BFMTV
Les Républicains

"Il s'en ira forcément à un moment": Bruno Retailleau va-t-il rester au gouvernement après sa victoire à la tête des LR?

Bruno Retailleau le 18 mai 2025 à Paris

Bruno Retailleau le 18 mai 2025 à Paris - Kiran RIDLEY / AFP

Le ministre de l'Intérieur qui se positionne pour la présidentielle est tenté d'incarner la rupture avec le camp présidentiel et François Bayrou. Reste à trouver le moment opportun et la façon de rester dans la tête des Français en cas de démission du gouvernement.

Les ors du pouvoir oui mais jusqu'à quand? Élu dans un fauteuil ce dimanche 18 mai à la tête des Républicains (LR), le nouveau président de la droite, qui avance prudemment vers 2027, va devoir rapidement se pencher sur sa stratégie pour se lancer officiellement dans la course à la présidentielle.

"Être au gouvernement n'est pas synonyme de confusion", explique le ministre de l'Intérieur dans une interview publiée par Le Parisien ce jeudi 22 mai. "Je suis et je reste gaulliste. Pas macroniste. Mais la question de la participation de LR n’est pas tranchée à perpétuité: si jamais un jour, nos convictions n'étaient plus respectées tout comme l’idée qu'on se fait des intérêts fondamentaux de la nation, nous quitterions le gouvernement. Les choses sont claires", affirme-t-il.

"Il restera tant qu'il aura sa liberté de conviction et qu'il peut agir. Le jour où ce ne sera plus le cas, il en tirerera les conséquences", résume le sénateur LR, Max Brisson, l'un de ses fidèles à la chambre haute.

L'inspiration de Nicolas Sarkozy

"Il s'en ira forcément à un moment. Il n'est pas marié avec François Bayrou et encore moins avec Emmanuel Macron. Il ne leur doit rien du tout", résume, plus direct, un collaborateur ministériel.

Plusieurs stratégies s'offrent à Bruno Retailleau, à commencer par celle de mettre ses pas dans ceux de Nicolas Sarkozy qui s'est affiché à ses côtés mardi lors d'une cérémonie en hommage à une policière municipale tuée par le commando de Redoine Faïd en 2010.

Pour se lancer dans sa conquête de l'Élysée, celui qui était alors le patron de l'UMP n'avait pas hésité à jouer la carte de la rupture. À l'époque, la méthode avait permis à Nicolas Sarkozy de prendre ses distances avec Jacques Chirac au pouvoir depuis des années.

"Un clash" pour partir

Si le contexte a changé, Bruno Retailleau va lui aussi avoir besoin de montrer qu'il n'est pas comptable du bilan d'Emmanuel Macron. Invité par son ancien concurrent Laurent Wauquiez à s'exprimer devant les députés LR ce mardi, le ministre de l'Intérieur n'a pas fait semblant.

"Il a été très clair. Rentrer au gouvernement était une décision collégiale, en partir le sera aussi. Et on n'a pas vocation à y rester éternellement", rapporte un participant.

Reste cependant à trouver le bon moment pour partir. Plusieurs options sont sur la table, à commencer par l'éventuelle censure de François Bayrou à l'automne qui contraindrait tous ses ministres à démissionner dans la foulée.

"Je suis pas fan de l'idée. Ça veut dire que son départ serait noyé parmi tous les autres", observe un sénateur LR.

"Pour mettre en scène sa démission, il faut un clash qui montre qu'il est empêché, qu'il n'a pas les mains libres", partage un élu LR.

"Retailleau pourra dire qu'on l'empêche de faire"

Deux sujets pourraient offrir cette opportunité: le renforcement des pouvoirs de la police municipale, un texte porté par le bras droit de Bruno Retailleau François-Noël Buffet à l'Intérieur.

Au menu: la possibilité notamment pour les policiers municipaux d'aller sur le terrain de la police nationale en contrôlant par exemple les identités ou en pouvant délivrer des amendes pour les consommateurs de stupéfiants.

Si ce texte doit être présenté devant le Conseil des ministres fin juin, il n'est pas encore à l'agenda du Parlement.

"Je ne suis pas sûre que François Bayrou va se battre pour ce truc qui risque de crisper une partie des macronistes et de la gauche. Si rien ne se passe, Retailleau pourra dire qu'on l'empêche de faire", avance un conseiller ministériel.

Attention "aux coups politique à la Gabriel Attal"

Autre opportunité: les discussions en amont du budget dans un contexte de recherche d'économies tous azimuts. "Si François Bayrou parle de hausse d'impôts, il s'en ira sur le mode 'moi président, les impôts seront stables. Je ne peux pas cautionner ça'", avance un ex-député LR.

Mais la question de quitter le gouvernement avec fracas ne fait pas l'unanimité à droite, tant sur la méthode que sur le fond.

"Ce que les Français apprécient chez lui, c'est sa sincérité, sa cohérence, qu'il ne soit pas dans le mouvement permanent. Il faut qu'il garde sa sérénité", juge le sénateur LR Jean-François Husson.

Plus cash, l'un de ses collègues juge que "s'il se met à faire des coups politiques à la Gabriel Attal, ça va beaucoup moins bien marcher auprès de nos électeurs".

Trouver sa place hors du gouvernement

Quant à sa place dans la vie politique une fois sorti du gouvernement, elle restera à écrire, avec le risque de devenir un présidentiable parmi beaucoup d'autres dans la compétition. "Là, on le voit partout parce qu'il est à Beauvau mais une fois revenu au Sénat, ça risque d'être bien différent", avance un élu parisien.

"Pourquoi voulez-vous qu'il sorte alors qu'il est aux manettes?", s'interrogeait déjà en pleine campagne LR l'une de ses proches la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio.

Autant dire qu'une fois sa démission posée, Bruno Retailleau devrait rentrer très vite en campagne pour ne pas se faire oublier. Parmi les options possibles pour rester dans la tête des Français, un tour de France pourrait être envisagé. De quoi aller chercher des électeurs pour les municipales en mars prochain tout en se nourrissant d'échanges de terrain pour son futur programme.

Suffisant pour faire taire les ambitions d'autres lieutenants de son camp comme David Lisnard et Xavier Bertrand qui le poussent à organiser une primaire ouverte pour avoir eux aussi leurs chances?

Marie-Pierre Bourgeois