Loi anti-casseurs: la belle opération du Sénat

Le Sénat - NurPhoto
Comme une lettre à la poste. Mardi soir, les sénateurs ont définitivement adopté, en seconde lecture, la proposition de loi anti-casseurs, et ce en votant conforme le texte qui leur avait été renvoyé par l'Assemblée nationale. Sur 343 votants, 210 ont voté pour, 115 contre.
Les députés La République en marche les plus rétifs à l'égard de certaines dispositions du texte - notamment l'interdiction administrative de manifester - se trouvent ainsi court-circuités. La balle est désormais dans le camp du Conseil constitutionnel, saisi par Emmanuel Macron lui-même.
Un texte LR récupéré par l'exécutif
Pour le Sénat, c'est une autre histoire. Initialement déposée en juin dernier par Bruno Retailleau, la proposition de loi intitulée "prévenir et sanctionner les violences lors des manifestations" a végété dans les couloirs du palais Bourbon avant d'être récupérée par l'exécutif au pic de la crise des gilets jaunes. Du pain béni pour des sénateurs Les Républicains au plus fort, l'affaire Benalla aidant, de leurs velléités d'indépendance vis-à-vis d'Emmanuel Macron.
Rappelons qu'au moment du vote du texte à l'Assemblée nationale, 49 députés LaREM ont choisi de s'abstenir. Une première en macronie, quand bien même le spectre d'une véritable fronde (avec des votes contre) demeure lointain.
Gêner ou ne pas gêner?
Comme le racontait L'Opinion dès le 26 février, plusieurs semaines après ce soubresaut, les différents chefs de file de la droite sénatoriale ont très vite acté l'idée du vote conforme. Idem pour le groupe Union centriste (UC), présidé par Hervé Marseille.
"La droite était bien plus divisée qu'il n'y paraît", affirme pourtant un sénateur LaREM bien informé.
"Certains voulaient davantage compliquer la vie du gouvernement en durcissant le texte et, ainsi, provoquer de nouveaux débats au sein de la majorité à l'Assemblée nationale. D'autres ne voulaient pas créer de gêne et, pour des questions de planning et d'efficacité, militaient pour que le texte aboutisse", raconte-t-il, ajoutant que Bruno Retailleau a su, comme toujours, bien manœuvrer et tenir ses troupes.
Risque de défections centristes
Dans les rangs macronistes de la Chambre haute, le leitmotiv était davantage de permettre au gouvernement d'avancer vite en contournant les dissonances. "Beaucoup des élus issus de la gauche ne voulaient pas voter le texte", explique le sénateur LaREM Alain Richard à BFMTV.com.
"J'ai dit aux équipes de Christophe Castaner qu'il risquait d'y avoir pas mal de défections centristes. Le groupe radical est généralement très 'droits de l'homme', par exemple. Mais je me suis lourdement trompé, car Hervé Marseille a tenu son groupe en permettant aux critiques de s'exprimer. Résultat, 34 ont voté pour", se réjouit l'ancien ministre de la Défense.
Un détail qui vaut ce qu'il vaut: au sein du groupe UC, Jean-Marie Vanlerenberghe, très proche de François Bayrou, a voté contre le texte.
Quoi qu'il en soit, le groupe LR du Sénat a mené une belle opération, reconnaît-on dans les rangs de LaREM. Certains élus Républicains étaient même surpris que la majorité à l'Assemblée nationale durcisse le texte. "Ils nous ont doublés sur notre droite", s'était étonné Bruno Retailleau auprès de L'Opinion. Un sénateur macroniste résume: "C'est derrière nous maintenant. Et ce n'est pas plus mal."