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Politique

Le duel Macron-Le Pen se joue sur le parking de l'usine Whirlpool à Amiens

En se rendant à l'improviste auprès des salariés de Whirlpool à Amiens, en marge d'une visite d'Emmanuel Macron, Marine Le Pen a coupé l'herbe sous le pied de son adversaire, le forçant à s'y rendre à son tour, dans des conditions chaotiques. Récit d'un coup de force qui laissera des traces dans cette campagne d'entre-deux tours.

Tous les coups sont permis. Dans une campagne présidentielle, et a fortiori pendant l'entre-deux tours, les candidats rivalisent d'imagination pour discréditer leurs adversaires et gagner du terrain. Marine Le Pen l'a rappelé ce mercredi. Poursuivant l'offensive qu'elle a lancée dès dimanche soir contre Emmanuel Macron, la candidate du Front national a grillé la politesse à son adversaire en se rendant auprès des salariés de l'usine Whirlpool à l'improviste.

Une visite symbolique sur le plan de l'image, dont Marine Le Pen montre une nouvelle fois qu'elle maîtrise toutes les cordes, au même titre que l'art du storytelling. Une visite qui vient servir sa campagne et placer Emmanuel Macron en difficulté, puisqu'elle l'a forcé à se rendre à son tour auprès des salariés en début d'après-midi, dans des conditions chaotiques et sous les sifflets. 

Acte 1: Marine Le Pen crée la surprise

A l'heure du déjeuner, Marine Le Pen est arrivée sur le parking de l'usine, donnant le coup d'envoi à ce feuilleton inattendu. Profitant d'un très bon accueil, elle a enchaîné les selfies avec des salariés et sans doute quelques sympathisants FN. Au même moment, Emmanuel Macron se trouvait dans une salle de la Chambre de commerce d'Amiens, en pleine réunion avec des représentants syndicaux de ces mêmes salariés. 

"Je suis ici à ma place exactement là où je dois être, au milieu des salariés de Whirpool, au milieu des salariés qui résistent à cette mondialisation sauvage, je suis pas en train de manger des petits fours avec quelques représentants qui ne représentent qu’eux–même", a déclaré Marine Le Pen, jouant l'émotion et la proximité.

Acte 2: le piège tendu à Macron

Elle s'est ainsi présentée une nouvelle fois comme la candidate des travailleurs, et celle de la "France d'en bas", en renvoyant à Emmanuel Macron l'image du représentant de la "France d'en haut". La candidate d'extrême-droite avait sans doute tout prévu, comme le montre la manière dont elle a justifié sa venue.

"Quand j’ai appris qu’Emmanuel Macron venait ici et qu’il n’entendait pas rencontrer les salariés, venir sur ce piquet de grève, mais qu’il allait, à l’abri, dans je ne sais quelle salle de la chambre de commerce pour rencontrer 2-3 personnes triées sur le volet, eh bien j’ai trouvé que c’était une preuve tellement de mépris, à l’égard de ce que vivent les salariés de Whirlpool, que j’ai décidé de sortir de conseil stratégique et de venir vous voir."

Une visite qu'elle a donc présenté comme une vraie décision spontanée, même si la ficelle est grosse, car celle d'Emmanuel Macron auprès des syndicats était prévue d'avance. Personne n'a pu voir venir ce coup de campagne, puisqu'il ne semblait pas compatible avec son agenda, mais impossible de savoir s'il a été anticipé ou non par la principale intéressée. Avec ce déplacement, elle coupe l'herbe sous le pied d'Emmanuel Macron, le forçant même à justifier les modalités de sa visite à lui, puisqu'il n'était effectivement pas prévu qu'il rencontre les salariés directement.

Acte 3: Macron joue la carte de la crédibilité

Prenant la parole à l'issue de la réunion avec les syndicats, le candidat d'En Marche! a expliqué que la direction du site n'avait pas souhaité qu'il se rende à l'usine. Il aurait pu opter lui aussi pour le parking et le piquet de grève, mais il savait sans doute qu'il n'était le bienvenu. Parmi les ouvriers, certains le surnomment le "fantôme d'Amiens".

"Madame Le Pen est donc venue à Amiens parce que j'y venais. Bienvenue à elle. Mais Madame Le Pen n'a pas compris comment fonctionnait le pays et nous n'avons définitivement pas la même ambition, ni le même projet", a déclaré Emmanuel Macron devant la presse. "Avec l'intersyndicale, nous sommes convenus que je me rendrai cet après-midi pour rencontrer les salariés, avec l'intersyndicale", a-t-il ajouté, pour faire taire les critiques. 

"Marine Le Pen=10 min avec ses adhérents sur un parking devant caméras ; moi=1h15 de travail avec les syndicats sans presse. Le 7/05, chacun choisira", a aussi écrit le candidat sur son compte Twitter. 

Acte 4: Macron tente de se faire entendre, au sens propre

Chapitre marquant de cette journée à hauts risques pour Emmanuel Macron: le candidat est finalement arrivé sur le parking de l'usine en milieu d'après-midi, dans un brouhaha de sifflets. Au milieu de nombreux journalistes et de militants frontistes, il a tenté, avec beaucoup de difficultés, de discuter avec les salariés. Il s'est ensuite emparé d'un porte-voix pour tenter de se faire entendre, sans succès. Une délégation de salariés a tenté de s'organiser pour permettre un échange dans de meilleures conditions... dans un coin du parking où la discussion a été houleuse. Loin des caméras, mais en direct sur sa page Facebook, Emmanuel Macron a livré ses engagements aux salariés.

"Premier point, il n’y aura aucune homologation d’un PSE (plan de sauvegarde de l'emploi, ndlr) qui n’est pas à la hauteur. Deuxième point: trouver un repreneur. Sur ce volet, on ira au bout d’un dossier de recherche de repreneur avec un vrai dossier industriel, qui reprend le plus d’emplois et de façon pérenne. Dernier point: la réponse à ce qui vous arrive, ce n’est pas de supprimer la mondialisation ou de fermer les frontières, ne vous trompez pas, ceux qui vous disent ça vous mentent", a déclaré le candidat, faisant référence à Marine Le Pen.

Parvenant à établir un dialogue malgré les interpellations nombreuses, Emmanuel Macron a promis de revenir rendre des comptes. "Le redressement de la France, il va prendre du temps, il va être difficile. Je reviendrai pour rendre compte", a-t-il assuré, donnant l'impression de s'être tiré du piège tendu par Marine Le Pen.

Charlie Vandekerkhove