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Présidentielle: comment Éric Zemmour s'inspire de la stratégie de Donald Trump

Donald Trump et Eric Zemmour.

Donald Trump et Eric Zemmour. - AFP

La campagne du candidat partage bien des similitudes avec celle de Donald Trump en 2016, à commencer par le goût des deux hommes pour la provocation. Mais là où l'Américain était parvenu à convaincre les femmes et les ouvriers de voter en sa faveur, l'ancien journaliste est à la peine pour séduire ces électorats.

Parler principalement d'immigration, tenir des propos sexistes, pointer du doigt le système médiatique... Depuis ses premiers pas en politique, Éric Zemmour semble s'inspirer de la stratégie de l'ancien président américain Donald Trump. Si les similitudes sont très nettes entre les deux hommes, le patron de Reconquête sait aussi s'en éloigner.

Alors que Donald Trump et Eric Zemmour ont échangé une quarantaine de minutes par téléphone ce lundi, l'ancien locataire de la Maison-Blanche lui a prodigué des conseils.

"Pour gagner, ne changez jamais votre ligne. Ne cédez pas", a -t-il lancé en guise de recommandation à l'ancien éditorialiste politique. Le message est reçu 5 sur 5 et depuis le mois de septembre, l'équipe du candidat s'appuie sur la rhétorique de l'ex-président des Etats-Unis.

Un modèle

"Il voit en lui un modèle dans le sens où il est le seul président occidental à avoir réussi à gagner sur le populisme. Son positionnement est le même, son message est le même", décrypte auprès de BFMTV.com la journaliste Laëtitia Krupa, auteure de La tentation du clown, dans lequel elle théorise l'émergence d'un candidat hors-système à quelques mois du premier tour.

Pour la première de couverture de son ouvrage La France n'a pas dit son dernier mot, pensé comme une rampe de lancement vers l'Élysée, Eric Zemmour semble s'être largement inspiré de l'ancien président des Etats-Unis. En effet, sur la couverture de Great Again, sorti en 2016, Donald Trump pose devant un drapeau américain qui flotte au vent. Cinq ans plus tard, le polémiste français adopte une pose étrangement ressemblante, drapeau tricolore derrière lui.

Mais ce sont principalement les outrances verbales d'Eric Zemmour, condamné à plusieurs reprises pour appel à la haine raciale, qui mettent les pas du Français dans ceux de l'Américain en cherchant à cliver la société et en s'assurant un certain succès médiatique.

"D'une certaine façon, le slogan de leurs campagnes, c'était ou c'est 'votez pour moi ou sinon, vous aurez la fin de la civilisation'", fait valoir à BFMTV.com l'historien spécialiste des Etats-Unis François Durpaire.

"Pas de filtre"

Quand le candidat à la présidence américaine estimait en 2016 que les migrants mexicains étaient des "violeurs" et des "criminels", l'ancien journaliste vise les mineurs étrangers, les qualifiant en 2020 de "voleurs, d’assassins et de violeurs" (il a été condamné en première instance pour ses propos et a fait appel, NDLR).

"Donald Trump a un défaut qui est aussi une qualité pour ses supporters, c’est qu’il n’a pas de filtre. Éric Zemmour en a sans doute plus. Mais il a cette même capacité à occuper l’espace avec des propos provocants. A chaque fois qu'il profère une énormité – comme sur Pétain et les juifs – le champ politique gravite autour de lui", souligne auprès de Public Sénat Grégory Philipps, ancien correspondant aux Etats-Unis pendant la présidence Trump.

Revisiter les faits et l'Histoire

Les meetings du Français permettent également de tracer un parallèle entre Washington et Paris. Son premier grand raout de campagne, à Villepinte, a été émaillé de violences, notamment orchestrées par les Zouaves Paris, un groupuscule issu du GUD et depuis dissous par le ministère de l'Intérieur. "Dans les meetings de Donald Trump, on retrouvait aussi la présence de groupes organisés comme les Proud boys, (une organisation américaine néofasciste, NDLR)", remarque encore Grégory Philipps.

Enfin, la remise en cause du discours médiatique est une constante chez les deux hommes.

"Donald Trump a théorisé l'alternative fact. C'est notamment ça qui lui a permis de gagner et qui mine aujourd'hui la démocratie américaine. Éric Zemmour n'en est pas là mais en utilisant une vision revisitée de l'histoire, en la poussant dans les médias, il alimente la méfiance vis-à-vis des journalistes", juge encore Laëtitia Krupa.

"Antisystème de façade"

Jusqu'à viser un journaliste avec une arme - non chargée - et à ce que certains sympathisants scandent "Tout le monde déteste Quotidien", l'émission de RMC, au meeting de Villepinte. Outre-Atlantique, le journaliste de CNN Jim Acosta ne pouvait plus se rendre dans les meetings de Donald Trump sans protection après avoir été ciblé nommément par le candidat

"Montrer du doigt les journalistes permet de vous montrer comme un candidat loin du 'système'. Mais en réalité, ni l'un ni l'autre n'ont jamais remis en cause le capitalisme. Ce sont donc des antisystèmes de façade qui s'appuient sur la défiance à l'encontre de l'élite médiatique progressiste pour donner cette impression", souligne encore François Durpaire.

Mais entre la stratégie politique de l'Américain et celle du Français, il existe aussi des différences, notamment liées au contexte français. "L'équipe d'Éric Zemmour se disait en début de campagne 'on va faire du Trump mais de façon intellectuelle'. Ils ont intégré d'une certaine façon que l'histoire politique, le régime, le mode de scrutin n'ont rien à voir entre la France et les Etats-Unis", souligne ainsi Laëtitia Krupa.

Zemmour peine à convaincre les classes populaires

Eric Zemmour reste également à la peine pour convaincre les classes populaires. Seul un ouvrier sur 10 a l'intention de vote en faveur du candidat selon le baromètre OpinionWay-Kéa Partners pour Les Echos là où Donald Trump avait réussi à très largement séduire les cols bleus, comme l'explique le New York Times.

Le candidat est également en difficulté avec le vote féminin, contrairement à l'ancien locataire de la Maison-Blanche qui avait récolté 42% des voix chez les électrices femmes, comme le rapporte MSNBC.

"Il est de tous les candidats celui qui connaît la plus forte désaffection du vote des femmes", souligne d'ailleurs une étude de la Fondation Jean Jaurès publiée fin octobre.

"Il affiche un écart de 6 points entre les hommes et les femmes dans les intentions de vote. L'écart montant même à 13 points entre les femmes de moins de trente-cinq ans (8%) et les hommes de plus de soixante ans (21%)", explique le think tank marqué à gauche.

Éric Zemmour récolte 14,5% des intentions de vote dans le dernier sondage Elabe pour BFMTV et L'Express en partenariat avec SFR.

Marie-Pierre Bourgeois