Sarkozy, Lavrilleux, Millot... qui sont les 14 personnes jugées dans l'affaire Bygmalion?

La société Bygmalion est au coeur du système de fraude mis en place à l'UMP et par les équipes de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012. - Joel Saget
Ils seront 14 sur le banc des prévenus ce jeudi mais l'un d'entre eux fera l'objet de toutes les attentions. Nicolas Sarkozy revient devant le tribunal correctionnel de Paris, quelques mois après sa condamnation à un an de prison ferme pour corruption et trafic d'influence. Cette fois-ci, ce sera son avocat historique, son ami, son "frère", Me Thierry Herzog qui défendra ses intérêts. Condamné lui-aussi dans le dossier Bismuth, l'avocat a fait appel et pourra donc assurer la défense de l'ancien président de la République.
Nicolas Sarkozy s'est déjà lancé dans cette nouvelle bataille judiciaire. L'ancien chef de l'Etat est jugé pour "financement illégal" de sa campagne présidentielle de 2012 marquée par deux systèmes de fraude visant à masquer des dépenses faramineuses, notamment pour les meetings, faisant exploser les comptes de campagne. Il s'agit de l'affaire Bygmalion. La justice considère qu'il a "bénéficié" des fraudes sans que l'enquête montre qu'il les a "ordonnées". Toutefois, elle lui reproche d'avoir pris des décisions et des orientations pendant la campagne qui ont conduit à ces "dérapages financiers".
"C'est bien le candidat et son équipe restreinte qui ont fait le choix d'axer la campagne sur des meetings spectaculaires et dispendieux (...), note le juge d'instruction Serge Tournaire dans son ordonnance de renvoi. Il a été très rapidement alerté sur les risques financiers majeurs que faisait courir cette stratégie."
Deux systèmes de fraude
"Je suis donc renvoyé par la seule volonté de M. Tournaire pour avoir dépassé le plafond autorisé de ma campagne de 2012. Il s’agit de cette qualification, et de cette qualification seulement", a déjà rétorqué Nicolas Sarkozy dans les médias au début du mois de mars. L'ancien chef de l'Etat tient bien démontrer qu'il est renvoyé devant un tribunal sur la seule volonté d'un juge, qu'il a contestée jusque devant la Cour de cassation qui l'a débouté de sa demande. Il compte bien également ne pas se voir reprocher ces deux fraudes mises en place par ses équipes pour permettre de faire valider les comptes de campagne du candidat qui ont pourtant largement dépassé le plafond autorisé.
"Aucun élément de ne permettait d'impliquer (...) Nicolas Sarkozy dans la mise en oeuvre de ce système de fausse facturation", lui accorde d'ailleurs le juge d'instruction dans son ordonnance de renvoi.
Cette fraude, à savoir un système de fausse facturation doublé de l'omission de certaines dépenses, a été permise, selon le juge, par des décisions prises par Fabienne Liadzé, la directrice des ressources de l'UMP à l'époque, Philippe Briand et Philippe Blanchetier, membres de l'association de financement de la campagne, Pierre Godet et Marc Leblanc, les experts-comptables en charge de s'assurer de la régularité du budget. "Ils ont pris une série de mesures annonciatrices des fraudes à venir, qui ont été validées par Guillaume Lambert (directeur de la campagne de Nicolas Sarkozy, NDLR) à l'occasion des réunions de suivi budgétaire auxquelles participaient l'ensemble de ces personnes", estime le juge d'instruction qui a ordonné leur renvoi devant un tribunal.
Il est reproché au directeur de la campagne de ne pas avoir mis en place "une procédure préalable de validation des prix et des devis des événements, ce qui l'aurait contraint à assumer personnellement les dérapages".
Des membres de l'UMP mis en cause
Au total, la justice soupçonne les prévenus, à la fois des membres de l'UMP et de l'équipe de campagne de Nicolas Sarkozy, d'avoir fait disparaître des comptes de campagne près de 16 millions d'euros grâce à un système de fausses factures. Afin de masquer des frais de meetings trop onéreux, les factures n'étaient pas adressées à l'association en charge du financement de la campagne de Nicolas Sarkozy mais à l'UMP directement soit en facturant des événements fictifs, soit en surfacturant d'autres prestations. A cela s'ajoutent un peu moins de 4 millions d'euros qui n'ont pas été déclarés, selon l'accusation, dans les comptes de campagne par les experts-comptables, les membres de l'UMP et ceux de l'équipe de campagne de Nicolas Sarkozy.
A l'exception de Jérôme Lavrilleux, directeur de cabinet de Jean-François Copé alors patron de l'UMP et directeur adjoint de la campagne de Nicolas Sarkozy qui affirme avoir été mis au courant de cette fraude en mai 2012, tous assurent avoir découvert les faits lors de la procédure judiciaire. Impossible pour le juge. La mise en place de ce système de fausses factures, pour assumer les dépenses liées aux meetings de campagne, résulte de la signature d'"engagement de dépense". Des signatures réalisées par la directrice des ressources Fabienne Liadzé mais aussi par le directeur général des services de l'UMP Eric Cesari, par le directeur adjoint du cabinet Pierre Chassat et par Jérôme Lavrilleux.
Les dirigeants de Bygmalion jugés également
Tout ceci n'aurait toutefois pu être possible qu'avec la complicité des dirigeants de la société Bygmalion et de sa filiale Event en charge de l'organisation des meetings de la camapgne de Nicolas Sarkozy. Guy Alvès, le fondateur de Bygmalion, Franck Attal, le directeur général adjoint d'Event et Sébastien Borivent, directeur général adjoint de Bygmalion et directeur général d'Event, reconnaissent avoir participé à cette fraude ou en avoir eu connaissance. Ils ont affirmé au magistrat avoir été mis devant le fait accompli et disent avoir accepté ce système de fausses factures pour sauver financièrement leur société.
Tous les trois mettent en cause Bastien Millot, autre patron de Bygmalion, et proche de Jean-François Copé, qui lui a toujours assuré ne pas avoir été au courant. L'accusation doute de sa sincérité comme elle doute des arguments avancés par les trois premiers protagonistes. "Cette fraude n'a pas été mise en oeuvre à la fin de la campagne, une fois toutes les prestations réalisées, mais à un moment où une dizaine de meetings seulement avait été organisée", rappelle-t-on dans l'ordonnance de renvoi.
Pour faux, usage de faux, escroquerie, abus de confiance et recel d'abus de confiance, les prévenus encourent entre trois et cinq ans de prison, ainsi que des amendes allant de 45.000 à 375.000 euros. Les faits reprochés à Nicolas Sarkozy sont punis d'un an d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende.