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Affaire des écoutes: Sarkozy condamné à 3 ans de prison dont un an ferme pour corruption

Nicolas Sarkozy a été déclaré coupable lundi à Paris de corruption et de trafic d'influence dans l'affaire dite des "écoutes", qui avait éclaté en 2014, deux ans après son départ de l'Elysée.

"Merci à la salle de ne pas réagir", avait prévenu la présidente de la 32e chambre correctionnelle du tribunal de Paris. Pendant 45 minutes, Christine Mée a énuméré les charges qui pèsent sur les trois prévenus, assis l'un à côté de l'autre, avant de prononcer leurs peines. L'ancien chef de l'Etat Nicolas Sarkozy a été reconnu coupable de corruption et trafic d'influence dans l'affaire dites des écoutes.

L'ex-président a écopé de trois ans de prison, dont un an ferme. Les faits commis sont d'une "particulière gravité ayant été commis par un ancien président de la République". "Il s'est servi de son statut et de ses relations politiques et diplomatiques pour gratifier un magistrat ayant servi ses intérêts personnels', a fait valoir la présidente du tribunal correctionnel, face à un Nicolas Sarkozy sans réaction, épaules basses, qui a quitté la salle sans faire de déclaration. Cette condamnation à de la prison ferme est une première sous la Ve République.

"Atteinte à la confiance publique"

Pour la justice, le "pacte de corruption" conclu et caractérisé par les écoutes téléphoniques entre Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog sur des lignes téléphoniques secrètes, "exige" selon la présidente "une réponse pénale ferme". L'avocat Thierry Herzog et l'ancien haut magistrat Gilbert Azibert, qui comparaissaient aux côtés de l'ex-président ont eu aussi été condamnés à trois ans de prison, dont un an ferme. Une interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant 5 ans a également été prononcée à l'encontre de Thierry Herzog.

Cette affaire a porté "gravement atteinte à la confiance publique", a estimé la présidente du tribunal, en laissant penser que les procédures devant la Cour de cassation ne procèdent pas toujours d'un débat contradictoire devant des magistrats indépendants mais peuvent faire l'objet d'arrangements occultes destinés à satisfaire des intérêts."

Nicolas Sarkozy était jugé pour "corruption" et "trafic d'influence" dans l'affaire Paul Bismuth. Le parquet national financier (PNF) avait requis quatre ans de prison, dont deux ans ferme, à l'encontre de chef de l'Etat, estimant que l'image présidentielle avait été "abîmée" par cette affaire aux "effets dévastateurs". La même peine avait été réclamée pour Thierry Herzog et Gilbert Azibert. Une interdiction d'exercer le métier d'avocat avait également été demandée pour le premier.

Un "pacte de corruption" établi pour le PNF

Tout l'enjeu de ce procès reposait sur l'existence ou non d'un pacte de corruption. Dans cette affaire, il s'agissait de savoir si Nicolas Sarkozy a tenté, par l'intermédiaire de Thierry Herzog, d'aider Gilbert Azibert à obtenir un poste en échange d'informations le concernant dans l'affaire Bettencourt. Cette affaire dite "des écoutes" remonte à 2014. A l'époque, le PNF enquête sur les soupçons de financement libyen de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy.

Les enquêteurs découvrent une ligne officieuse, secrète, ouverte au nom de Paul Bismuth sur laquelle Nicolas Sarkozy et son avocat et ami Thierry Herzog échangent. Pour l'accusations, certaines conversations prouvent qu'il y a eu un pacte de corruption entre les trois hommes. A savoir, Gilbert Azibert, alors magistrat à la Cour de cassation, a transmis des informations couvertes par le secret, en échange d'un appui de Nicolas Sarkozy pour l'obtention d'un poste à Monaco. Poste qu'il n'avait finalement pas obtenu.

En l'espèce, la preuve du pacte de corruption ressort d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants résultant des liens très étroits d'amitié noués entre les protagonistes, des relations d'affaires renforçant ces lien", estime le tribunal correctionnel dans son jugement.

Un "désert de preuves" pour la défense

Au fil des audiences, Nicolas Sarkozy a balayé ces accusations, affirmant vouloir "être lavé de ces infamies". L'ancien président de la République avait parlé de "coup de pouce", de "service" à son avocat, son ami, son "frère" Thierry Herzog. "S'il y avait eu un pacte, j'aurais été plus insistant", avait-il ironisé lors de son audition devant le tribunal. Son avocat avait plaidé la relaxe face à ce "désert de preuves". Les avocats avaient parlé de "fantasmes", d'hypothèses" et de "procès d'intention".

Dans leur ligne de mire, le parquet national financier qui a été accusé tout au long des débat de vouloir faire tomber un ancien président. Dans ce contexte tendu, l'actuel patron du PNF, Jean-François Bohnert, était venu en personne le jour du réquisitoire pour défendre l'institution tout juste créée quand l'affaire des "écoutes" a éclaté, et assurer: "Personne ici ne cherche à se venger d'un ancien président de la République".

La défense avait également demandé la nullité de la procédure et l'annulation des conversations téléphoniques entre Thierry Herzog et Nicolas Sarkozy, estimant qu'elles relevaient du secret entre un avocat et un client. Le tribunal leur a donné raison en écartant deux des conversations portées aux dossiers, mais conservant les 17 autres dans lesquelles les deux hommes évoquaient solliciter l'aide de Gilbert Azibert pour obtenir des informations sur la procédure à la Cour de cassation concernant l'ancien chef de l'Etat. Le secret entre un avocat et son client n'est donc pas "intangible" selon la cour, si les conversations "contiennent intrinsèquement des indices d’une participation à des infractions pénales".

"Le contenu des conversations litigieuses ne procède nullement de l’élaboration d’une stratégie de défense ou d'une consultation juridique, a estimé le tribunal pour rejeter la demande de la défense. Les conversations ont mis en lumière des indices de participation de M.Thierry Herzog mais aussi de M.Nicolas Sarkozy à des infractions distinctes et indépendantes de celles sur lesquelles les juges d'instruction enquêtaient en plaçant sa ligne téléphonique sous écoute."

Un appel déjà formulé

A l'issue de l'audience, Nicolas Sarkozy, qui était arrivé souriant et détendu, est ressorti très rapidement de la salle, sans faire de déclaration. Les juges ont toutefois précisé que sa condamnation pourra être aménagée avec le port d'un bracelet électronique. Une hypothèse à envisager lorsque cette condamnation sera définitive.

En effet, Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog et Gilbert Azibert avaient dix jours pour interjeter appel, une procédure suspensive. Une intention qu'ils ont formulé quelques heures à peine après la lecture du jugement. Me Jacqueline Laffont, l'avocate de l'ancien chef d'Etat a déploré des "affirmation" sans preuve, sans démonstration" de la part du tribunal.

"L'appel réduit le jugement au néant, vous avez toujours un Nicolas Sarkozy présumé innocent", a conclu l'avocate, indiquant que son client "entend bien que son innocence soit reconnue".
https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV