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"Je me cache du Covid-19": les personnes immunodéprimées inquiètes de l'allègement des restrictions

Dans une rue de Nantes le 31 décembre 2021 (photo d'illustration)

Dans une rue de Nantes le 31 décembre 2021 (photo d'illustration) - LOIC VENANCE © 2019 AFP

La perspective d'assouplir les restrictions sanitaires divise les personnes immunodéprimées. Salutaire pour certaines, dangereux pour d'autres.

Greffée du rein depuis l'âge de 16 ans, Evi a beau avoir reçu quatre doses du vaccin, elle n'a pratiquement pas développé d'anticorps contre le Covid-19. Cette Nantaise de 47 ans est très inquiéte de l'allègement prochain des restrictions sanitaires annoncé jeudi soir par le gouvernement. "C'est beaucoup trop tôt par rapport à la situation", avec près de 300.000 cas confirmés chaque jour en moyenne, s'alarme-t-elle pour BFMTV.com.

"C'est vrai que la majorité des gens ne risque pas grand chose avec Omicron. Mais on oublie une petite minorité, les personnes immunodéprimées comme moi susceptibles de faire une forme très grave de la maladie."

Elle qui se réjouissait d'avoir enfin repris son travail en présentiel dans une bibliothèque grâce à un traitement à base d'anticorps monoclonaux (le Ronapreve) a décidé de se confiner à nouveau. Ce qu'elle vit comme un "retour à la case départ".

"Le Ronapreve n'est pas efficace contre Omicron", regrette Evi. "Il faut donc que je m'auto-confine encore en attendant des jours meilleurs. Et il va falloir que je fasse encore plus attention: je vois bien que les collègues, les gens dans la rue enlèvent le masque et sont de moins en moins vigilants."

250.000 personnes concernées

Comme elle, quelque 250.000 personnes - greffées, dialysées, atteintes de certains cancers, prenant des traitements qui affaiblissent le système immunitaire, souffrant de déficits immunitaires ou de maladies auto-immunes - sont sévèrement immunodéprimées en France, note le Conseil scientifique.

"En raison de leurs traitements ou de leur maladie sous-jacente, la vaccination, même complète avec une troisième dose, est peu ou pas efficace chez ces patients", pointe-t-il dans son dernier avis daté de mercredi. Ils représentent actuellement "15% à 30% des malades hospitalisés pour Covid-19 en soins critiques en fonction des établissements", "avec un pourcentage de décès qui demeure élevé compte tenu de leur âge".

"Les personnes immunodéprimées sont dans une grande anxiété", réagit Magali Leo, la porte-parole de Renaloo, une association de patients atteints de maladies rénales. "Si cette levée des restrictions ne s'accompagne pas de mesures spécifiques, cela pourrait leur fait courir un grand risque. C'est un enjeu de solidarité."

"L'assouplissement ne nous concerne pas"

Cet assouplissement "ne nous concerne pas vraiment", réagit pour BFMTV.com Michel Stragier, président de l'Association régionale des greffés du cœur de la région Paca, lui-même greffé du cœur depuis seize ans. "On n'a pas attendu le virus et les consignes du gouvernement pour porter des masques, se laver les mains et garder nos distances."

Ce retraité de 66 ans va donc continuer de se priver de sorties au restaurant ou dans des lieux clos - "Je me cache du Covid", précise-t-il mi-amusé, mi-sérieux. Ce qui l'inquiète davantage: les personnes non vaccinées ainsi que celles n'appliquant plus rigoureusement les gestes barrières, "qui risquent de continuer à propager le virus et de nous contaminer".

"Quand je fais la queue à la boulangerie et qu'il y a quelqu'un derrière moi qui porte mal son masque, voire pas du tout, à 50 centimètres de mon cou, ça me rend fou", témoigne pour BFMTV.com Olivier Coustere, 59 ans, président-fondateur de l'association Trans-forme.

Mais pour ce triple greffé du rein, il n'y a "pas de raison de continuer à mettre à plat le pays", entre la fermeture des discothèques et les jauges dans les établissements recevant du public. "Nous, on le sait qu'on est malades." S'il souhaite le retour à la vie normale, il appelle cependant à la prudence et à la poursuite de l'application des gestes barrières.

"Apprendre à vivre avec ce virus"

Le retour à la vie normale, c'est le souhait d'Arthur, 30 ans, pharmacien hospitalier à Bordeaux et greffé du rein depuis quatre ans. Pour ce trentenaire pourtant sous traitement immunosuppresseur, il est l'heure de reprendre le cours habituel des choses. "On ne va pas vivre confinés en permanence", assure-t-il à BFMTV.com.

Si le jeune homme a déjà reçu quatre doses du vaccin - les trois premières n'ont engendré qu'une très faible réponse immunitaire de son organisme - il assure que c'est "le meilleur moment" pour parvenir à une immunité collective.

"On a un variant qui est certes plus contagieux mais moins dangereux, s'explique Arthur. Je vais évidemment toujours faire attention, appliquer les gestes barrières et éviter les lieux bondés et confinés mais je vais continuer d'aller au cinéma, au restaurant et de voir mes amis. Il va falloir apprendre à vivre avec ce virus."

Le Conseil scientifique est plus réservé et appelle "créer une bulle de compréhension, d’empathie, de solidarité et de protection autour de cette population d’invisibles". Il demande également la distribution de masques FFP2 aux personnes immunodéprimées qui le souhaitent, comme cela a été le cas au début de la pandémie avec les masques chirurgicaux pour les personnes fragiles ou en grande précarité.

Au diapason de l'instance chargée de conseiller le gouvernement, Magali Leo de l'association Renaloo réclame également la diffusion massive des traitements préventifs du Covid-19 efficaces contre Omicron, notamment Evusheld. Car elle pointe des difficultés d'accès. Dans un courrier du ministre de la Santé daté du 18 janvier, Olivier Véran évoquait "500 patients" bénéficiant quotidiennement de ce traitement.

"C'est insuffisant", regrette la porte-parole de Renaloo. "À ce rythme-là, il faudra plus d'un an pour traiter tout le monde. Ce qu'il faut, c'est mettre en place des centres dédiés et encourager l'administration du traitement à domicile, via les infirmiers libéraux. Ça devient très urgent, il faut protéger les personnes immunodéprimées au plus vite."

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV