Le juge Lambert et le juge Simon, deux magistrats que tout opposait

Quand ils sont saisis de l'enquête sur l'assassinat de Grégory Villemin en 1984 puis en 1987, l'un - le juge Lambert - est inexpérimenté et vient de connaître sa première affectation, l'autre - le juge Simon - a déjà connu une carrière fournie. Jean-Michel Lambert, retrouvé mort mardi soir avait 32 ans en 1984. À l'époque, il est juge d'instruction à Épinal, son premier poste. Dessaisi de l'affaire en 1986, le dossier est alors confié à un juge expérimenté, Maurice Simon. Président de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Dijon et ancien juge d’instruction spécialiste des gros dossiers, il est discret et apparaît comme l’antithèse du juge Lambert, surnommé "le petit juge" par la presse et critiqué pour sa gestion de l'enquête.
Pression médiatique
Poussé par la pression médiatique, l'inexpérimenté Jean-Michel Lambert révèle lors d'une conférence de presse, le rôle de Murielle Bolle dans l'inculpation de son beau-frère Bernard Laroche, alors qu'il est tenu au secret de l'instruction. Trois mois plus tard, allant à l'encontre du ministère public d'Épinal, Jean-Michel Lambert libère Bernard Laroche, après que Murielle Bolle se soit rétractée. En mars 1985, Bernard Laroche est assassiné par Jean-Marie Villemin.
"C'est une affaire qui m'a accompagné tout au long de ma carrière (...) Que s'est-il passé pour que la décision de sa remise en liberté (celle de Bernard Laroche ndlr) ne soit pas acceptée", s'interrogeait en 2014 "le petit juge".
En juillet 1985 revirement de situation, Jean-Michel Lambert inculpe Christine Villemin, la mère de Grégory, pour "assassinat". Elle est finalement innocentée en 1993 pour "absence totale de charges".
Vives critiques
Même s'il avouera lui-même avoir été surpris par un contexte "rarement vu de pression médiatique extrême", Maurice Simon saisi de l'instruction après l'éviction de Jean-Michel Lambert en 1986, critiquera vivement son prédécesseur.
"On reste confondu devant les carences, les irrégularités, les fautes (…) ou le désordre intellectuel du juge Lambert. Je suis en présence de l’erreur judiciaire dans toute son horreur", écrit le juge Simon dans ses carnets, révélés par BFMTV mardi.
Lorsqu'il reprend l'affaire de zéro en 1987, Maurice Simon est le premier à évoquer l'hypothèse d'une "équipe" qui aurait organisé le rapt et le meurtre de Grégory, ainsi que l'écriture des lettres du "corbeau". Il devient l'un des défenseurs de Christine Villemin.
"Grégory est de plus en plus dans mon cœur et je veux savoir qui a eu la sauvagerie de le tuer"
"On a cherché à faire de moi le bouc émissaire"
L'instruction s'interrompt brutalement en janvier 1990 quand le juge Simon est victime d'un infarctus, auquel il succombera quelques mois plus tard.
Jean-Michel Lambert, vivement critiqué même après avoir dessaisi de l'affaire, est ensuite juge d'instance à Bourg-en-Bresse de 1988 à 2003 avant de devenir vice-président du tribunal de grande instance du Mans, jusqu'à son départ à la retraite en 2014. Dans un livre publié en 1987, Jean-Michel Lambert était revenu sur l'affaire Grégory, puis avait par la suite publié des romans policiers.