"Il y a tous les embryons d'une crise majeure au parti": LR se fracture après la nomination du gouvernement

Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau à l'Élysée le 10 octobre 2025 - TELMO PINTO / NURPHOTO / NURPHOTO VIA AFP
Gare à l'implosion. Le parti Les Républicains se fracture ce lundi 13 octobre après que certains de ses membres ont choisi la veille de rejoindre le gouvernement Lecornu II, contre la décision du patron de la formation de droite, Bruno Retailleau. Pour répondre à ces frondeurs, LR a annoncé leur exclusion, avant de statuer définitivement dans "les tout prochains jours", ouvrant ainsi une crise interne.
Ils sont six à être concernés, dont certaines figures majeures du parti: Rachida Dati (Culture), Annie Genevard (Agriculture), Philippe Tabarot (Transports), Vincent Jeanbrun (Logement), Sébastien Martin (Industrie) et Nicolas Forissier (Commerce extérieur).
Leur choix vient caractériser un peu plus les divisions de LR. Déjà visibles depuis plusieurs jours, elles sont apparues autour de la stratégie à adopter vis-à-vis du gouvernement.
Tout est parti du précédent, celui formé dimanche 5 octobre. Renommé à l'Intérieur, Bruno Retailleau a, dans la foulée, remis en cause la participation de LR, assurant que le retour aux affaires de Bruno Le Maire - l'ex-ministre de l'Économie, souvent dépeint par les oppositions comme l'homme du dérapage des finances publiques - lui avait été caché. Certains ont été décontenancés par ce changement de pied, qui a précipité la démission du gouvernement.
"La dissolution a vraiment terrorisé les députés"
Puis, la fronde s'est faite plus pressante lorsqu'Emmanuel Macron a choisi cinq jours plus tard de renommer Sébastien Lecornu à Matignon. Le bureau politique de LR, acquis à Bruno Retailleau, décide le même jour de ne plus faire partie de l'aventure gouvernementale. Une décision prise au grand dam de la majorité des députés.
Désormais, chacun se renvoie la balle. Les uns, à l'image d'une collaboratrice LR, jugent que la "perspective de la dissolution a vraiment terrorisé les députés", "plus on en parlait, plus ils disaient: participation au gouvernement". Les autres, au contraire, balayent cet argument: "Nous n'avons pas peur de perdre nos postes", dit le député Thibault Bazin, précisant: "De toute façon, on a plutôt la conviction qu'il y aura une dissolution quoi qu'il arrive, au plus tard en mai 2027".
Le même avance que la nomination et la reconduction de ministres LR répond à une certaine exaspération des Français. "Les gens en ont marre de ce bazar, ils veulent juste que l'on s'entende, que l'on fasse notre boulot. La France a besoin d'un budget, donc chacun prend ses responsabilités", explique-t-il.
"Wauquiez n'a qu'un seul but: saper l'autorité de Bruno"
Comme lui, beaucoup de députés LR ne se sentent pas pieds et poings liés au parti. Nombreux disent avoir fait campagne aux dernières législatives sans le soutien financier de leur formation politique. Si bien qu'ils considèrent devoir surtout leur élection à eux-même.
Face à ces élus, souvent qualifiés d'"autoentrepreneurs", Bruno Retailleau n'a jamais vraiment réussi à s'imposer. A l'inverse d'un certain Laurent Wauquiez, leur patron à l'Assemblée. En effet, le député de Haute-Loire profite à plein de la séquence pour réactiver le duel avec l'ancien boss des sénateurs LR après avoir largement perdu contre lui au congrès du parti le 18 mai dernier.
Comme un symbole, les deux hommes sont arrivés séparément à l'Élysée vendredi, lorsqu'Emmanuel Macron avait convié les différentes formations politiques, sauf LFI et le RN, pour des consultations sur le futur gouvernement.
"C'est l'éléphant au milieu de la pièce", reconnaît un ex-ministre LR. "La réaction de Bruno était une réaction sincère, honnête, d’un type qui a eu le sentiment de s’être fait blousé. Après, Wauquiez, qui est d’une habileté politique extraordinaire, n’a qu’un seul but: saper l’autorité de Bruno. Il y réussit plutôt pas mal actuellement."
Cet élu s'interroge sur la "brutalité de la réaction de Bruno Retailleau". "Je pense que la pire erreur serait de surréagir. Supposons que Rachida Dati soit élue maire de Paris (lors des municipales de mars 2026, NDLR). Cela voudrait dire que dans six mois, on ne pourra pas dire que l'on a gagné Paris", souligne-t-il.
Une consultation des adhérents pour renforcer sa position
Avant de préconiser d'autres voies de passage pour les membres LR du gouvernement, comme une suspension "pendant la durée de leur passage ministériel".
Dans tous les cas, notre interlocuteur n'a que peu d'illusions sur le fait que les jours à venir seront très compliqués pour la droite. "Les députés vont être très majoritairement derrière les anciens députés devenus ou restés ministres. Il y a tous les embryons d'une crise majeure au parti", considère-t-il.
Parfois très populaire dans les sondages lors de ces passages au sein des gouvernements Barnier et Bayrou, Bruno Retailleau risque de perdre des plumes dans la séquence.
Affaibli par ces divisions, qui questionnent son autorité, le Vendéen va tenter de reprendre la main. Une consultation des adhérents de LR - qui l'ont élu à la tête du parti avec près de 75% des voix - est organisée entre lundi et mardi. Ces derniers seront questionnés sur la décision du bureau politique de refuser de participer au gouvernement.