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Terrorisme

Propagande jihadiste: peut-on bloquer les vidéos diffusées en ligne?

Il est encore très aisé, en quelques clics, d'accéder à la propagande de Daesh en ligne. (Illustration)

Il est encore très aisé, en quelques clics, d'accéder à la propagande de Daesh en ligne. (Illustration) - BFMTV

Qu'elles incitent à commettre des attentats sur son sol ou à rejoindre les troupes de Daesh, les vidéos jihadistes sont dans le collimateur de la France. Les autorités luttent contre l'endoctrinement islamiste, dont Internet et les réseaux sociaux constituent le vecteur privilégié. Une hydre contre laquelle les spécialistes prédisent un combat difficile.

Après une attaque à l'arme blanche samedi dans un commissariat de Joué-les-Tours, la question de la radicalisation des jihadistes interroge à nouveau cruellement la société française. Ces actes s'apparentent à ce que d'aucuns nomment déjà un "terrorisme de proximité". Est-ce un hasard du calendrier? La veille de l'agression, vendredi dernier, une vidéo de Daesh diffusée sur YouTube appelait à frapper la France. 

Or, des études le montrent, 90% des jihadistes français se sont radicalisés seuls, sur Internet et sur les réseaux sociaux. Ainsi le tristement célèbre Maxime Hauchard. Dounia Bouzar, anthropologue du fait religieux et auteure de plusieurs ouvrages consacrés à la radicalisation, pointe parmi ces "prédateurs" la présence "d'éminents psychologues", capables "d'accrocher des jeunes très différents".

Traiter la propagande sur Internet comme un acte terroriste

Avec la loi de lutte contre le terrorisme du 13 novembre 2014, le gouvernement a pris des dispositions pour renforcer les sanctions contre l'apologie du terrorisme et la provocation à des actes de terrorisme, durcissant notamment les sanctions existantes et créant de nouvelles infractions.

Un couple interpellé dans l'Ain le 27 novembre dernier, pour avoir notamment vendu des drapeaux de l'Etat islamique, a bien malgré lui étrenné l'article 5 de cette loi qui dispose d'une peine aggravée lorsque la provocation ou l'apologie du terrorisme est commise en ligne, la sanction pouvant aller jusqu'à sept ans d'emprisonnement.

Des blocages de sites à venir

Si cette loi dite antiterroriste est entrée en vigueur pour le volet "instituant de nouvelles infractions", elle ne l'est pas encore pour tout ce qui relève du volet "du blocage des contenus" comme les vidéos sur Internet, explique Jean-Charles Brisard, spécialiste du terrorisme. "Le décret d'application qui doit être publié en février 2015 est soumis à Bruxelles", explique-t-il.

Mais à quoi ressemblent ces nouvelles dispositions visant à bloquer les contenus? Elles sont décrites sur le site du ministère de l'Intérieur. Il s'agira notamment de "la possibilité, pour l'autorité administrative, de demander aux fournisseurs d'accès à Internet de bloquer l'accès aux sites faisant l'apologie du terrorisme ou y provoquant". Deuxième disposition, la loi "facilite la recherche par l'autorité judiciaire de données dans les serveurs situés à l'étranger (…) notamment le cloud", en français le "nuage", pour désigner les stockages distants.

Des plateformes de propagandes souvent insaisissables

Pouvoir de blocage et pouvoir d'investigation renforcés donc, y compris à l'étranger. Mais si ces dispositions, pour beaucoup de spécialistes, vont dans le bon sens, leur efficacité est loin d'être garantie. Jean-Charles Brisard fait ainsi remarquer que "les terroristes auront souvent une longueur d'avance". "On le voit déjà, ils quittent les plateformes des réseaux sociaux connus pour aller vers d'autres, des plateformes régionales par exemple". Quant à compter sur une régulation effectuée par ces réseaux sociaux eux-mêmes, ceux-ci révèlent à demi-mot leur impuissance à faire face au flot d'images déversées par Daesh.

Pour Nathalie Goulet, sénatrice UDI de l'Orne à l'initiative de la commission d'enquête parlementaire pour la lutte contre les réseaux jihadistes en France, "une constante est la méconnaissance de l'islam" chez ceux qui se laissent entraîner vers des dérives jihadistes. Selon cette parlementaire il est primordial d'établir "avec les associations et les autorités musulmanes, un contre-discours efficace" expliquant ce qu'est réellement l'islam.

David Namias et Antoine Heulard