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Police-Justice

Pourquoi tombent-elles amoureuses des tueurs en série?

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De la simple générosité à la curiosité malsaine, de l'amour à la perversion, quelles sont les raisons qui les poussent dans les bras de meurtriers?

Par-delà les murs des prisons et les barbelés, des femmes s'éprennent de criminels. Braqueurs, pédophiles, tueurs en série ou de masse attirent, "c’est un phénomène planétaire", constate Isabelle Horlans, journaliste et auteure de L’amour (fou) pour un criminel. Ce penchant, aussi étrange que fascinant, provoque souvent la même réflexion: "Il faut être folle!" Ou fou, puisque cette attirance singulière concerne aussi – mais en minorité – des hommes. C’est le cas de l'ex-directeur de la maison d'arrêt de Versailles (Yvelines), Florent Gonçalves, qui s’est épris de la détenue reconnue coupable de complicité d’assassinat pour avoir attiré Ilan Halimi dans le piège de Youssouf Fofana.

Chercher le réconfort

Alors, sont-ils "fous"? Pour Roland Coutanceau, psychiatre expert en criminologie, la naissance de tels sentiments relève avant tout du romantisme et de la dramaturgie. Certaines femmes sont attirées par des criminels qu’elles pensent innocents, victimes d’une erreur judiciaire, méritant de facto un soutien. D’autres sont mues par la volonté d’accorder une seconde chance aux prisonniers. "Elles voient ces hommes par un prisme dramatique: ils sont enfermés en prison, dans un monde de brutes, et ont besoin d’aide", explique le psychiatre à BFMTV.com.

Dans la plupart des cas, la relation entre une femme et un criminel naît donc d’un acte altruiste.

"Comme certains aident les SDF ou les migrants, d’autres rendent visite aux prisonniers ou leur envoient des lettres, raconte-t-il. Ce sont souvent des femmes seules, qui cherchent du réconfort. Ces relations leur donnent le sentiment d’avoir de l’importance aux yeux de quelqu’un qui n’a qu’elles".

Et Isabelle Horlans d’ajouter: "C’est une manière de recréer du lien avec un homme tout en préservant leur quotidien puisqu’a fortiori elles ne vont pas se réveiller tous les matins au côté du prisonnier."

"Je peux envoyer ma photo"

Reste que ces battements de cœur sont abscons quand ils sont destinés à des tueurs en série ou à des pédophiles. Pourtant, leur aura est indéniable. Marc Dutroux, le tueur et pédophile le plus célèbre de Belgique, reçoit un abondant courrier constitué notamment de lettres d'adolescentes, souvent de l'âge de ses victimes, et de demandes en mariage.

Marc Dutroux a été reconnu coupable de cinq meurtres.
Marc Dutroux a été reconnu coupable de cinq meurtres. © Eric Vidal - AFP

"Bonjour, je suis une jeune fille de 15 ans. J'habite La Roche-en-Ardenne. Vous m'avez toujours fascinée. Vous êtes une personne connue. Quand je vois vos belles photos, je ne peux que croire que vous êtes honnête", écrit une jeune fille dont la lettre a été révélé par le journal Le Soir. "Voulez-vous correspondre avec moi? Si tu veux, je peux envoyer ma photo", ajoute-t-elle.

Anders Breivik a massacré 77 personnes dans les attentats d’Oslo en 2011, et pourtant "il reçoit environ 1.000 lettres d’amour par mois", s’exclame Isabelle Horlans. Bien loin d’atteindre toutefois l’obsession suscitée par Charles Manson – le gourou qui a commandité l’assassinat de neuf personnes – destinataires de 10.000 lettres enflammées par mois "dans ses grandes années", souligne la journaliste. 

Héros négatif

"Ce fantasme est peu compréhensible mais un héros, même négatif, reste un héros qui peut séduire, à l’instar de Guy Georges", tente d’expliquer le psychiatre, Roland Coutanceau. Certaines femmes rêvent de devenir l’amante d’un homme connu, même s’il doit sa notoriété aux crimes qu’il a commis.

"D’autres sont attirées par le danger. C’est le cas pour les fan d’Anders Breivik, elles sont fascinées par le pouvoir de vie ou de mort que ces hommes ont", développe Isabelle Horlans pour qui cet attrait relève de la pathologie.

Anders Breivik lors de son procès.
Anders Breivik lors de son procès. © Jonathan Nackstrand - AFP

Roland Coutanceau nuance cette approche et relie leur excitation à un imaginaire altéré. "Elles ont l’impression qu’elles vont être les seules à pouvoir les comprendre ou à les raisonner". En ce sens, l’attitude des criminels a une forte influence sur leurs sentiments. Pour le psychiatre, "ils en jouent, ils font croire à ces femmes qu’elles sont les seules qui comptent alors qu’ils échangent avec plein d’autres. Une fois, un criminel m’a confié que c’était un ‘passe-temps agréable’ pour lui".

L'amour virtuel

Les femmes sont nombreuses à s’enticher de criminels, et leur fascination prend un nouveau tournant avec les réseaux sociaux. Des blogs, tumblr, pages Facebook et Instagram sont dédiés à des tueurs en série ou tueurs de masse.

"Les réseaux sociaux ont largement favorisé la glorification de ces criminels", s’inquiète Isabelle Horlans qui constate que certaines femmes vont jusqu’à faire leur "apologie". "Ce sont des communautés d'idées. Les gens n'ont pas peur d'y exprimer leur attirance car ils s'adressent à des personnes qui pensent la même chose", précise-t-elle.

Sur Facebook, plusieurs pages louent la beauté de Luka Magnotta, surnommé le "dépeceur de Montréal" après avoir tué un étudiant chinois en 2012. En réaction aux photos du jeune homme, des commentaires enflammés: "Je t’aime Luka", "trop beau", "Luka n’est pas un criminel, il est trop beau pour l’être". Initialement contenue entre les murs d'un parloir, la fascination pour les criminels "fait désormais le tour du web, avec des dizaine de milliers de vues, de 'like' et de réactions", conclut Isabelle Horlans.
Ambre Lepoivre