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Entre renouvellement et discrétion, où en est le Conseil scientifique?

Jean-François Delfraissy au Sénat.

Jean-François Delfraissy au Sénat. - Thomas Samson

Depuis un mois, le Conseil scientifique se fait bien plus discret qu'au début de la crise. Les orientations préconisées ne sont plus systématiquement suivies. Pourtant, l'instance assure ne rien avoir changé à sa marche.

"On a atteint une forme de maturité, mais on avait besoin de sang neuf pour nous accompagner dans cette vision de moyen terme". C'est ainsi que Jean-François Delfraissy a expliqué ce mercredi face à la presse l'intronisation de quatre nouvelles têtes au sein de ce Conseil scientifique qu'il dirige depuis près d'un an.

"On est là pour éclairer les gouvernements. Ce sont eux qui prennent les positions et les décisions. Nous avons la capacité de réfléchir et d’éclairer les autorités politiques", a-t-il encore affirmé.

Officiellement donc, rien n'a changé au fonctionnement de cet organe dont l'immunologue a rappelé qu'il était l'"un des éléments intrinsèques de la loi sur la crise sanitaire". Assemblée d'experts et conseiller du Prince par gros temps de Covid-19, le Conseil scientifique propose, et l'exécutif dispose. Cependant force est de constater que l'omniprésente autorité sanitaire des débuts s'en tient désormais à plus de discrétion. La dernière publication d'un avis du Conseil scientifique sur le site du ministère de la Santé remonte ainsi au 12 janvier.

Et si certains de ses membres continuent à apparaître dans les médias, comme Jean-François Delfraissy le 24 janvier dernier sur notre antenne, ou le professeur Arnaud Fontanet le 8 février, son étoile semble bien avoir pâli.

Agacement

La preuve en est: au moment de son dernier passage sur notre antenne, le professeur Jean-François Delfraissy ne faisait pas mystère de son inclination envers l'instauration d'un nouveau confinement, qu'il jugeait même "inévitable" à l'époque. L'exécutif a finalement fait un autre choix, celui d'un couvre-feu fixé avancé à 18h partout en France, et estime que l'évolution récente des statistiques le conforte dans sa décision.

Le gouvernement et la majorité ont d'ailleurs, plus ou moins ouvertement, exprimé leur agacement devant les sorties, apparemment jugées intempestives, du président du Conseil scientifique. "La place du médecin n'est pas forcément de faire la tournée de tous les plateaux télé", a ainsi déclaré le chef du groupe La République en marche à l'Assemblée nationale, Christophe Castaner, à la fin du mois de janvier.

"Ce n'est pas parce qu'on ne passe pas dans les médias qu'on ne travaille pas"

Le profil bas ne relève donc pas du hasard mais plutôt d'une forme de désaveu du sommet de l'Etat. "Le Conseil scientifique se réunit tout le temps, sans interruption, et la communication reste fluide avec l'Élysée, notamment via la conseillère santé", a pourtant soutenu le "Château" mercredi à France Info, évoquant deux réunions la semaine dernière entre le premier et le second.

De toute façon, qu'à cela ne tienne pour Jean-François Delfraissy qui a assuré mercredi: "Le Conseil scientifique travaille et ce n’est pas parce qu’on n’est pas dans les médias qu’on ne travaille pas, au contraire, ça fait qu’on travaille même mieux. On a rendu plusieurs avis au gouvernement qui vont être publics dans les prochains jours".

L'étude des variants

Sur son site, France Info parle plutôt de trois notes envoyées ces derniers jours au gouvernement, la dernière en date de vendredi soir, et consacrées notamment à la difficile situation de la Moselle, confrontée à la propagation des variants sud-africain et brésilien. Le gériatre Olivier Guérin, nouvel arrivant au sein du Conseil scientifique, en a dit davantage sur les travaux actuels du comité d'experts sur notre plateau dimanche soir:

"Nous essayons de comprendre ce qu'il se passe en ce moment entre le jeu des différents variants. Est-ce que l'un de ces variants va prendre le pas sur l'autre et comment ça peut se passer? Le variant anglais qui devient dominant, est-ce que ça modifie l'épidémiologie? Est-ce que ça a un impact dans les semaines qui viennent sur la tension hospitalière? Est-ce que ça doit modifier notre stratégie des mesures barrières? Est-ce que ça doit modifier la stratégie vaccinale?"

"La politique reprend la main sur le scientifique"

Lui aussi a martelé que la tâche du Conseil scientifique n'avait pas varié: "Il y a eu des avis produits, ils sont à destination évidemment du président de la République et du pouvoir exécutif, ils seront rendus publics quand ce sera le moment". Il n'empêche, distant de seulement quelques jours au fond, le temps où les membres du Conseil scientifique prenaient sur eux de composer la bande-annonce de "nouvelles restrictions" est déjà lointain.

Signe, au-delà de l'irritation de l'exécutif, d'une émancipation du politique, et de la préseance de la décision sur l'expertise. Un ministre participant au Conseil de défense a préféré résumer les choses sous un angle plus personnel: "Emmanuel Macron est devenu épidémiologiste en formation accélérée", a assuré ce membre du gouvernement à BFMTV. "Il lit tout et cite des études japonaises. La politique reprend la main sur le scientifique."

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV