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Affaire Leonarda: comment se passent les expulsions de mineurs?

Une manifestation en faveur des sans-papiers, à Lyon, en 2009.

Une manifestation en faveur des sans-papiers, à Lyon, en 2009. - -

Chaque année, plusieurs dizaines d'enfants et d'adolescents sont renvoyés vers leur pays. Pourtant, les expulsions de mineurs sont interdites en France. BFMTV.com fait le point.

L'affaire Leonarda n'est pas un cas isolé. Cette jeune Kosovare, expulsée alors qu'elle était scolarisée et intégrée en France depuis plusieurs années, a mis en lumière un phénomène courant: le renvoi d'enfants dont les parents sont forcés de quitter le territoire. Mercredi, à la lumière de l'affaire Leonarda, Daniel Vaillant a d'ailleurs interpellé le gouvernement au sujet de l'expulsion d'un autre lycéen.

L'an dernier, quelque 44 mineurs ont été expulsés selon le Réseau Education sans Frontières (RESF). Parmi eux, 35 étaient scolarisés. Mais ces expulsions, qui se sont déroulées "sans accroc", sont passées inaperçues. Décryptage de la situation en France avec Me Paula Garboni, avocate, et Brigitte Wieser, membre de RESF.

> Un mineur peut-il être expulsé?

Non, car les mineurs n'ont pas besoin de titre de séjour pour rester en France. En revanche, selon un article de la Convention européenne des Droits de l'Homme, une famille ne peut pas être séparée. Donc lorsque les parents sont visés par une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) puis expulsés, leurs enfants mineurs le sont aussi.

> Pourquoi certaines familles sont-elles assignés à résidence?

Une fois que tous les recours judiciaires sont épuisés et sont en défaveur de l'adulte en situation irrégulière, s'il a une famille avec des enfants et qu'il a "la volonté de rentrer dans son pays", il peut être assigné à résidence, avec l'obligation de pointer régulièrement dans un commissariat, jusqu'au jour fatidique où on lui annonce son départ. Cela a été mis en place par une circulaire du 6 juillet 2012 de Manuel Valls.

S'il refuse, lui et sa famille vont en centre de rétention jusqu'au départ. Depuis l'arrivée de François Hollande au pouvoir, onze familles ont été placées en centre de rétention, selon RESF.

> Comment se passe l'expulsion?

Quand la famille est assignée à résidence, des forces de l'ordre arrivent un jour au domicile, généralement vers 6 heures du matin, et embarquent parents et enfants jusqu'à leur destination finale, par avion. C'est ce qu'il s'est passé pour la famille de Leonarda. L'adolescente n'étant pas chez elle ce matin-là, par coïncidence, les forces de l'ordre sont allées la chercher dans le bus scolaire où elle se trouvait.

Quand la famille est en centre de rétention, jusqu'à 45 jours maximum, délai au-delà duquel elle est remise en liberté, cela se passe de la même manière: elle est un jour escortée par les forces de l'ordre jusque dans l'avion.

> Les mineurs peuvent-ils être interpellés à l'école?

La loi ne précise rien. En 2005, Nicolas Sarkozy avait demandé par le biais d'une circulaire aux préfets d'éviter toute démarche dans l'enceinte de l'école ou à ses abords. Là, Leonarda n'était pas dans l'enceinte de son établissement, mais pour le ministre de l'Education Vincent Peillon, "la sortie scolaire, c'est de la scolarité." Le ministre demande donc "qu'on sanctuarise l'école, qu'on garde nos principes de droits et nos principes d'humanité à l'avenir."

> Quels sont les recours des familles "expulsables"?

Lorsqu'un adulte est visé par une obligation de quitter le territoire, il existe deux cas:

- Soit celle-ci est sans délai. La personne est immédiatement conduite en centre de rétention, et n'a que 48 heures pour contester l'expulsion devant un tribunal administratif. Cela arrive en cas de contrôle inopiné des papiers par exemple. Dans ce cas, s'il a une famille et des enfants, généralement, la famille reste et l'adulte est expulsé, selon RESF.

- Soit celle-ci est avec délai. La personne a alors un mois pour quitter le territoire et/ou pour saisir le tribunal administratif, mais reste libre de ses mouvements. Dès lors qu'elle saisit le tribunal administratif, elle a un sursis de plusieurs mois, jusqu'à ce que le tribunal rende sa décision.

Alexandra Gonzalez