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Santé

Soins palliatifs, aide à mourir: les enjeux des textes sur la fin de vie examinés à l'Assemblée

Catherine Vautrin à l'Assemblée nationale le 4 février 2024

Catherine Vautrin à l'Assemblée nationale le 4 février 2024 - MIGUEL MEDINA / AFP

Stoppé par la dissolution de l'Assemblée nationale en juin dernier, le projet de loi sur la fin de vie revient dans l'hémicycle ce lundi 12 mai via deux textes distincts. L'un sur les soins palliatifs, l'autre sur la création d'une aide à mourir qui divise les députés.

Ce sujet promet de transcender les clivages, de toucher directement certains parlementaires et de laisser place à des débats empreints de gravité: la fin de vie fait son retour dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale ce lundi 12 mai via deux textes.

L'un, consensuel, porte sur le renforcement des soins palliatifs, avec la création d'un "droit opposable", alors que selon un rapport de la Cour des comptes de juillet 2023, seuls la moitié des besoins étaient pourvus. L'autre, sujet à des divisions, vise à créer une aide à mourir qui revient, selon les cas, à du suicide assisté ou à de l'euthanasie.

Les députés débattront de ces propositions de loi durant deux semaines, week-end compris s'il le faut, avant un vote solennel prévu le 27 mai. Au programme: plus de 3.300 amendements, dont plus de 700 sur le deuxième texte déposé par le député du groupe ciottiste Gérault Verny, soutien d'Éric Zemmour en 2022.

Pour quelle issue? Celle de la première mouture ne fait guère de doutes. Quant à l'aide à mourir, elle a été approuvée par 28 députés contre 15 le 2 mai dernier en commission. Un vote sans ambiguïté qui laisse espérer au rapporteur du texte Olivier Falorni (groupe MoDem) qu'il y ait dans l'hémicycle une majorité "conséquente" en faveur du texte, même s'il ne veut "préjuge(r) de rien".

Des divisions dans le socle gouvernemental

Pour cela, il faudra qu'une partie du socle gouvernemental (Ensemble pour la République, Les Républicains, MoDem, Horizons) vote en faveur de ce dispositif aux cotés de la gauche qui y est largement favorable. Or, les différents membres de l'équipe de François Bayrou - lui-même contre la création d'une aide à mourir - sont divisés sur le sujet.

Les uns ont affiché leur opposition, à l'image du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau qui a de nouveau dénoncé ce week-end un "texte de rupture anthropologique".

Dans la même lignée, sept députés de son camp dont le médecin urgentiste Philippe Juvin avaient critiqué dans une tribune au Figaro un texte ne prévoyant pas suffisamment de garde-fous, que ce soit sur les délais, la traçabilité de la procédure, la collégialité de la décision, ou la vérification de la libre volonté de celui qui demande l'euthanasie.

D'autres sont montés au créneau pour défendre cette évolution sociétale. Ainsi le ministre de la Justice Gérald Darmanin avait souligné son "désaccord assez profond" avec le locataire de la Place Beauvau le 15 avril dernier.

Le président Emmanuel Macron s'est quant à lui prononcé avec prudence, estimant devant les francs-maçons de la Grande Loge de France que le débat ne pouvait "être réduit" à pour ou contre la vie, mais devait poser la question du "moindre mal".

Le patron des députés EPR, Gabriel Attal, s'est engagé plus franchement en apportant son soutien au texte dans une tribune cosignée avec la chanteuse Line Renaud, engagée de longue date sur ce sujet.

La ministre de la Santé Catherine Vautrin a elle aussi réitéré dimanche auprès du Parisien son souhait de répondre à une "forte attente des Français" tout en faisant en sorte que "l'accès à l'aide à mourir soit très encadré".

Quels critères pour l'aide à mourir?

La question des critères ouvrant l'accès à ce nouveau droit sera particulièrement débattue. La ministre avait défendu au printemps 2024 parmi les conditions requises le fait que le patient souffre "d'une affection grave et incurable engageant son pronostic vital à court ou moyen terme".

Cette notion de "moyen terme" avait été écartée par les députés, jugée trop floue et inopérante. Le texte d'Olivier Falorni Falorni prévoit désormais que le patient soit "atteint d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale". Une définition jugée trop large par plusieurs députés, dont Philippe Juvin et nombre de ses collègues.

La Haute Autorité de Santé a estimé mardi dans un avis qu'il n'y avait "pas de consensus médical sur la définition du pronostic vital engagé 'à moyen terme'".

Elle a aussi défini la "phase avancée", comme "l'entrée dans un processus irréversible marqué par l'aggravation de l'état de santé qui affecte la qualité de vie". Une définition que le gouvernement entend reprendre dans un amendement.

"Cela correspond à des patients en fin de vie qui ont un pronostic vital extrêmement engagé et qui souffrent de douleurs insupportables et réfractaires aux traitements", a souligné Catherine Vautrin, soucieuse de désarmer les critiques.

Après s'être engagé en 2022 à confier une réflexion sur le sujet à une convention citoyenne, Emmanuel Macron avait dévoilé en mars 2024 les grandes lignes d'un projet de loi sur la fin de vie. Mais la dissolution de l'Assemblée nationale a stoppé son examen.

Soumis à une forte pression des députés, François Bayrou a ensuite remis l'ouvrage sur le métier, mais en scindant le projet de loi en deux, de manière à laisser la liberté aux députés de voter pour un texte mais pas pour l'autre.

Baptiste Farge avec AFP