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"Je suis prêt à cet affrontement": désormais candidat à la mairie de Paris, Emmanuel Grégoire peut-il vraiment battre Rachida Dati?

Emmanuel Grégoire à Paris le 26 novembre 2024

Emmanuel Grégoire à Paris le 26 novembre 2024 - Thomas Samson / AFP

Longtemps homme de confiance d'Anne Hidalgo à la mairie de Paris, le député socialiste a été officiellement désigné par les militants PS ce 30 juin pour être leur candidat dans la capitale en mars prochain. À charge pour cet apparatchik de se frayer un chemin face à la ministre de la Culture mais aussi face aux insoumis et aux écologistes.

Une élection qui clarifie en partie le jeu à gauche dans la capitale. Les militants socialistes de Paris ont largement élu ce lundi soir Emmanuel Grégoire, l'ancien adjoint d'Anne Hidalgo, pour être leur candidat aux municipales en mars prochain. Méconnu du grand public, en disgrâce avec la maire de Paris, ce député va désormais avoir la lourde tâche de battre Rachida Dati.

"C'est une très belle victoire en dépit des pressions d'Anne Hidalgo qui l'a formé puis lâché de façon très injuste. Maintenant, on avance et on met le cap sur la campagne", résume la députée PS Céline Hervieu auprès de BFMTV.

Hôtel de ville et Matignon pour se préparer

La désignation d'Emmanuel Grégoire vient aussi couronner un parcours commencé dès les années 2000. Pur produit du parti socialiste, ce père de trois enfants est très vite repéré par les apparatchiks du parti après avoir dirigé la section PS du 12e arrondissement.

En 2008, après la large réélection de Bertrand Delanoë à l'Hôtel de ville, il devient le conseiller de l'adjoint à l'Innovation, Jean-Louis Missika, alors très en vue. C'est le début d'une ascension express: quelques mois à peine plus tard, il devient le chef de cabinet du maire de Paris.

Quand François Hollande devient président de la République, Emmanuel Grégoire rejoint comme beaucoup d'autres cadres socialistes les cabinets ministériels. Pour lui, ce sera Matignon, auprès de Jean-Marc Ayrault alors Premier ministre. Deux ans plus tard, à la faveur de la démission du locataire de Matignon et de la victoire d'Anne Hidalgo à Paris, le jeune homme intègre son équipe d'adjoints.

Rupture avec Anne Hidalgo

Après le départ de son bras droit Bruno Julliard, parti fâché en 2018, le socialiste se voit offrir le le poste de premier adjoint. Concrètement, à elle les représentations publiques et les arbitrages, à lui la mise en place de l'intendance de mesures parfois très clivantes comme la suite des fermetures des berges de la Seine à la circulation automobile.

Reconduit à ses fonctions après la réélection d'Anne Hidalgo en 2020, leur relation tourne cependant au vinaigre après la présidentielle de 2022.

La maire de Paris accuse notamment Emmanuel Grégoire de "trahison" pour ne pas l'avoir assez défendue publiquement après son score catastrophique de 1,7% à la présidentielle en 2022 ni lors de sa virée à Tahiti à l'été 2023 qui avait tourné au scandale politique.

Résultat: lors de la dissolution-surprise lancée par Emmanuel Macron à l'été 2024, le premier adjoint de Paris décide de se présenter pour les législatives et se fait largement élire dès le premier tour avec plus de 50% des voix.

L'Assemblée pour contrer Rachida Dati

Le poste a le mérite de lui permettre de s'autonomiser d'Anne Hidalgo en quittant l'Hôtel de ville tout en lui offrant l'occasion de croiser le fer avec Rachida Dati, dans les starting-blocks pour conquérir Paris en mars 2026. La ministre de la Culture, qui peut se targuer d'une notoriété sans commune mesure avec celle d'Emmanuel Grégoire, cherche depuis des mois à obtenir des victoires politiques au Parlement.

Le candidat socialiste peut désormais se vanter d'avoir déjà enregistré un succès, comme ce lundi soir, où les débats sur la réforme de l'audiovisuel public ont été stoppés net grâce à la mobilisation de la gauche. Mais la méthode d'opposition frontale ne marche pas à tous les coups. L'Assemblée a ainsi largement adopté la réforme du scrutin à Lyon, Paris et Marseille en première lecture, au grand dam des socialistes parisiens.

En filigrane, se pose déjà la question de sa stratégie pour conquérir Paris. Emmanuel Grégoire se positionnera-t-il frontalement contre Rachida Dati pour déclencher un réflexe "tout sauf Rachida", au risque de concentrer les attaques de celle qui est connue pour sa stratégie de bulldozer?

L'union impossible à gauche

Est-ce que son programme sera au contraire sa principale boussole pour motiver les électeurs? S'il devrait rapidement s'étoffer, il est pour l'instant plutôt mince. Le candidat socialiste a cependant déjà annoncé vouloir créer un bail citoyen pour les locataires du parc privé pour "le droit de vivre à Paris", ou encore des "zones de calme" sans deux-roues la nuit, manifestement confiant dans ses chances.

"Je suis prêt à cet affrontement" avec Rachida Dati, a déjà prévenu Emmanuel Grégoire, dans la foulée de sa victoire au micro de BFMTV.

Sur le papier, le pari pour la faire tomber est loin d'être gagné, en dépit de sa mise en examen pour "corruption et trafic d'influence". La ministre de la Culture récolte entre 28 et 34% des voix selon différents scénarios d'après un sondage Elabe pour BFMTV et La Tribune dimanche publié le 21 juin dernier.

Emmanuel Grégoire, lui, est entre 15 et 16% de vote. Si ces chiffres sont à prendre avec des pincettes, notamment parce que les parisiens n'élisent pas au suffrage direct leur maire et que le mode de scrutin peut changer dans les prochains mois, ils indiquent cependant une dynamique du côté de l'élue parisienne.

"La question n'est pas tant Emmanuel Grégoire et son score putatif que de savoir ce que fait le reste de la gauche", nuance de son côté la sénatrice et conseillère de Paris LR Catherine Dumas, proche de la ministre de la Culture.

"Si la gauche part ensemble ou en ordre dispersé, ce n'est pas la même chose pour nous ni la même dynamique de campagne", reconnaît la présidente du groupe Changer Paris au conseil de Paris.

L'appétit des insoumis et des écologistes

Pour l'instant, La France insoumise qui a fait d'excellents scores aux dernières législatives dans la capitale envisage de se présenter sur son seul nom, d'autant plus qu'Emmanuel Grégoire a déjà exclu toute alliance avec elle.

Parmi les candidats potentiels, on trouve les députés Sophia Chikirou au profil très clivant ou Rodrigo Arenas. La première qui est plutôt discrète sur la scène parisienne peut déjà se targuer de récolter 17% d'intentions de vote, très loin de la candidature de Danièle Simmonet, alors insoumise en 2020 et qui n'avait récolté que 4,6% des voix au premier tour.

Quant aux écologistes, ils plaident officiellement pour une candidature unique de toute la gauche.

"On prône depuis le départ l'union, encore plus parce qu'au moment des municipales, on sera à un an de la présidentielle et que ce serait un symbole très fort", avance Aminata Niakaté, conseillère de Paris EELV.

Un second tour à très haut risque

En réalité, le sondage Elabe pour BFMTV et La Tribune dimanche donne l'écologiste David Belliard, déjà candidat en 2020 devant Emmanuel Grégoire avec 17% des intentions de vote contre 16% pour le socialiste.

"Paris, c'est quand même une très très belle exposition pour les écolos qui en ont bien besoin. Ils ne vont pas se priver d'y aller", observe un député Renaissance qui suit de près les municipales.

Le constat n'inquiète guère les socialistes. En 2020, les écologistes étaient partis seuls tout en faisant un accord au second tour avec Anne Hidalgo. Mais si les insoumis se qualifient, feront-ils la même chose? L'option est peu probable. Une autre candidature de gauche au second tour serait une catastrophe pour Emmanuel Grégoire, amputant largement ses chances de victoire.

La crainte des "phrases piquantes" d'Anne Hidalgo

Autre inconnue: le niveau de soutien de l'actuel maire de Paris. Anne Hidalgo savonnera-t-elle la planche du candidat socialiste?

"Si elle continue avec des petites phrases piquantes, cela voudrait dire qu'elle cherche à ce que Rachida Dati, qui ne cherche qu'à détricoter ce qu'elle a fait, gagne à la fin", observe la députée PS Céline Hervieu.

Elle pourrait aussi avoir tout simplement la tête ailleurs. Depuis des mois, Anne Hidalgo lorgne sur le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés dont la présidence commence dès le début de l'année 2026.

Marie-Pierre Bourgeois