faut contracter tous les muscles de la tête aux pieds, cinq fois. Les muscles se fatiguent puis se détendent et, en principe, le stress s’en va. Si les symptômes disparaissent, c’est qu’il n’y avait pas de maladie plus grave derrière", conclut-il d’un ton rassurant. 

*Le prénom a été modifié

Ambre Lepoivre