Hollande inaugure le musée que Sarkozy ne voulait pas inaugurer

Un visiteur de l'exposition "Bande dessinée et immigration" au musée national de l'immigration en octobre 2013. - Pierre Andrieu - AFP
C'est un musée national qui a ouvert ses portes en octobre 2007 que François Hollande va inaugurer lundi. S'il aura fallu attendre sept ans pour que le musée national de l’histoire de l’immigration soit enfin reconnu officiellement, c'est qu'il touche à un sujet hautement sensible. Retour sur son histoire tumultueuse.
> Un projet porté par Chirac
Installé dans le Palais de la Porte Dorée, construit à l'occasion de l'exposition coloniale de 1931, le musée de l'immigration a en effet connu une histoire agitée. Sa création avait été envisagée dès les années 1990 pour souligner les apports des migrants à la société française, et portée par Lionel Jospin puis Jacques Chirac après l'électrochoc du 21 avril 2002.
Mais la "Cité nationale de l'Histoire de l'immigration" n'avait finalement ouvert qu'après l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence, en pleine polémique autour d'un projet de loi sur la maîtrise de l'immigration.
> Besson avait dû renoncer à l'inaugurer
Enlisé dans la polémique sur les tests ADN (pour les candidats au regroupement familial), l'ancien chef de l'État Nicolas Sarkozy avait refusé, en 2007, d'inaugurer ce musée officiellement dénommé Cité nationale de l'histoire de l'immigration (CNHI). Dès son arrivée à l'Elysée, huit chercheurs avaient démissionné du comité d'histoire de la CNHI pour protester contre la création du ministère dont l'intitulé associait "immigration" et "identité nationale". Nicolas Sarkozy avait finalement envoyé au front en 2009 son ministre de l'Immigration, Eric Besson, qui avait dû renoncer à inaugurer le musée car trop chahuté par des manifestants.
En 2010, l'occupation par des centaines de sans-papiers avait achevé de brouiller l'image de ce lieu. Le gouvernement, qui voulait éviter des images télévisées d'expulsions par des CRS, avait mis quatre mois à régler le problème. Le musée sera même fermé un temps, par décision préfectorale.
> Souligner l'aspect positif de l'immigration
A la rentrée dernière, l’historien Benjamin Stora, spécialiste de l’immigration maghrébine en Europe a été adoubé à la tête de l'institution en remplacement de Jacques Toubon. Et Mercedes Erra, présidente exécutive d'Euro RSCG Worldwide, a pris la tête du conseil d'administration. Ils ont commencé par lancer une nouvelle campagne de communication, "L'immigration, ça fait toujours des histoires", qui résumait le tournant pris par le Palais de la porte dorée d'axer la muséographie autant sur la petite histoire que la grande. Et quel est l'objectif da la CNHI? "C'est de montrer en quoi les immigrations ont contribué à construire la France" que ce soit sur le plan économique, social ou culturel, explique Benjamin Stora.
> Hollande attendu à gauche
Et c'est d'ailleurs ce que devrait souligner François Hollande dans son discours. L'idée n'est pas de faire des annonces, avertit-on à l'Elysée, mais d'affirmer "le symbole" d'un président venant souligner l'aspect positif de l'immigration. "En parlant de l'immigration, on parle de notre pays", explique-t-on dans l'entourage de François Hollande, en relevant que la France est une terre d'immigration "continue, liée au travail et à l'Histoire".
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François Hollande s'était déjà montré intéressé par le lieu, puisqu'il était venu en 2011 quand il était candidat à la présidentielle. Désormais à l'Elysée, sa tâche sera néanmoins ardue. Pour certaines associations , cette intervention est en effet tardive. "On attendait un grand discours à la nation au lendemain de l'élection, un peu comme Obama l'avait fait, sur la fierté d'être français", déplore Alain Jakubowicz, le président de la Licra, qui s'inquiète d'une ambiance "déliquescente" dans le pays. A l'Elysée, on souligne que le président réfléchit à une telle prise de parole depuis 2012 et qu'il "a tissé un fil pendant deux ans" sur le sujet, lors de ses discours, par exemple à la Grande mosquée de Paris.