"Jawad a ouvert la porte aux terroristes": les habitants du 48 crient leur colère

Jawad Bendaoud - BFMTV
Ils se considèrent comme les "oubliés" des attentats. De nombreux locataires et propriétaires du 48, rue de la République à Saint-Denis, sont présents en ce premier jour du procès de Jawad Bendaoud, Mohamed Soumah et Youssef Aït Boulahcen. C’est à cette adresse, dans cet immeuble, que le Raid est intervenu le 18 novembre 2015 pour déloger deux terroristes, dont Abdelhamid Abaaoud, le coordinateur présumé des attaques de Paris, qui s’étaient réfugiés dans un des appartements. Jawad Bendaoud est jugé pour avoir loué ce logement.
"Un sursaut de vérité"
"J’habitais juste en face, témoigne ce père de famille. Je suis venu pour écouter ce qu’il a à dire car ma famille et moi avons vécu un drame énorme, j’ai perdu la santé, mon emploi, mon logement…" Cet homme explique alors souffrir de surdité à l’oreille gauche depuis l’assaut du Raid avant de s’effondrer en larmes tant la douleur, deux ans après, est immense. Depuis ce 18 novembre, cet homme vit dans un foyer avec sa femme et ses enfants.
La cinquantaine d’habitants se sont constitués parties civiles dans ce procès qui doit durer trois semaines. Nombreux étaient présents en ce premier jour d’audience pour se confronter à celui qu’il considère comme le responsable de leur situation. "On attend tout, on attend la vérité confirme leur avocat, Me Méhana Mouhou. On attend un sursaut de vérité, qu’il puisse regarder les victimes du 48 en face parce que si Jawad Bendaoud n’avait pas hébergé Abaaoud et son complice, ces gens-là, c’est-à-dire les locataires, les propriétaires, les étudiants qui logeaient au 48 auraient une vie tout à fait paisible." "Certains vivent dans leur voiture", s’énerve une autre habitante.
"Etre reconnu comme victime"
"C’est Jawad Bendaoud qui a amené les terroristes", s’agace Yamina. Cette femme de 67 ans a été relogée dans un studio, elle qui habitait dans son deux pièces depuis 1997. Toutes ses affaires ont été perdues, elle n’a jamais pu retourner dans l’immeuble qui a été classé en "péril immédiat". Il a fallu pour elle changer de quartier. "Rien que pour ça, ce n’est pas supportable", lance-t-elle pour expliquer la difficulté de la situation des habitants du 48.
"On demande à être reconnu comme victimes, on n’a pas demandé ça, on ne voulait pas ça", poursuit la sexagénaire qui confie ne pas avoir dormi de la nuit avant de venir au procès. "Comme, selon eux, nous ne sommes pas des victimes, nous avons reçu aucune aide psychologique", s’agace cette autre habitante.
En novembre dernier, une vingtaine de famille dont le logement a été détruit restait toujours sans solution de relogement. La préfète à l’égalité des chances de Seine-Saint-Denis s’était engagée à examiner les dossiers au cas par cas. Selon eux, une procédure d’expropriation aurait été lancée. "Jawad a ouvert la porte aux terroristes, certains ont subi un préjudice corporel, certain un préjudice moral, il faut que l’on nous reconnaisse ce préjudice", martèle Farid, propriétaire d’un appartement au 48 rue de la République. Il détaille alors ces deux années où lui et les autres habitants ont continué à recevoir les taxes foncières, les taxes d’habitation, à payer un loyer en plus d’un crédit.