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"Affection incurable", "substance létale"... Ce que contient la loi sur l'aide à mourir adoptée par les députés

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Les députés ont adopté ce 27 mai "l'aide à mourir" avec des critères très précis d'encadrement. Il faudra par exemple être atteint d'une souffrance "réfractaire aux traitements ou insupportable". Les malades qui n'auront pas accès aux soins palliatifs pourront désormais aller devant la justice.

Enfin. Dans les tuyaux depuis des mois, promise par Emmanuel Macron en avril 2023 et arrêtée brusquement par la dissolution à l'été dernier, l'aide à mourir a été votée ce mardi après-midi à l'Assemblée nationale.

Le texte défendu par le député Modem Olivier Falorni définit les conditions précises du suicide assisté qui "consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, dans les conditions et selon les modalités prévues".

Une affection "qui engage le pronostic vital"

Les discussions ont souvent été âpres dans l'hémicycle pour définir précisément qui y aura accès. Premières conditions à remplir: être âgé d'au moins 18 ans et détenir la nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France.

Autre critère: "être atteint d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée, caractérisée par l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie, ou terminale".

Concrètement, ces termes visent à s'assurer que des patients qui sont malades, mais qui ont encore plusieurs années de vie avec une qualité de vie encore correcte ne puissent pas accéder à l'aide à mourir.

"Souffrance physique constante"

Il faudra également présenter une "souffrance physique ou psychologique constante liée à cette affection". Elle doit être "soit réfractaire aux traitements, soit insupportable pour le malade qui a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement". 

Dernier critère: "être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée". Une personne dans le coma ne pourra donc pas avoir accès à l'aide à mourir.

"Auto-injection" d'une substance létale

Si un patient remplit tous ces critères, il pourra alors faire une demande d'accès à l'aide à mourir. Elle sera ensuite évaluée par un collège "d'au moins deux médecins et un soignant" qui pourront prendre leur décision à l'issue d'une réunion ou d'une visioconférence.

Si la décision est validée, le patient aura un délai incompressible de deux jours pour confirmer sa demande. Le jour J, c'est le malade qui s'auto-administrera lui-même une substance létale, le plus souvent sous la forme d'une boisson. Ce geste doit avoir lieu dans un établissement de santé et non pas au domicile du patient.

Si la personne qui souhaite mourir n'est pas en capacité de le faire, un soignant pourra alors le faire. Aucun professionnel de santé ne sera cependant "tenu de procéder aux procédures" liées à l'aide à mourir, que ce soit pour la prise de décision ou l'injection en vertu d'une clause de conscience.

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Délit d'entrave

Une commission de contrôle et d'évaluation va être mise en place. Elle tiendra le registre des soignants pratiquant l'aide à mourir et devra signaler à la justice les manquements à la déontologie.

Un délit d'entrave à l'aide à mourir a été créé par les députés, punissant "le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher" un patient de "pratiquer ou de s'informer" sur l'aide à mourir. Calqué sur le modèle du délit d'entrave à l'IVG, ce délit sera puni de 2 ans de prison et 30.000 euros d'amende.

Moins médiatisée, la proposition de loi sur le développement des soins palliatifs va également être votée par les députés. Avec un objectif: "garantir l'égal accès de tous à l'accompagnement et aux soins palliatifs".

Les soins palliatifs, désormais un droit

Actuellement, 48% des patients qui devraient pouvoir y accéder n'y parviennent pas, faute d'un nombre d'équipes dédiées suffisantes dans leur département. Une vingtaine de départements n'a par ailleurs aucune unité de soins palliatifs dans un hôpital de son territoire.

Ce texte crée donc "un droit opposable" aux soins palliatifs, en indiquant que "les agences régionales de santé sont garante de l'effectivité de ce droit". Si les patients n'ont pas accès aux soins palliatifs alors qu'ils le souhaitent, ils pourront former un recours devant le tribunal administratif.

Une nouvelle catégorie d'établissement est par ailleurs créé par ce texte: les maisons d'accompagnement et de soins palliatifs. Ces structures seront réservées aux patients qui "ne relèvent plus de la technicité d'un service hospitalier mais qui pour autant ne peuvent pas rentrer chez eux", a expliqué la ministre de la Santé, Catherine Vautrin.

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Invité de BFMTV-RMC ce mardi 27 mai, François Bayrou a redit ses réticences au texte sur la fin de vie. S'il avait été député, il n'aurait pas voté le texte. "Je pense que ce soir je m'abstiendrais, oui", a concédé le Premier ministre sur notre antenne. François Bayrou a d'ailleurs fait un appel du pied au Sénat, affichant "sa confiance" à la chambre haute.

La proposition de loi sur l'aide à mourir et sur les soins palliatifs vont désormais en effet désormais être transmises au Sénat qui en discutera dans l'hémicycle en octobre prochain. Les débats s'annoncent par avance houleux dans une assemblée aux positions sociétales relativement conservatrices.

Emmanuel Macron a annoncé mi-mai être prêt à recourir à un référendum en fin de vie en cas "d'enlisement" au Parlement.

Marie-Pierre Bourgeois