Retraites, dépendance, audiovisuel... les dossiers chauds qui attendent Macron en 2020

Le président Emmanuel Macron et le Premier ministre Édouard Philippe - Ludovic MARIN / POOL / AFP
C'est un moment qu'il ne pourra esquiver. Le 31 décembre à 20 heures, Emmanuel Macron adressera ses vœux aux Français pour l'année 2020, dernière d'une décennie heurtée et anxiogène. Il consacrera sans nul doute une partie de son allocution à la réforme des retraites, qui s'enkyste dans des négociations à rallonge et aura généré la plus longue grève des transports depuis celle des cheminots en 1986.
Dans une logique beaucoup plus conforme à l'esprit de notre Constitution que celle qu'il a pris pour habitude d'appliquer, le chef de l'État laisse pour l'instant son Premier ministre gérer le dossier. Du moins Édouard Philippe endosse-t-il depuis bientôt un mois, aux yeux de l'opinion, le rôle de l'inflexible maître d'œuvre d'une réforme qui devrait occuper l'exécutif et le Parlement pendant plusieurs mois.
La réforme des retraites omniprésente
Si le bras de fer entre syndicats et gouvernement se poursuit, le calendrier n'a pas encore bougé. Une nouvelle réunion avec les partenaires sociaux, à laquelle participeront les ministres du Travail et de la Santé, Muriel Pénicaud et Agnès Buzyn, ainsi que les secrétaires d'État Laurent Pietraszewski et Olivier Dussopt, est prévue le 7 janvier. Agacé, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez a affirmé ne pas y avoir été convié.
Deux semaines plus tard, le 22 janvier, un projet de loi est censé être présenté en Conseil des ministres. L'objectif étant d'entamer en février des discussions parlementaires, d'abord à l'Assemblée nationale où le texte devrait faire l'objet d'un nombre important d'amendements, puis au Sénat où la droite est majoritaire et peu encline à faire des concessions.
Quoi qu'il en soit, Emmanuel Macron a lui-même fait du passage à un système de retraite à points l'élément phare de sa seconde partie de quinquennat. Celui qui, en cas d'échec, pourrait obérer ses chances d'être réélu. D'où la place que ce dossier devrait occuper en 2020, d'autant plus que les oppositions de gauche, du Parti socialiste à La France insoumise, se refont une santé en dénonçant la mise en place d'un âge "pivot" à 64 ans, censé permettre le rééquilibrage financier de notre système de retraites.
La dépendance repoussée
C'est l'une des "victimes" du projet de réforme des retraites. Dans les cartons depuis près de deux ans, la future loi Autonomie et Grand âge ne devrait pas être présentée par Agnès Buzyn en Conseil des ministres avant les élections municipales de mars prochain. L'AD-PA, qui regroupe des directeurs d'Ehpad et de services à domicile, a d'ores et déjà fustigé l'État qui "une fois de plus, ne tient pas sa parole".
Mi-2018, Emmanuel Macron lui-même avait promis qu'une loi "pour répondre au nouveau risque de la dépendance" serait "votée avant la fin de l'année" 2019. Soignants, aides à domicile et résidents de maisons de retraite s'étaient mobilisés en octobre dans toute la France pour réclamer davantage de moyens pour le secteur des personnes âgées, marqué selon eux par une "grande souffrance".
L'intersyndicale des Services d'aide aux personnes âgées (Sapa) et l'AD-PA réclament la création "en urgence" de 40.000 postes dans le secteur, "au moins deux postes par établissement et service de soins à domicile". Plus de 600.000 personnes vivent dans l'un des 7500 Ehpad, soit environ 20% des plus de 85 ans. Le nombre de seniors en perte d'autonomie, qui était de 2,5 millions en 2015, pourrait atteindre 4 millions en 2050, selon l'Insee.
L'économie circulaire amputée
Également pollué par le dossier des retraites, le projet de loi sur l'économie circulaire porté par Brune Poirson devrait être adopté en dernière lecture à l'Assemblée nationale en janvier. Il renforce la responsabilité élargie du producteur (REP), qui procède du principe pollueur-payeur et qui s'appliquera à de nouvelles catégories de producteurs.
L’une des mesures les plus importantes du texte sera la création d’un bonus-malus, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les voitures. Un produit fera ainsi l’objet d’un bonus ou d’un malus selon qu’il répond ou non à des critères de performance environnementale. En revanche, la mise en place d'un système de consigne pour les bouteilles en plastique a suscité une fronde des élus locaux.
Au Sénat, l'article introduisant le dispositif a été supprimé en septembre. À l'Assemblée nationale, un cafouillage l'a empêché d'être adopté en commission le 28 novembre. Le gouvernement a été contraint de le réintroduire via un amendement qui prévoit un dispositif sensiblement différent du texte initial. Comme le rappelle Actu environnement, l'amendement fixe d'abord une trajectoire de collecte pour recyclage des bouteilles plastique pour boisson: la collecte séparée doit atteindre 77% des bouteilles vendues en 2025, puis 90% en 2029. Un sujet sensible, dans la mesure où Emmanuel Macron entend capter une partie de l'électorat écologiste d'ici l'élection présidentielle de 2022.
Le lourd chantier de l'audiovisuel public
Très ambitieuse, la réforme de l'audiovisuel public, dont le cadre réglementaire date de 1986, va entamer sa phase parlementaire en février 2020. Le ministre de la Culture Franck Riester a présenté son texte au gouvernement le 5 décembre, le jour de la première grande mobilisation syndicale contre la réforme des retraites.
Le projet de loi est accompagné de deux décrets, l'un visant à assouplir les règles relatives à la publicité segmentée, l'autre touchant à la diffusion du cinéma à la télévision. Certaines chaînes pourraient se voir interdire de diffuser des films certains soirs de la semaine. Les deux décrets devraient être appliqués à partir de début mars, l'objectif affiché par le gouvernement étant de réaffirmer la souveraineté culturelle de la France à l'ère numérique.
Le projet de loi contient d'autres sujets brûlants, qui devraient susciter d'âpres débats parlementaires: la suppression du signal hertzien de France 4 et France Ô, la fusion de France Télévisions et Radio France, l'obligation de financement de la création française par les plateformes internationales de vidéo à la demande, et le renforcement de certains pouvoirs du CSA.
Des élections municipales enjambées?
Il ne s'agit pas d'un projet gouvernemental, mais d'un test électoral que le gouvernement aimerait enjamber. Le scrutin des municipales, prévu les 15 et 22 mars, ne devrait pas se traduire par une quelconque vague jaune submergeant les deux grands partis d'élus locaux que sont Les Républicains et le Parti socialiste.
Faute de troupes suffisantes, La République en marche fait l'impasse sur de nombreuses communes. Dans d'autres, le parti présidentiel soutiendra des maires sortants de droite et de gauche dans l'espoir de faire élire des conseillers municipaux, nerfs de la guerre des sénatoriales de l'automne suivant.
Ce sera néanmoins un rendez-vous attendu, dans la mesure où Emmanuel Macron - qui de l'avis de son entourage s'intéresse assez peu à ces élections - aura besoin d'y remporter des victoires symboliques. Notamment à Paris, où le candidat officiel de LaREM, Benjamin Griveaux, est confronté à la candidature dissidente (et de plus en plus encombrante) de Cédric Villani. Une défaite dans la capitale face à une Anne Hidalgo affaiblie s'avérerait cuisante pour le pouvoir. À Lyon, LaREM est dans une situation toute aussi emberlificotée.
Interrogé récemment sur la réforme des retraites et son calendrier, un député marcheur répondait malicieusement à BFMTV.com: "Si vous voulez mon avis, faire passer la réforme juste avant les municipales, c'est acter que ce sera une boucherie pour LaREM..."