Communes sans assurance: pourquoi Bayrou se lance dans une opération séduction avec les maires

Le Premier ministre François Bayrou à Paris le 19 mars 2025 - Ludovic MARIN © 2019 AFP
Un dossier sur le haut de la pile. Accompagné de son ministre de l'Économie Éric Lombard et de son collègue aux Collectivités territoriales François Rebsamen, François Bayrou lance ce lundi après-midi une vaste opération pour permettre aux communes de trouver une assurance.
"C'est vraiment le maire de Pau qui parle aux autres maires. C'est rare comme posture quand vous êtes Premier ministre", sourit Driss Ettazaoui, le président (Modem) de l'Association des élus de France auprès de BFMTV.com.
Dossier chaud du moment
En décidant de continuer son mandat à la tête de la ville de Pau, François Bayrou a brisé une tradition vieille de 30 ans. Aucun locataire de Matignon n'avait fait un tel choix depuis Alain Juppé en 1995.
Autant dire que le centriste n'allait donc pas se priver de s'emparer du dossier chaud du moment pour les villes avec près de 1.500 communes qui ont du mal à s'assurer, selon l'Association des maires de France.
En cause: le refus des assureurs ou des prix pratiqués jugés trop élevés comme après le passage de catastrophes naturelles. Mais sans assurance, impossible ou très compliqué pour les villes d'ouvrir leurs crèches, leurs gymnases ou encore les écoles maternelles ou primaires dont elles ont la compétence.
Des contrats annulés sans raison
À Vesoul (Haute-Saône) par exemple, le maire Horizons Alain Chrétien a eu la mauvaise surprise d'un courrier de son assurance à l'été dernier, lui proposant de continuer à l'assurer mais avec un chiffre qui a de quoi donner des sueurs froides, près de 280.869 euros. En 2024, il avait pourtant réussi à assurer sa commune pour moitié moins cher. Plus largement, sa facture a triplé en quatre ans, une gageure dans un contexte d'argent public rare.
Pire encore, d'autres communes ont parfois vu leur contrat d'assurance purement et simplement résilié, sans aucune raison comme à Palaiseau (Essonne), ville voisine de plusieurs communes touchées par les émeutes de l'été 2023 après la mort du jeune Nahel.
"Je suis très surpris car on n’a pas une poubelle qui a brûlé, on n’a pas une vitre qui a été cassée, on n’a rien eu du tout pendant les émeutes", regrette le maire, Grégoire de Lasteyrie (Horizons).
Bayrou "pas un maire comme les autres"
En cherchant un nouvel assureur, "on se rend compte qu’on n'a d'abord qu'un seul assureur qui répond, puisque la prime est multipliée par cinq et que les franchises sont multipliées finalement par 100, 200 voire 500", soupire encore l'édile.
Face à ce constat documenté dans un rapport l'an dernier, François Bayrou a décidé de monter en première ligne et de reprendre à son compte plusieurs propositions dévoilées ce lundi en fin d'après-midi.
"C'est bien qu'il parle de ça. Mais ce n'est pas un maire comme les autres. On n'a pas les mêmes problèmes quand on est chef de parti et locataire de Matignon que les petits maires", regrette Christophe Dietrich, maire LR de Laigneville (Oise).
"Sincère"
La manœuvre a pourtant l'avantage pour le chef du gouvernement de montrer que le maintien de son mandat à Pau a un certain sens et lui permet de connaître aussi leurs réalités.
"Il y a eu des Premiers ministres pour qui ce ne sont pas des sujets nobles de parler de tout ça. Attal par exemple, n'est pas resté longtemps mais ça ne l'intéresse pas. Lui, Bayrou, est sincère", explique un député Modem.
Celui qui ne rate jamais aucun conseil municipal de Pau -quitte à sécher une réunion en présentiel sur Mayotte après le passage du cyclone Chido et à lancer une vive polémique- s'est fendu d'un long courrier à tous les maires de France en février dernier, les incitant à leur faire remonter toutes les doléances sur une boîte mail.
Depuis des semaines, François Bayrou est en pleine opération séduction avec les élus. Plaidoyer pour le retour du cumul des mandats qui permet d'être maire et député à la fois, allégement des économies demandées aux collectivités par Michel Barnier quand il était à Matignon.
Contaste avec Macron
De quoi lui permettre de prendre le contre-pied d'Emmanuel Macron qui n'a jamais réussi à se rapprocher des maires depuis la fin de la taxe d'habitation, un impôt jugé injuste par le chef de l'État. Mais les communes ont perdu au passage l'une de leurs principales ressources financières et jugent que l'État n'a jamais compensé le manque à gagner.
Le travail de François Bayrou ne peut donc pas faire de mal à moins d'un an des municipales, et ce, alors que la macronie qui n'a jamais réussi à s'ancrer localement, espère pouvoir nouer des alliances avec la droite.
Mais le Premier ministre cherche également à convaincre le Sénat de sa bonne volonté. Loin d'une Assemblée nationale fragmentée, la chambre haute qui représente les collectivités a permis à plusieurs reprises au gouvernement d'avancer sur des textes comme le projet de loi simplification sur la vie économique la semaine dernière.
"Le Premier ministre veut se mettre dans les bonnes grâces des sénateurs. C'est assez évident et là, il va sur des sujets très consensuels. Évidemment que ça va plaire", juge le politologue et spécialiste des collectivités Patrick Le Lidec.
Boycott
Les mesures annoncées par le Premier ministre seront-elles suffisantes? L'inquiétude monte quant à la capacité à trouver des maires dans toutes les communes. Depuis 2020, plus de 2.000 maires ont démissionné, frôlant souvent le burn-out, parfois alimenté par des agressions.
L'association des maires de France n'est manifestement pas décidée à faire redescendre la pression sur le sujet des finances. Attendue ce mardi à Matignon pour discuter d'éventuels efforts à faire sur le budget 2026, elle a annoncé boycotter la réunion.