"Extrêmement bienveillante", "mère aimante"... Au procès de Cédric Jubillar, la personnalité de Delphine décryptée à la barre

Le premier jour du procès de Cédric Jubillar pour le meurtre de son épouse à Albi (Tarn), lundi 22 septembre, avait été consacré au décryptage de la personnalité de l'accusé. Fait plutôt rare, c'est à celle de la victime, Delphine Jubillar, que s'est cette fois intéressée la cour, ce mardi matin, notamment avec le témoignage de ses deux frères et de sa sœur à la barre.
"C’était une personne extrêmement bienveillante", résume à la barre son petit frère, Sébastien.
Dès 9 heures, un enquêteur de personnalité est revenu sur le profil de la disparue, lui donnant vie dans la salle d'audience, racontant sa vie personnelle et professionnelle, la lente dégradation de son mariage au fil des ans, jusqu'à sa disparition.
Une existence qui, selon l'enquêteur, débute dans l'instabilité: Delphine Jubillar, née en 1987, grandit dans une famille de quatre enfants à la situation financière précaire, à Cagnac-les-Mines. "On a eu une enfance pourrissime, mais Delphine ne se plaignait jamais", a raconté son frère aux enquêteurs. "Avec Delphine on s’occupait des tâches ménagères, on s’occupait des petits frères", déclare à son tour sa sœur, entendue ce mardi à la barre.
"Silencieuse sur sa vie privée"
Petite fille discrète, elle entame après son bac des études d'infirmière. Plus tard, ses collègues la décriront comme une "excellente infirmière, volontaire et dévouée", mais aussi "silencieuse et taiseuse sur sa vie privée".
Elle n'est pas tout à fait majeure au moment de sa rencontre avec l'accusé. Le caractère de ce dernier interpelle les proches de la jeune femme. "Elle devait aimer le côté bad boy ("mauvais garçon" en français, NDLR)", analyse sa sœur pendant l'enquête. "On a tous espéré que ce soit une histoire courte", confie un autre proche.
Contrairement à leurs attentes, le couple formé par Cédric et Delphine perdure. Le peintre-plaquiste et l'infirmière passent de nombreuses étapes de vie conjugale: ils s'installent ensemble en 2007, se marient en 2013. Quelque temps plus tard, ils auront leur premier enfant, Louis, puis leur fille Elyah. Delphine Jubillar est décrite comme "une mère aimante, protectrice, dont les enfants sont la priorité".
"Elle n'aurait jamais laissé ses enfants. C'était pas son genre", lance sa sœur Stéphanie, qui a aujourd'hui la garde de Louis et Elyah depuis l'incarcération de leur père. "Louis nous demande de se recueillir sur les lieux où se trouverait sa mère et forcément c’est compliqué…"
Le couple s'isole de manière "pernicieuse"
Au fil des ans, la relation du couple se dégrade. Cédric Jubillar, décrit lundi à la barre comme parfois infidèle, consomme "dix à quinze joints de cannabis" par jour et sa consommation "génère des tensions". En présence de son mari, l'infirmière s'efface.
"Dès qu'il était là, c'était 'on-off' pour Delphine", décrit encore un proche. Quand son époux est violent avec leur fils Louis, "Delphine ne bronche pas".
Peu à peu, cette dynamique de couple isole Cédric et Delphine Jubillar. Certains proches ayant fait le choix de ne plus inviter le premier, l'infirmière a elle aussi été progressivement mise à l'écart. Répondant à une question de Me Pauline Rongier, avocate d'une amie de Delphine Jubillar, l'enquêteur précise que cet éloignement était le fruit d'un "non-dit, quelque chose de pernicieux".
"Vous savez si Delphine était encore amoureuse (de Cédric, NDLR) en 2020?", interroge l'un des avocats de l'accusé, Me Alexandre Martin. "Des témoignages qui étaient recueillis, le terme d'amour ne ressort pas", répond l'enquêteur. Dans son box, Cédric Jubillar ne bouge pas, bras et jambes croisées.
Un tournant en 2020
Alors que Delphine a une "estime de soi assez fragile", Cédric Jubillar, lui, s'impose encore et toujours, dominant, raconte encore l'enquêteur, entendu ce mardi matin. Ce dernier indique même avoir eu du mal à cerner la personnalité de Delphine Jubillar, tant celle de son mari écrasait tout dans leur mariage. "Monsieur Jubillar, on me le dit, prend de la place et, elle, était en retrait. C’était difficile d’avoir des éléments sur Madame Aussaguel car on basculait régulièrement sur Monsieur Jubillar", décrit-il.
L'année 2020 marque un tournant pour Delphine Jubillar, qui fait la connaissance d'un homme sur une application de rencontre au mois de juillet. Les deux tombent rapidement amoureux, rêvent d'une vie à deux, et décident d'officialiser leur relation.
L'amant de Delphine Jubillar décrira auprès des enquêteurs le changement qui s'est alors exercé chez l'infirmière: "Avec elle, j'ai trouvé l'interrupteur. Elle était éteinte, elle est redevenue solaire."
Le 15 décembre 2020, ce dernier annonce à son épouse son intention de la quitter pour refaire sa vie avec l'infirmière. Delphine Jubillar disparaîtra quelques heures plus tard, en pleine nuit, laissant derrière elle toutes ses affaires à l'exception de son téléphone. Son amant doit être entendu lors de la troisième semaine du procès.