Présidentielle: François Bayrou candidat ou futur allié de Macron?

Cette fois-ci, François Bayrou est sur le point de mettre un terme à sa valse-hésitation. Mercredi, Il s’adressera à la presse. La solennité de la démarche, et les seuls deux mois qui nous séparent de la présidentielle, laissent même imaginer que le président du Mouvement démocrate (MoDem) pourrait se laisser tenter par une quatrième candidature à l'élection présidentielle. Ces derniers jours, diverses études d’opinion ont exploré cette possibilité.
La plus précise est le baromètre d’Ipsos pour le Cevipof et Le Monde du mois de février. Ses chiffres, fondées sur les réponses internet de 11.020 personnes certaines d’aller voter, établissent qu’en cas d’absence du maire de Pau au premier tour, Marine Le Pen atteindrait 26% des suffrages exprimés, contre 23% à Emmanuel Macron, 18,5% à François Fillon, 14,5% pour Benoît Hamon et 12% à Jean-Luc Mélenchon.
En revanche si François Bayrou décidait de tenter le coup, il pourrait séduire 6% des votes pris en compte, reprenant un demi-point au candidat du Parti socialiste et de ses alliés, la même chose à celui de la "France insoumise", 1% à la leader frontiste et au représentant de la droite et du centre…et enfin 3% au fondateur d’ "En marche!".
François Bayrou, si proche d'Emmanuel Macron
François Bayrou et Emmanuel Macron pourraient-il s'allier? Le politologue Alexis Massart, auteur notamment d’un livre intitulé au nom de l’Union pour la démocratie française (l'UDF, longtemps dirigée par François Bayrou), note pour BFMTV.com les convergences entre le triple candidat à l’élection présidentielle et le néophyte en la matière:
"Un point de convergence entre François Bayrou et Emmanuel Macron, c’est l’engagement européen. Et puis, il y a une forme d’attachement des gens pour François Bayrou qui s’est construit autour d’un discours 'ni droite, ni gauche'. C’est un discours qui lui avait réussi en 2007, mais aujourd’hui, il n’est plus le seul à le porter".
Emmanuel Macron, en effet, a mis un point d’honneur à ne se revendiquer d’aucun de ces deux bords…ou plutôt des deux à la fois, rêvant de les fédérer sur son nom. Ces deux facteurs de rapprochement, ajoutés à la préférence naturelle des citoyens à répéter leur vote plutôt qu’à choisir une nouvelle tête, expliquent, selon notre spécialiste du centre, la porosité observée dans l’électorat prêté dans les sondages à Emmanuel Macron en direction de François Bayrou.
Mais Alexis Massart comprend mal l’opportunité d’une candidature de ce dernier:
"Ces éléments feraient d’une campagne de François Bayrou une aventure hasardeuse pour François Bayrou, qui pourrait y griller son image de sage de la politique sans espoir d’aller au second tour, et financièrement pour le MoDem s’il n’atteignait pas les 5% des voix. Une candidature de François Bayrou serait effectivement négative pour Emmanuel Macron, sans être positive pour lui."
Peser sur Macron plutôt que se présenter
En conséquence, François Bayrou n’aurait-il pas intérêt à se montrer pour faire monter les enchères auprès du camp d’Emmanuel Macron et entamer, à termes, d’avantageuses tractations? C’est en tout cas l’avis d’Alexis Massart: "Je pense qu’il aurait plutôt intérêt à peser pour être en bonne position afin de parler avec Emmanuel Macron".
Le politologue Thomas Guénolé, auteur récemment du Petit guide du mensonge en politique, ne croit pas en cette hypothèse, comme il nous l'explique:
"Beaucoup de journalistes s’interrogent sur les marchandages au nom desquels François Bayrou se rallierait à Emmanuel Macron. Mais quand François Bayrou se prononce en faveur d’un autre candidat, il le fait en fonction de ses convictions et de valeurs, et ce, depuis 2002. D’ailleurs, beaucoup sont partis ou ont failli le faire à cause de ça."
Bayrou et les hommes d'argent
L’auteur évoque la possibilité d’un autre point d’achoppement entre les deux hommes.
"Il y a peut-être un autre élément de blocage de François Bayrou envers Emmanuel Macron. Je me demande à quel point, il est écœuré par les hommes d’argent. Or, Emmanuel Macron a le soutien de plusieurs milliardaires et vient de la haute finance. Quand François Bayrou a dénoncé les 'puissances de l’argent', il y a quelques jours, c’était certes en référence à l’affaire Fillon et aux relations entre ce dernier et l’assureur Axa mais peut-être aussi à Macron", propose Thomas Guénolé.
En effet au départ de l'ex-ministre de l'Economie de Bercy, le Palois avait tenu des propos identiques.
Une place à reconquérir
Cependant, reprend le politologue, une candidature de François Bayrou obligerait la figure historique du centrisme à relever une gageure délicate: "La difficulté pour lui, si il y va, sera de reprendre cet espace électoral dans lequel Emmanuel Macron s’est niché comme un coucou. Celui-ci singe d’ailleurs le 'ni droite, ni gauche' de François Bayrou en 2007 et la fondation d’ 'En marche!' ressemble beaucoup à celle du MoDem à l’époque. François Bayrou devrait demander des droits d’auteur."
Sans aller jusque-là, François Bayrou pourrait très bien profiter des difficultés rencontrées par Emmanuel Macron depuis la semaine dernière pour prélever son tribut directement dans les urnes:
"Emmanuel Macron vient de montrer des signes d’extrême fragilité, c’est le bon moment pour François Bayrou de sortir du bois et dire: 'Le centre, c’est moi!' C’est peut-être pour ça qu’il fait une annonce mercredi. Il y a une fenêtre de tir, il a tiré", pose Thomas Guénolé.
La main tendue du camp Macron à Bayrou
Autour de l’ex-ministre de l’Economie, on ne laisse pas transparaître d’inquiétude pour le moment. Sur notre antenne ce lundi, Christophe Castaner, député élu en Haute-Provence et partisan de celui qui fut le protégé de François Hollande, a minimisé la baisse d’Emmanuel Macron dans les sondages imaginant une campagne du Béarnais…tout en prenant bien soin de lui proposer de se rallier: "L’offre politique présentée par Emmanuel Macron est conforme à la méthode, à la stratégie, à cette liberté qu’incarne François Bayrou."
Gérard Collomb, maire de Lyon et lui aussi soutien d'Emmanuel Macron, avait lui aussi tendu la main à l'ennemi personnifié de la droite sarkozyste, la veille sur notre antenne.
Benjamin Griveaux, porte-parole du prétendant d' "En marche!", a même assuré sur BFMTV que bon nombre des cadres du MoDem avaient déjà choisi de faire la bascule: "Ce que je constate, c'est que les cadres du MoDem, très nombreux et partout dans le pays, nous ont rejoints pour participer à la dynamique du mouvement que nous avons mis en place."