"Nous n'avons pas la réponse à toutes les souffrances": Vautrin justifie l'instauration d'une aide à mourir

La ministre de la Santé a défendu ce mardi soir une nouvelle fois la création d'une aide à mourir, quelques minutes après l'adoption de cette mesure en première lecture à l'Assemblée nationale.

Catherine Vautrin le sait: elle a gagné une bataille mardi soir, avec l'adoption en première lecture à l'Assemblée nationale d'un "droit à l'aide à mourir", mais pas la guerre, ce texte devant désormais être examiné au Sénat, où LR, majoritairement opposé à cette évolution sociétale, détient le groupe le plus important avec 130 élus.

Alors, la ministre de la Santé continue de défendre cette mesure. Quelques minutes à peine après le vote des députés, elle s'est présentée sur le plateau de l'émission "C à vous" sur France 5.

L'occasion de développer ses contre-arguments, en réponse au député Philippe Juvin, par ailleurs chef des urgences de l'hôpital Georges Pompidou et issu de son ancienne famille politique, LR.

L'aide à mourir n'est "pas un renoncement aux soins palliatifs"

Dans la matinée, ce dernier avait notamment dénoncé, au micro de Sud Radio, "une loi qui est faite pour des gens bien portants, qui ont peur de la déchéance et qui va d'abord s'appliquer aux gens pauvres et aux gens isolés qui n'ont pas d'autres solutions."

Comme lui, beaucoup d'opposants à cette proposition de loi appellent avant tout à développer les soins palliatifs pour les rendre accessibles à tous les Français et jugent que l'aide à mourir n'est pas suffisamment encadrée.

De son côté, Catherine Vautrin souligne que la mise en place de cette disposition ne serait "pas un renoncement aux soins palliatifs, au contraire." "Quand une personne demande une aide à mourir, la première chose qu'on fait, c'est de lui proposer de manière effective (...) des soins palliatifs."

"Humilité"

Avant de réclamer cette aide, l'individu concerné doit répondre à plusieurs critères cumulatifs: être âgé d'au moins 18 ans et détenir la nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France; être atteint d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ; présenter une "souffrance physique ou psychologique constante liée à cette affection"; "être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée".

Si la décision est validée, c'est le malade qui s'auto-administrera lui-même une substance létale, le plus souvent sous la forme d'une boisson. Cependant, si la personne qui souhaite mourir n'est pas en capacité de le faire, un soignant pourra alors le faire.

En parallèle de la proposition de loi sur l'aide à mourir, les députés ont adopté un autre texte. Beaucoup plus consensuel, celui-ci créé "un droit opposable" aux soins palliatifs, en indiquant que "les agences régionales de santé sont garante de l'effectivité de ce droit."

Alors que 19 départements français sont toujours dépourvus d'unités de soins palliatifs, selon la co-rapporteure Annie Vidal (Renaissance), le gouvernement a présenté il y a un an une stratégie décennale dotée d'1,1 milliard d'euros.

"C'est 100 millions par an pendant dix ans pour continuer à équiper le pays en soins palliatifs", a souligné Catherine Vautrin sur France 5, tout en insistant à nouveau sur l'importance d'une aide à mourir: "on doit avoir l'humilité de dire que nous n'avons pas la réponse à toutes les souffrances."

La création d'une aide à mourir pourrait encore connaître plusieurs ajustements. Avant d'être adopté, le texte doit donc poursuivre son parcours législatif au Sénat, peut-être dès cet automne, puis revenir à l'Assemblée pour une deuxième voire une troisième lecture.

"Je souhaite que le texte soit voté d'ici à 2027, c'est encore possible", avait affirmé ce week-end la ministre de la Santé Catherine Vautrin.

Baptiste Farge