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"Pas le moment": la droite sceptique après la menace de démission de Bruno Retailleau

Le Premier ministre François Bayrou (D) et le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau lors d'une séance de questions au gouvernement, le 29 avril 2025 à l'Assemblée nationale à Paris

Le Premier ministre François Bayrou (D) et le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau lors d'une séance de questions au gouvernement, le 29 avril 2025 à l'Assemblée nationale à Paris - Ludovic MARIN © 2019 AFP

Le ministre de l'Intérieur a beau avoir laissé planer l'hypothèse de sa démission lundi soir sur la question de la proportionnelle, pas grand-monde n'y croit parmi les troupes LR. L'hypothèse d'une démission après les municipales de 2026 semble plus probable.

Bientôt dehors? Invité ce lundi 2 juin à Matignon pour discuter de l'éventuelle mise en place d'un scrutin à la proportionnelle pour les législatives, Bruno Retailleau n'a pas hésité à mettre sa présence au gouvernement dans la balance.

Après avoir étrillé une réforme qui mènerait à "l'impuissance publique", le ministre de l'Intérieur a expliqué que "toutes les options" étaient "ouvertes" si François Bayrou persistait dans cette direction.

Plus un bras de fer qu'une vraie menace

La menace d'une démission n'est qu'à peine voilée pour celui, qui, désormais auréolée de sa large victoire à la tête des Républicains, se sait essentiel au Premier ministre, à la tête d'une coalition très fragile.

Elle a également l'avantage de contenter ses troupes qui ont voté à l'unanimité en bureau politique pour dire non à la proportionnelle. Risque d'instabilité politique permanente à l'Assemblée nationale, crainte de ne jamais réussir à voter les budgets, division par près de trois du nombre de députés LR d'après une simulation calculée par BFMTV...

À droite, on assume la mise sous pression de François Bayrou pour qu'il recule sur ce dossier. Mais pas grand-monde ne croit que Bruno Retailleau, qui a déjà évoqué sa démission sur la question de l'accord de 1968 entre la France et l'Algérie sans la mettre à exécution, s'en ira vraiment sur un tel motif.

"C'est un bras de fer qu'on compte gagner mais c'est un sujet très technique, vraiment pas facile à comprendre pour les Français. On ne va quitter le gouvernement pour ça", reconnaît sans phare le député LR Julien Dive auprès de BFMTV.

Une rupture certaine mais un calendrier incertain

Dans le camp de la droite, personne ne doute cependant que le ministre de l'Intérieur finira bien un jour par plier bagage pour acter la rupture avec la macronie et prendre son autonomie d'ici la présidentielle de 2027.

"On partira à un moment parce que rester longtemps, ça voudrait dire être responsable du bilan du Premier ministre qui ne va pas être bon et comptable de celui d'Emmanuel Macron, ce qui est encore pire", assume un sénateur LR.

Reste à trouver le bon tempo pour partir avec plusieurs pistes sur la table, à commencer par la séquence budgétaire à l'automne avec le casse-tête de 40 milliards d'euros d'économies à trouver pour boucler le budget 2026.

"Responsable du bordel"

François Bayrou qui devrait dévoiler ses pistes d'économies avant la mi-juillet a déjà évoqué certaines possibilités qui hérissent la droite, à commencer par la TVA sociale. Matignon pourrait aussi décider de mettre à contribution les retraités ou de pérenniser la contribution sur les personnes très aisées.

"Si le Premier ministre ne nous écoute pas et va sur une augmentation d'impôts, nous quitterons le gouvernement et François Bayrou finira comme Michel Barnier, sans budget et censuré", lance le sénateur LR Marc-Philippe Daubresse.

Beaucoup évoquée ces dernières semaines, l'hypothèse semble cependant avoir du plomb dans l'aile, ne serait-ce que parce que la droite devrait alors assumer des négociations laborieuses entre les partis pour parvenir à un nouveau budget voire assumer de provoquer une nouvelle dissolution.

"Il faudrait porter la responsabilité du bordel et ça, ce n'est pas facile quand vos sympathisants ne réclament que de l'ordre. Ce n'est pas le bon moment", remarque Jérôme Lavrilleux, ancien directeur-adjoint de campagne pour Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle de 2012 et fin connaisseur de la droite.

Éviter à tout prix la primaire

Sans compter que la manœuvre ne ferait pas très bon effet avant les municipales de mars 2026 pour convaincre les électeurs. La démission de Bruno Retailleau à l'automne semble d'autant moins probable que les LR vont avoir besoin d'accords avec Renaissance pour garder ou décrocher de grandes villes à l'instar de Marseille, Toulouse, Nantes ou encore Paris.

Mais une fois passé "la colline" des municipales pour reprendre un mot qu'affectionne le ministre de l'Intérieur, le sexagénaire pourrait prendre comme modèle Emmanuel Macron. Alors locataire de Bercy, il avait démissionné avec fracas pour se lancer dans la course à la présidentielle en septembre 2016, 8 mois avant la présidentielle.

"Son but, c'est quand même de rentrer le plus tard possible dans la course. Une fois qu'il sort, il redevient un présidentiable parmi 20 autres. Tant qu'il est à l'Intérieur, il domine parce qu'il a un statut à part", observe l'ex-député Renaissance Jean-Baptiste Moreau.

Attention "aux noces de diamant"

Sortir du gouvernement quelques mois à peine avant la course à l'Élysée aurait également l'avantage de reporter aux calendes grecques la désignation du candidat des LR à la présidentielle.

Si certains plaident toujours pour une primaire à l'instar de David Lisnard, le maire de Cannes et Xavier Bertrand, le président de la Région Hauts-de-France, l'intérêt de Bruno Retailleau est de s'en passer, en espérant plier le match par les sondages, aidé par son exposition à l'Intérieur.

"J'espère juste qu'il ne va pas passer un an à dire 'si ça continue, je démissionne'. ll ne faudrait pas non plus qu'il passe pour le type qui dit toujours qu'il va divorcer et qui à la fin fête ses noces de diamant", le met en garde un sénateur LR.

Marie-Pierre Bourgeois