Les Français appelés à "trancher": comment Emmanuel Macron pourrait leur donner la parole

Le président français Emmanuel Macron assiste à une cérémonie de commémoration du 80e anniversaire de la libération de la ville portuaire du Havre pendant la Seconde Guerre mondiale, le 12 septembre 2024. Photo d'illustration - Benoit Tessier / POOL / AFP
Emmanuel Macron entend redonner la parole aux Français. Dans son allocution traditionnelle le soir de la Saint-Sylvestre, le président de la République a annoncé qu'il demanderait lors de l'année qui s'ouvre aux Français de "trancher" certains "sujets déterminants" pour préparer l'avenir.
Derrière ces mots se cachent "un référendum ou des conventions citoyennes, c'est ouvert", a indiqué l'entourage d'Emmanuel Macron à BFMTV. La possibilité de consulter les Français via un référendum a été maintes fois évoquée par Emmanuel Macron mais jamais mise en pratique depuis son arrivée à l'Élysée en 2017.
Les sujets de référendum très encadrés
"Il faut être extrêmement prudent parce qu'Emmanuel Macron a promis des référendums à peu près tous les ans depuis 2017", souligne sur BFMTV Benjamin Morel, politologue et maître de conférences en droit public à Paris II Panthéon-Assas.
En 2020, le président de la République avait notamment promis de "soumettre au référendum" l'inscription de la "lutte pour le climat". Il avait également ouvert la porte à une consultation des Français sur le thème des institutions, des retraites ou de l'immigration.
La consultation des Français par référendum est toutefois strictement encadrée par la Constitution. L'article 11 de la Constitution permet au président, à l'initiative du gouvernement ou du Parlement, de soumettre des textes portant sur l’organisation des pouvoirs publics, la ratification d'un traité international ainsi que la politique économique, sociale ou environnementale. Des critères qui excluent a priori toute question sur l'immigration ou encore la fin de vie.
Mais Emmanuel Macron s'est déjà dit favorable à l'ouverture du champ du référendum. Pour cela, il faudrait modifier la Constitution en lançant un référendum constituant suivant l'article 89 de cette loi fondamentale.
Dans tous les cas, le président de la République ne peut pas décider seul d'un référendum et doit obtenir l'aval du Parlement ou du gouvernement. Une condition qui pourrait compliquer la tâche à Emmanuel Macron, dépourvu de majorité à l'Assemblée nationale.
"On peut imaginer quelque chose sur le mode de scrutin", avance le politologue Benjamin Morel, comme l'instauration du scrutin à la proportionnelle aux législatives, notamment défendu par le nouveau Premier ministre, François Bayrou. "On peut imaginer des grandes réformes des services publics..."
Aucun référendum depuis 2005
Aucun référendum n'a été organisé en France au niveau national depuis 20 ans - alors qu'il y en avait eu jusque-là neuf sous la 5e République née en 1958. Et pour cause: le dernier, celui de 2005 sur un projet de Constitution européenne, s'est soldé par une victoire du "non" qui a marqué la classe dirigeante.
Si Emmanuel Macron ressort cette carte, c'est qu'il n'a plus beaucoup d'atouts en poche. Depuis qu'il a dissous l'Assemblée, et perdu les législatives dans la foulée, il est privé d'une grande part de son pouvoir et cherche une manière de reprendre la main, selon de nombreux macronistes.
Mais la tendance de plus en plus "plébiscitaire" du référendum serait un "danger" pour Emmanuel Macron, relève Benjamin Morel. "L'opposition en ferait immédiatement un plébiscite pour ou contre lui", prédit-il, et sa popularité étant au plus bas, le risque de défaite serait élevé.
Le précédent de 1969, quand le général de Gaulle démissionna après avoir essuyé un "non" référendaire, planerait alors sur le chef de l'Etat. "Si on devait avoir un référendum raté aujourd'hui, ça augmenterait les appels à la démission d'Emmanuel Macron. Et donc ce serait un outil d'instabilité", affirme le constitutionnaliste.
Vers une nouvelle convention citoyenne?
Après la Convention citoyenne sur le climat en 2019 et celle sur la fin de vie en 2022, Emmanuel Macron pourrait aussi décider de convoquer une nouvelle assemblée de citoyens. L'idée de la Convention citoyenne est née après le "grand débat national" en réponse au mouvement des "Gilets jaunes".
Pour cette initiative, plusieurs dizaines de personnes sont tirées au sort afin d'échanger et de formuler des propositions sur une thématique particulière.
Lors de la première Convention citoyenne visant à "réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40% d'ici à 2030", 149 propositions avaient été faites. Si certaines ont été reprises dans le projet de loi "climat et résilience", les préconisations les plus radicales ont été évincées. Une convention citoyenne est moins engageante qu'un référendum pour le président de la République: rien ne l'oblige à reprendre les propositions qui en découlent.
La deuxième convention citoyenne sur la fin de vie a été pilotée par le Conseil économique, social et environnemental (Cese). Le travail des 200 Français tirés au sort a débouché sur un projet de loi dont l'examen a été suspendu depuis la dissolution de l'Assemblée nationale.
Le 26 avril dernier, Emmanuel Macron, avait annoncé lors de sa rencontre avec la convention citoyenne sur la fin de vie, qu'une troisième convention citoyenne aura lieu avant la fin de son second quinquennat. Le sujet devait être arrêté par le Conseil économique, social et environnemental avant la fin de l'année.
Pas de dissolution en 2025?
Enfin, Emmanuel Macron pourrait également décider de dissoudre une nouvelle fois l'Assemblée nationale pour demander aux Français de "trancher", comme il l'a fait en juin dernier. Toutefois, rien ne laisse présager, à ce stade, d'une telle option.
Le mardi 10 décembre, le chef de l'État avait réuni les chefs de parti politiques, à l'exception du Rassemblement national et de la France insoumise. Affirmant qu'il respectait tous les électeurs, le président de la République avait souligné "sa volonté de ne pas redissoudre l'Assemblée nationale jusqu'en 2027", avait indiqué son entourage à BFMTV.
Lors de ses vœux pour l'année 2025, le président a déclaré que la dissolution de l'Assemblée nationale avait apporté "davantage de divisions que de solutions" pour les Français.